Chapitre 21 : Bel accueil (2e partie)

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 Je fus réveillée par du mouvement. A en croire la luminosité ambiante, le soleil devait être levé depuis plusieurs heures, j'étais surprise d'avoir dormi si longtemps. Geralt s'agitait près de moi, appelant Yennefer, comme souvent depuis le début de notre voyage. Il gémissait, semblant lutter pour s'éveiller. Je m'assis près de lui, posant mes mains sur le haut de sa poitrine pour le rassurer. Il entrouvrit un oeil de chat inquiet, croisa mon regard, puis le laissa se refermer avec un soupir. Il semblait sans forces mais il était sorti de son inconscience ce qui était bon signe.


– Nous sommes avec toi, tu es en sécurité. Tu as perdu beaucoup de sang laisse-toi le temps de récupérer. 


 Ne voulant pas rompre le contact avec Geralt, je réveillai Jaskier en lui lançant mon oreiller, il bondit sur ses pieds l'air hagard, les cheveux en bataille. 


– Hein? Qu'est-ce qu'il se passe ? Est-ce une façon de tirer du sommeil un honnête homme?!

– Il s'est réveillé, Jaskier, mais il est très faible. Il va avoir besoin de toi. Je vous laisse entre hommes pour les questions d'élimination. Vois, Griselda nous à laissé un seau d'aisance. 

– Non mais tu plaisantes ?! Je sais pas gérer ça moi ! 

– Tu vas t'en sortir à merveille ! Tu ne vas quand-même pas le laisser se souiller...


 Éclatant d'un rire mutin, je déposai un baiser sur la tempe de Geralt et filai comme une voleuse. Ce n'était pas franchement correct de ma part mais présentement je me sentais plus amante que guérisseuse et je ne me voyais pas gérer cela. C'est en refermant la porte derrière moi que je réalisai avec embarras que ma tenue n'était pas du tout appropriée pour côtoyer de parfaits inconnus… Le rouge aux joues, je retournai dans la chambre où Jaskier était en train d'aider Geralt à se redresser. Son regard soulagé de mon retour ne me laissa pas d'autre choix que de l'aider dans cette tâche que j'avais voulu esquiver.


 Cet effort terrassa le Sorceleur, épuisant le peu de forces qu'il avait réussi à reconstituer. Le temps de le remettre au lit et il sombrait à nouveau dans un sommeil profond. Mon cœur se serra de le voir si amoindri. J'en profitai pour faire ses soins, lui épargnant ainsi des douleurs inutiles. Je fus une nouvelle fois surprise par la vitesse de régénération de son organisme : les sutures semblaient propres et en bonne voie de cicatrisation. 


 Je demandai à Jaskier de m'aider à le tourner sur le côté pour accéder à l'arrière de son corps. J'étouffai alors un juron : a en croire le liquide qui tâchait le pansement, malgré mes précautions et mes baumes, sa morsure à l'épaule semblait malheureusement en train de s'infecter… Je défis le pansement. L'aspect de la plaie était vraiment inquiétant, l'odeur qui s'en dégageait aussi. Je jurai cette fois franchement, regrettant de n'avoir pas pensé lui demander d'informations sur ses élixirs lors de sa courte reprise de connaissance. 


 C'est à ce moment-là que Griselda frappa à la porte. J'enfilai à la hâte mes vêtements de voyage : des braies sombres et ma tunique verte fendue sur les côtés, tandis que Jaskier se rajustait de son côté avant d'aller lui ouvrir. Elle eut un mouvement de recul en voyant la plaie, fit demi-tour en lançant par dessus son épaule :


– Je vais vous faire bouillir de l'eau et lui préparer une décoction d'écorce de saule. Je vous amène du linge propre aussi. C'est dans ces moments-là qu'on regrette de n'avoir pas de magicien sous la main…


 Deux minois inquiets apparurent dans l'embrasure de la porte : Josh et Karl tremblèrent de concert en voyant la plaie infectée. Il firent un bref signe de la main et semblèrent opter pour un repli stratégique avant de tourner de l'oeil. Je les entendis s'affairer à la cuisine avec leur mère qui m'amena ce qu'il fallait pour mon patient tandis que ses fils préparaient apparemment une collation. Griselda prit le départ, annonçant :


– Je vais solliciter le conseil du village, je reviens dès que possible. Si vous avez besoin de quoi que ce soit demandez aux garçons. Wellan et Finn ont prévu de passer prendre des nouvelles eux aussi. N'hésitez pas à les renvoyer chez eux s'ils vous importunent. 


