Chapitre 25 : Retrouvailles (4e partie)

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Rodric :

 Ça faisait beaucoup à encaisser. Quelque part je m'étais préparé mentalement à apprendre qu'elle avait couché avec le Sorceleur mais pas à ce qu'elle joue les catins en multipliant les partenaires ! Je repensais aux scènes qu'elle m'avait décrit avec un mélange de dégoût et d'excitation assez déstabilisant. J'avais besoin de temps pour digérer toutes ces informations, besoin de temps pour faire le point sur ce que je voulais, sur mes sentiments vis à vis de Gaëlliane. Je n'étais pas sûr de pouvoir lui pardonner ses actes, ses choix.

 Finalement c'était une bonne chose que le Sorceleur n'ait pas été en état de se battre : ma colère mal dirigée était complètement retombée à son égard. Gaëlliane avait été honnête : elle seule était à l'origine de leurs premiers ébats et même d'une partie des autres. Il aurait été idiot de ne pas en profiter. J'avais presque envie d'aller le remercier d'avoir pris soin d'elle mais il ne fallait pas pousser quand-même. Il fallait que je lui parle. J'avais besoin de comprendre mieux ce qu'il s'était passé pour savoir où j'en étais vis à vis d'elle.

– J'ai besoin de temps, Gaëlliane. Je suis en colère, je suis déçu, je ne sais pas si je pourrais te pardonner un jour.

 Elle hocha simplement la tête, les yeux brillants de larmes contenues. Je ne voulais pas céder à la tentation de la prendre dans les bras. Elle ne le méritait pas, je n'étais pas prêt pour ça. Je me contentai de lui poser une main sur l'épaule avant de la quitter.

– Je reviendrai te voir quand je saurai où j'en suis. Je te laisse le chariot. Mélusine à besoin de toi.

 Je partis sans me retourner. Ses sanglots me transpercèrent mais je devais tenir bon, me donner le respect qu'elle n'avait pas eu pour notre mariage, ni pour moi.

 La nuit n'était éclairée que par la voûte céleste et le croissant de lune. Machinalement, j'étais revenu vers le chariot, j'y récupérai une de mes lampes à friction et une couverture. J'allais devoir trouver un endroit pour la nuit… Je pris le temps d'embrasser Mélusine dans son sommeil avant de quitter les lieux.

 Mes pas se dirigèrent naturellement vers le centre du village. Je ne m'attendais pas à le trouver dehors mais il était là, assis sur le tronc couché, sa silhouette massive ne laissant aucune doute sur son identité. Il me lança un bref coup d'œil par dessus son épaule avant de me désigner l'espace à sa droite :

– Assoyez-vous donc. Est-elle enfin venue jusqu'à vous ?

 J'acceptai l'invitation avec un grognement indistinct, sans répondre à sa question. Il me tendit l'outre qu'il venait de porter à ses lèvres. Je reniflai le liquide avant de goûter prudemment. C'était diablement fort! La vodka traça un sillon enflammé de ma bouche à mon estomac. J'en avalai une deuxième lampée avant de rendre son bien au Sorceleur :

– Au stade où on en est, je crois qu'on peut se tutoyer. Difficile d'être plus intime que de culbuter la même femme.

 Il éclata d'un rire franc qui me le rendit, malgré-moi, sympathique :

– Tu as raison ! Le seul moyen que je connais n'est pas tout à fait dans mes goûts. J'ai malheureusement un penchant uniquement pour la gente féminine !
– Affronter le danger ensemble, il paraît que ça rapproche aussi…
– Oui c'est ce qu'on dit…

 Il but une bonne gorgée avant de me tendre à nouveau la boisson :

– Dur à encaisser ? Elle est surprenante, passionnée.
– Je ne sais pas si je pourrais lui pardonner…, répondis-je en grimaçant.
– Lui pardonner quoi? D'aimer la vie? De s'être battue pour revenir jusqu'à toi? T'as-t-elle au moins dit les dangers qu'elle a affronté ?
– Merci de l'avoir gardée en vie…
– Pour cette question là je lui doit plus qu'elle ne me doit..

 Il me raconta alors les évènements selon son point de vue, me faisant part des situations de crise et des dangers qu'ils avaient affronté ensemble pour arriver jusque là. Elle ne m'avait décrit que ses égarements charnels, à peine ses luttes contre la tentation. Elle n'avait pas cherché à atténuer sa faute. Lui me raconta les risques qu'elle avait pris pour lui, pour d'autres, le courage et l'adaptabilité dont elle avait fait preuve. Il me raconta comment elle avait su naturellement rallier autour d'elle des personnes bienveillantes, faisant ressortir le meilleur de l'humanité dans cette période sombre et violente. Il m'apprit également son abnégation acharnée pour les jours passés à le soigner alors que sa vie ne tenait plus qu'à un fil. Cela ne m'étonnais pas, ma Gaëlliane avait toujours fait preuve d'opiniâtreté quand il s'agissait de prendre soin d'autrui. Les pièces du puzzle s'assemblaient dans mon esprit : j'y voyais un peu plus clair entre les évènements et ses frasques sexuelles. Ça expliquait en partie mais ça n'excusait rien.

 Il décrivait les choses sans emphase, de manière très factuelle et ne m'apprit qu'à la fin de sa description des faits qu'elle avait été maltraitée et blessée par un homme à cause d'une erreur de sa part. Il avait l'air de se sentir sincèrement coupable de ça. Apprendre cet événement me provoqua une telle détresse, mélange d'impuissance et de rage, que je réalisai que mes sentiments pour elle étaient toujours là, malgré la colère et la déception. Je ne voulais pas qu'elle souffre. Je regrettais de n'avoir pas pu la protéger de ce qu'elle avait vécu de douloureux sur ce mois écoulé.

 Nous restâmes silencieux un moment après cette dernière révélation, vidant progressivement l'outre du Sorceleur. L'alcool engourdissait tranquillement mes sens, calmant mes émotions. J'étais las. J'avais envie de rentrer chez-moi, de dormir dans un lit confortable plutôt que de me laisser sombrer dans l'alcool à la belle étoile. Je pris congé de mon hôte, qui me gratifia d'une solide poignée de main et d'une accolade pour le moins virile, puis repartis d'un pas mal assuré.

– Ce putain de sol n'arrête pas de bouger !

 J'avais bougonné à voix haute avant de me mettre à rire comme un con ce qui ne facilita pas ma progression. Rire me fit du bien. Je me sentis soudainement plus léger en arrivant tant bien que mal auprès du chariot, tirant des bords sans parvenir à marcher droit. Je rentrais chez-moi, auprès de ma famille. Les choses seraient différentes mais on resterait ensemble, c'était ce que je souhaitais.

 Contre toute attente, étant donné notre échange et l'heure plus que tardive, Gaëllianne m'attendait sur le pas de la porte.

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