Chapitre 17 : Le même jour du côté de Rodric

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 Assis sur un tronc d'arbre mort, j'observais la forêt tout autour de moi : les arbres immenses me surplombaient, laissant filtrer les rayons du soleil à travers leurs feuillages. La nature sauvage m'entourait, me baignant de bruissements et autres pépiements d'oiseaux. Les animaux ne craignaient pas les hommes ici. De là où j'étais je pouvais observer une harde composé d'un grand cerf et d'une demi-douzaine de biches accompagnées de leurs jeunes faons. J'entendais distinctement le son de leurs dents coupant l'herbe fraîche et leurs pas sur le sol de la forêt. Un peu plus haut, des écureuils jacassaient en se poursuivant dans les arbres. Personne n'aurait pu se douter qu'un village entier était là, à quelques mètres de mon banc de fortune.

 Cela faisait presqu'un mois que Gaëlliane n'était plus à nos côtés et une bonne semaine que nous étions arrivés à Brokilone. Je repensais aux événements qui avaient chamboulé notre vie. L'inquiétude m'avait étreint quand je ne l'avais pas vu rentrer ce soir là. Notre fille avait été si difficile à rassurer qu'elle dormit blottie contre moi toute la nuit. C'était la première fois qu'elle était séparée aussi longtemps de sa mère. Elles étaient très proches toutes les deux. J'avais eu de la chance : exceptionnellement Mélusine avait choisi de rester avec moi plutôt que d'accompagner Gaëlliane pour sa récolte d'herbes médicinales… Il s'en était fallu de peu pour qu'elles mes soient arrachées toutes les deux d'un coup !

 Dès le lendemain, confiant Mélusine à Jahlna, j'étais parti à la recherche de mon épouse, en vain. J'avais trouvé la clairière, où elle avait l'habitude de récolter certaines de ses racines, piétinée comme s'il y avait eu lutte. J'y lus clairement les empreintes de plusieurs chevaux et de leurs cavaliers. Des hommes si j'en croyais la taille des empreintes de bottes dans la boue. Jusqu'au bout j'espérai que cela ne la concernait en rien mais quand je vis ses empreintes minuscules au milieu, j'eus la confirmation qu'elle était partie avec ces hommes, peut-être enlevée. Rentrant chez nous j'avais décidé de n'en rien dire à Mélusine mais de commencer à préparer nos bagages pour un éventuel départ précipité. Notre fille dormit une nouvelle nuit agrippée à moi, appelant sa mère dans son sommeil.

 Ce fut le matin suivant, en allant acheter du pain pour le petit déjeuner, que je vis les affiches avec la tête de Gaëlliane mise à prix. Je compris alors qu'il était temps de nous mettre en route vers Brokilone qui était notre lieu refuge convenu en cas de problème.

 En observant les affiches, j'avais constaté qu'une autre personne était également recherchée avec Gaëlliane : un homme massif aux long cheveux blancs et à l'air féroce, un Sorceleur si j'en croyais le texte. Il était écrit que tous deux étaient considérés comme armés et dangereux. Je secouai la tête incrédule, ma Gaëlliane dangereuse? Je ne pouvais pas y croire... Pourtant il était indiqué qu'elle aurait mutilé et tué des soldats ! Mon coeur se serra. Inquiet je me demandais dans quel merdier elle avait réussi à se fourrer.

 J'avais réagi promptement pour achever de préparer notre départ avec l'aide de Jahlna, l'apprentie de Gaëlliane. J'avais quand-même pris le temps de mettre Orage, la jument de ma femme, en pension à l'écurie du Village. Malheureusement, au moment où nous allions prendre la route, les services de l'ordre m'interceptèrent. Ils me questionnèrent, tout le jour durant, mais je n'avais aucune réponse à leur donner et combien même ils n'auraient rien su tirer de moi : je me devais de protéger ma famille. J'ignorais où était mon épouse et l'inquiétude que cela provoquait chez moi me faisait bien plus mal que leurs coups pour me faire parler.

 Je ne compris pas ce qui les incita à me laisser partir mais j'en fus soulagé : la douleur commençait à devenir difficile à gérer même si je faisais tout pour n'en rien montrer. Peut-être imaginaient-ils que je les conduirais jusqu'à elle? Je surveillerais nos arrières : hors de question d'être responsable de son arrestation, le pal et la corde étaient bien trop utilisés ces derniers temps, sans parler des autres techniques barbares de tortures... Imaginer ma femme ainsi maltraitée en cas de capture me glaça, si elle devait subir cela je doutais de pouvoir m'en relever.

 Je fus accueilli par les pleurs de Mélusine en rentrant chez moi. Jahlna avait veillé sur elle mais elle était terrorisée par la situation. Elle avait cru me perdre moi aussi. Voir l'état dans lequel je rentrai ne la rassura pas vraiment. Je consentis donc à laisser Jahlna me soigner même si j'essayais de lui faire croire que ce n'était rien. Elle banda mes côtes apparemment fêlées après m'avoir appliqué un baume et utilisa le même baume sur mes échymoses dont les plus impressionnantes étaient à l'oeil et à la mâchoire. Cela me soulagea plus que je ne voulus l'avouer. Je profitai de ce temps pour lui donner des instructions concernant l'aide à apporter à Gaëlliane, si elle venait à repasser par chez nous. J'espérais secrètement qu'elle ne prennent pas ce risque mais je la connaissais peu raisonnable, toujours à foncer tête baissée et à n'en faire qu'à sa tête. Mon coeur se serra à nouveau, je ne pouvais rien faire pour la protéger cette fois.

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