 Nettoyer la plaie infectée me prit plus de temps que je ne l'aurais souhaité. Geralt émergea juste assez pour gémir de douleur sous mes soins mais pas suffisamment pour m'indiquer lequel de ses élixirs pouvait l'aider… Jaskier avait pourtant apporté ses affaires jusqu'à lui mais il ne sut pas ouvrir les yeux… Il replongea vite dans l'inconscience. Jaskier avait l'air las et inquiet. Blanc, mâchoire crispée, il passa sa main dans ses cheveux pour essayer de les discipliner.


– J'ai passé ma nuit à rêver de sa mort. Je la sens qui rôde. Je ne suis pas prêt pour ça…

– Garde confiance… Je crois en lui. Il va la combattre cette infection… Déjà il reprend conscience par moment, c'est encourageant...


 En vérité je n'en menais pas large non plus mais je devais tenir l'espoir coûte que coûte que nous arrivions à bon port à temps. Jaskier carra les épaules et raffermit son regard avant de me sourire.


– Tu as raison, il en a vu d'autres. Allons lui dénicher un peu de soupe pour le requinquer et prenons le temps de manger nous aussi! Je meurs de faim ! Après nous réfléchirons à un moyen de transport plus rapide pour lui. J'estime qu'en forçant l'allure on doit pouvoir couvrir la distance restante en deux ou trois jours en relayant les chevaux. 


 Tandis que je terminai le soin, Josh et Karl qui avaient entendu nos besoins par la porte restée ouverte nous apportèrent de la soupe tiède et diluée comme la veille et deux assiettes garnies de généreuse tartines au fromage pour Jaskier et moi. 


 Caler Geralt en semi-allongé pour l'alimenter fut malheureusement douloureux pour lui : arraché à son sommeil par la sensation, il gémit et se crispa, le souffle court. Il réussit de nouveau à entrouvrir un oeil mais le referma aussitôt, réservant ses forces. Il grimaça à la saveur de la décoction que je l'encourageai à prendre quand-même, puis son visage se détendit quand je lui offrit la soupe. Il ne l'avala pas toute entière, trop épuisé, il retomba dans l'inconscience.


 Wellan et Finn arrivèrent au moment où nous terminions de manger. Il s'enquérirent de la santé de Geralt, se réjouissant de ses moments d'éveil et nous surprirent en nous offrant plusieurs bouteilles de vin de Toussaint. C'était leur manière de nous remercier une fois encore. Je me doutais de la provenance du vin étant donné l'échange de la veille, aussi j'acceptai-je sans discuter et avec gratitude, ne voulant pas retourner le couteau dans la plaie.


 Griselda rentra peu de temps après. Elle nous remit, de la part du conseil, une petite bourse ventrue :


– C'est pour dédommager le Sorceleur pour nous avoir débarrassés des goules. Désolée de ne pas pouvoir offrir plus, chacun a mis un peu. 

– Nous n'en attendions pas tant...

– Ce n'est pas tout : nous avons décidé de mettre à votre disposition un chariot, deux chevaux de trait pour le tirer et deux autres pour vous permettre de mettre au repos les vôtres. Cela vous permettra d'avancer plus vite vers Brokilone. Wellan et Finn se sont portés volontaires pour vous accompagner et ramener nos biens une fois votre destination atteinte. 


 Un élan de gratitude me traversa, me faisant monter les larmes aux yeux. Jamais je me serais attendue à une telle générosité ! Je serrais les mains de la femme en la remerciant de tout cœur : par son intervention elle venait d'offrir une réelle chance de survie au Sorceleur. 

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