Chapitre 23 : Dernière étape (3e partie)

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 La journée se déroula sans heurt. Nous étions presque à destination mais le soir commençait à tomber. Nous allions devoir passer une dernière nuit à découvert avant de pouvoir entrer dans Brokilone. Geralt avait eu plusieurs moments d'éveil de qualité dans la journée et il avait su avaler quelques solides. C'était bon signe. L'infection était apparemment totalement éradiquée et il retrouvait un semblant d'énergie même s'il s'épuisait très vite à la moindre action. Son pronostic vital ne semblait heureusement plus engagé et j'étais convaincue qu'avec les soins des Dryades il serait bientôt sur pied.

 La nuit fut aussi paisible que la journée. Au soleil levant nous reprîmes la route. La forêt était là, toute proche. Le temps des adieux allait venir. Nous avions convenu que je rentrerais seule avec l'atelage à proximité des arbres, Orage et Ablette attachées à l'arrière. C'était Heppé qui était attelé, Jaskier était pour l'heure juché à cru sur Tekké, Finn montait Gasmauw et Wellan, Kaki. Nous avions pris le temps de nous dire adieu. Les garçons étaient émus et reconnaissants. Leurs velléités de vengeance semblaient apaisées pour le moment et cela me rassura quant à leur avenir. Ils avaient serré la main de Geralt qui avait eu le bon goût de s'éveiller au moment opportun, lui souhaitant un prompt rétablissement et un rapide retour à leur village pour récupérer Jaskier, qui lui donna une longue accolade, souhaitant le retrouver sur pied bientôt.

 J'avais un pincement au cœur en saluant une dernière fois Jaskier. Son insolent babillage allait me manquer, le partage de ses chansons aussi et toutes les flagorneries dont il m'avait délicieusement embarrassée également. C'était un homme joyeusement désinvolte et j'enviais assez sa liberté, même si elle le conduisait inévitablement à des situations périlleuses qui n'auraient pas lieu d'être s'il savait garder sa langue, voire ses mains, dans sa poche. Une chose était sûre : c'était un personnage haut en couleurs auprès duquel on ne s'ennuyait jamais, un amant hors du commun et un ami dévoué, comme il l'avait prouvé plus d'une fois avec Geralt. J'espérais avoir vent de ses nouvelles ballades, cela me permettrait de garder un certain lien avec lui… Et puis il y avait celle qu'il avait écrit sur moi, même si je me voyais mal la chanter à Rodric et Mélusine.

 Allez, il était temps de nous mettre en route. Un dernier signe de la main et je montais dans le chariot, saisissant les guides, je claquai de la langue pour mettre le cheval au pas. Nous traversions l'espace herbeux entre le Ribbon et la première partie de la forêt. Il me fallut longer cet espace un moment avant de pouvoir contourner la naissance du cours d'eau et entrer à proprement parler dans Brokilone. Il était prévu que je laisse ensuite repartir l'attelage, faisant confiance à Heppé, qui ne supportait pas d'être séparé de son frère, pour rejoindre seul le groupe avec le chariot. D'ailleurs les deux chevaux hénissaient plaintivement, rechignant à laisser la distance s'agrandir entre eux et je devais maintenir un contact vocal et physique permanent avec l'animal qui menaçait de s'arrêter.

 Le paysage était magnifique : sur ma gauche, l'eau du Ribbon était calme et transparente. Difficile d'imaginer que des créatures dangereuses pouvaient y habiter. Le cours d'eau était bordé de roseaux et d'iris d'eau ouvrants leurs fleurs jaunes. Les grenouilles y coassaient gaiement et quelques canards colverts se laissaient glisser sur l'eau. J'aperçus également des foulques et des grèbes huppés. Sur ma droite les arbres étaient immenses et la forêt très dense : toutes les essences poussaient enchevêtrées les unes dans les autres. Un écureuil roux flamboyant suivi un moment mon attelage, sautant de branche en branche en parallèle de nous. Il régnait une sérénité qui me faisait presque oublier que j'allais rentrer sur un territoire interdit.

 Ça y était : j'arrivais à la naissance du Ribbon, j'allais maintenant le contourner vers la gauche. Heppé luttait de plus en plus pour faire demi-tour. Il me fallait l'encourager sans cesse. Il s'arrêta d'un coup, levant la tête effrayé,les naseaux dilatés et laissant voir le blanc de ses yeux.

 Sifflement, impact.

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