Chapitre 17 : Le même jour du côté de Rodric (4e partie)

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 Leurs habitations étaient incroyables : guidés par la magies les arbres et les plantes avaient poussé pour constituer des maisons végétales à différentes hauteurs. Je commençais à comprendre le lien qui unissait les Dryades aux végétaux environnants. Je ne croisai que peu d'humains dans cette communauté, surtout des femmes, parfaitement intégrées à la communauté, différenciables uniquement par leur taille, la forme de leurs oreilles et la couleur de leurs peaux, et de rares hommes, convalescents, qui avaient visiblement un statut à part. Ils m'expliquèrent alors bénéficier des soins particulièrement puissants et de l'eau miraculeuse des Dryades. En contrepartie ils participaient au renouvellement de l'espèce en acceptant de procréer avec elles. Cela se faisait à leur initiative uniquement. Ils me déconseillèrent donc tout geste déplacé sous peine d'en payer les conséquences.

 Procréer avec les dryades ? Maintenant qu'ils le disaient, cela me rappelait un vague souvenir. Gaëlliane devait connaître cette contrepartie, elle devait l'avoir acceptée. Cette perspective me mit néanmoins très mal à l'aise : je ne souhaitais pas lui être infidèle mais une part de moi se réjouissait de cette expérience exotique en perspective. J'essayais de me rassurer en me répétant que Gaëlliane savait.

 Les jours passèrent sans nouvelles d'elle. Mélusine avait rapidement trouvé sa place dans la communauté et je la voyais de moins en moins. Elle semblait avoir été adoptée par ce peuple dont elle eut vite fait d'apprendre la langue et d'adopter les tenues et coutumes. Je la voyais épanouie même si elle me demandait souvent si sa mère allait nous rejoindre. Je n'en savais rien. Je l'espérais de tout cœur mais le temps passait et une part de moi craignait qu'il ne lui soit arrivé malheur.

 Je la supposais accompagnée par le colosse aux cheveux blancs de l'affiche, le Sorceleur, et cette perspective était à la fois rassurante et terrifiante. : tout laissait présumer qu'il était très à même de la protéger mais aussi de la séduire. Imaginer les mains de cet homme sur la peau douce de ma femme me fit monter une vague de rage et de détresse. Je serrais les poings jusqu'à les faire blanchir, mes ongles s'enfonçant profondément dans mes paumes. Une part de moi me disait qu'elle m'aimait et que je pouvais lui faire confiance mais l'autre rétorquait qu'elle m'aimait mais que je l'avais délaissée pendant cinq longues années et qu'elle savait ce qu'attendraient les dryades de moi… Malheureusement cette part là me paraissait plus crédible. J'allais devoir me préparer à vivre avec cette éventualité insuportable. Je ne savais pas comment je réagirais le cas échéant. En attendant, cela me donnait envie de hurler de rage.

 L'attitude des cervidés relevant subitement la tête et un bruit de pas derrière moi me ramenèrent à l'instant présent. Je jetai un oeil derrière moi, mon émotion s'apaisa en la voyant. Je tapotai le tronc d'arbre moussu sur lequel j'étais assis, invitant la jeune et jolie dryade qui était sortie de derrière un arbre, à s'asseoir près de moi. Cela faisait plusieurs jours qu'elles étaient plusieurs à m'observer plus ou moins discrètement, pouffant parfois dans les buissons. Celle-ci était la première à m'approcher clairement. Je me souvins des conseils et la laissai prendre toutes les initiatives. Elle me dévisagea un instant en souriant puis baissa ses yeux , fermant ses paupières à longs cils sur ses prunelles dorées assorties à sa chevelure. Il me sembla voir rosir légèrement sa peau quand elle me saisit par la main, m'entraînant à sa suite dans une de leurs maisons végétales. Sa main était douce et fraîche, toute menue dans ma grande paluche. Elle ne prononça qu'un seul mot avec une voix chantante, désignant sa jolie poitrine : Taänië. Je répondis mon prénom en retour.

 Elle me fit monter dans son perchoir qui était constitué de deux gros arbres principaux se rejoignant en une sphère végétale et d'un troisième, plus fin, montant en spirale tout autour. Cela offrait le moyen d'accéder au nid. Cette rampe naturelle ne faisait que quelques dizaines de centimètres de large, rendant l'ascension impressionnante, elle avait l'agilité de l'habitude et je la suivais avec un peu d'appréhension. Nous nous élevâmes ainsi sur plusieurs mètres avant d'arriver à l'ouverture ronde dans laquelle je me glissait tant bien que mal à sa suite. Mes épaules avaient en effet tout juste la largeur de passer.

 L'endroit était étroit, je n'y tenais pas complétement debout, et assez sombre. Les branches des arbres s'étaient entrelacées très finement offrant un toit étanche à la pluie. De rares ouvertures rondes dans les "murs" laissaient passer un peu de lumière, complétée par la lueur verte d'une variété de champignons phosphorescents.

 Taänië me sourit. Elle avait un visage fin, des lèvres charnues, de minuscules dents très blanches et des oreilles légèrement pointues. Elle se déshabilla en un tour de main, enlevant sa robe légère. Je regardais son corps mince et souple sans réelle émotion. Oui, objectivement elle était belle avec ses petits seins ronds aux aréoles dont le vert plus sombre me laissa un peu songeur. Ses hanches étaient courbes et ses attaches fines. Sa peau avait l'air lisse et douce mais je n'étais pas là par choix. Gaëlliane et cet homme occupaient encore toutes mes pensées. La jalousie m'habitait sans que je sache la museler. Je n'avais pourtant aucune certitude, si ce n'était, je l'espérais, les sentiments de mon épouse à mon égard.

 La dryade prononça des mots chantants que je ne compris pas. Son ton semblait interrogatif, elle avait incliné la tête de côté, laissant dégouliner sa chevelure. Je réalisai alors qu'elle attendait certainement de moi que je me dévêtisse à mon tour. Elle me le confirma en commençant à défaire un par un les boutons de ma chemise. Le spectre de ma femme s'invita à nouveau quand je constatai que Taänië faisait la même taille que Gaëlliane. De nouveau l'inquiétude et la jalousie me poignardèrent. Je serrai les mâchoires et les poings. La dryade eut un mouvement de recul inquiet. Je tentai de la rassurer d'un sourire, lui expliquant, sans savoir si elle comprenait, que mon attitude n'avait rien à voir avec elle.

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