Chapitre 16 : Péché de gourmandise

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 C'est la lumière rouge-orangée du soleil levant entrant par les grandes fenêtres qui me tira du sommeil. Des ronflements m'indiquèrent que Geralt et Jaskier dormaient toujours. J'ouvris paresseusement un œil en m'étirant comme un chat. Ma nuit avait été courte et troublée. La scène que je vis me fit sourire : ils étaient enlacés, le bras de Geralt passé sous la nuque de Jaskier, le nez du Barde dans le cou du Sorceleur, sa main posée sur la toison de son sternum. Je re-songeai à la veille, à la colère que j'avais ressenti et l'agressivité dont j'avais fait preuve face à leurs intentions. Je réalisai alors que j'avais détesté plus que tout cette impression de n'être pas concertée. J'avais besoin d'avoir le contrôle, de me sentir libre d'initier pour ensuite me laisser porter par l'émotion, la sensation du moment, en toute sécurité.

 Geralt ne m'avait pas vraiment habituée à prendre les devants si ce n'était dans des contextes particuliers, ou alors uniquement sous forme de propositions pleines de retenue. Il n'était pas spécialement demandeur mais toujours partant, montrant la douceur, la vigueur, la créativité et l'enthousiasme que l'on peut espérer d'un bon amant. L'attitude de Jaskier m'avait décontenancée : qu'il me fasse ainsi des avances en présence de son ami, sachant ce qu'il se passait entre nous m'avait vraiment donné l'impression d'être prise pour une fille de joie, que Geralt le cautionne également d'ailleurs, mais je devais reconnaître à ce dernier la pertinence de sa remarque concernant la gourmandise irrépressible dont j'avais fait preuve depuis notre rencontre.

 Gourmande. Oui, cet adjectif qualificatif me représentait assez bien. Restait à savoir si je continuais d'assumer ma gourmandise ou non. Pas de regrets, pas de remords? Pas si simple. La vérité c'était que j'avais passé ma nuit à rêver de leurs peaux contre la mienne, de leurs corps contre mon corps, dans mon corps, de leurs mains m'explorant dans les moindres détails et mon corps en était encore tout en émoi. Renoncer à le vivre conduirait nécessairement à des regrets. Accepter de le vivre viendrait alourdir ma faute envers Rodric mais n'avais-je pas déjà depuis longtemps passé le point de non retour ? J'allais devoir vivre avec quoiqu'il advienne… et en accepter les conséquences quelles qu'elles soient. Et puis ce qu'ils avaient à m'offrir, jamais je ne pourrai le vivre avec Rodric. Il était bien trop jaloux d'une part et trop peu enclin aux choses du sexe de l'autre. Bien sûr par le passé nous avions vécu la passion des corps et j'avais eu du plaisir mais depuis la naissance de notre fille il m'avait sacrément délaissée, plongé dans son travail… J'avais essayé de le séduire à de nombreuses reprises mais la plupart du temps sans succès. J'en étais venue à douter d'être désirable et je m'étais résignée, frustrée. Et puis la vie m'avait fait rencontrer Geralt et le feu d'artifice qui va avec.

 La vérité n'était pas seulement que je voulais n'avoir aucun regret, c'était pire que ça : je voulais tout vivre pour moi, égoïstement et il me fallait reconnaître que j'avais diablement envie d'expérimenter vraiment ce qu'ils m'avaient suggéré la veille et dont j'avais abondamment rêvé toute la nuit durant. Un vertige m'étourdit à la pensée qu'ils puissent ne plus être disposés. Ce serait une telle humiliation… Je me ressaisis : il était temps de prendre les choses en main.


 Je pris le parti de me faire câline, venant faire la symétrie de Jaskier, mon nez dans le cou de Geralt, ma main sur sa poitrine, caressant distraitement sa toison et les longs doigts fins du musicien. Très vite je me calai la tête sur ma main libre pour mieux profiter de la vue. Collant mon corps à celui de Geralt, je vins poser mon genou sur sa cuisse. Je sentis alors ma nuisette remonter dévoilant mes fesses pour le moment dissimulées par les draps du lit. La main libre de Geralt se trouvait présentement à quelques millimètres de la rondeur de ma cuisse offerte. Je sentais son coeur battre incroyablement lentement sous ma main.

 Voyant que mes caresses ne les éveillaient pas, je décidai de changer de stratégie, remplaçant ma main par mes lèvres. Je partis de la zone juste derrière l'oreille du Sorceleur, puis parsemai sa mâchoire mal rasée de petit baisers. Je redescendis dans son cou, venant investir sa poitrine.

 Je laissai alors déborder sur la main de Jaskier, m'enhardissant à glisser une langue gourmande le long de ses phalanges. La main s'anima, prenant de la hauteur, tandis que j'en profitai pour sucer un doigt, enroulant ma langue agile tout autour, insistant sur la zone caleuse de la pulpe du doigt, mordillant délicatement ce témoignage de la pratique du luth. Un gémissement étouffé fit écho à mon traitement. Les cheveux châtains en bataille, Jaskier ouvrit des yeux étonnés puis un grand sourire s'étala sur son visage. Je gardai mon regard planté dans ses yeux noisette parsemés de paillettes vertes tout en continuant de prodiguer ma caresse, un petit sourire au coin des lèvres.

– Gaëlliane ! Tu me vois ravi de ton revirement d'opinion ! J'avoue avoir été assez frustré hier soir mais soit, c'était ton droit. Je suis par ailleurs rassuré que ce soit ta bouche, et non pas celle de Geralt, qui prenne soin de mon doigt avec autant de brio !

 Il y eut un silence pendant lequel il ferma les yeux pour savourer la sensation de ma succion éhontée. Il gémit à nouveau, rouvrant les yeux pour accrocher de nouveau mon regard :

– Oow! Comme ça me donne envie de sentir ta bouche sur un autre de mes membres ! Divine gourmande ! Geralt n'a pas exagéré tes qualités !
– Bonjour. Vous me le dites si je vous dérange…

 Nos regards se désolidarisèrent pour se tourner vers lui : allongé impassible entre nous deux, il nous observait avec un certain amusement. Il me détailla un instant et je réalisai que dans la position où j'étais l'un comme l'autre avait une vue plongeante dans mon décolleté. Un frisson me parcourut.

– La nuit t'a porté conseil ?

 J'acquiesçai en silence puis expliquai :

– Le sommeil m'a fui. J'ai eu tout le loisir de démêler mes sentiments. J'ai été outrée plus que de raison par votre proposition : je n'assume pas encore complètement la femme que je suis devenue depuis que je t'ai rencontré et je garde de la culpabilité vis à vis de Rodric. Je l'aime, je ne souhaite pas le faire souffrir. Cependant, je sais grâce à toi que si je ne profite pas de ce que la vie m'offre aujourd'hui alors je risque d'avoir des regrets pour le restant de mes jours. Je n'ai pas envie d'avoir de regrets. Par contre ne me mets plus jamais dans une situation pareille !
– Parce que tu crois que c'est dans nos habitudes avec Jaskier ?! Non vraiment c'est inédit, je me surprends moi-même à avoir cette envie là : de partage. S'il n'y avait pas eu l'expérience avec Triss, ne ne suis pas sûr que ça aurait été ne serait-ce qu'envisageable.

 Tous deux éclatèrent de rire, complices une fois de plus, et le barde m'expliqua comment il avait appris à ses dépens combien Geralt pouvait être exclusif et jaloux, finissant jeté dehors sans ménagement. J'eus un pincement au cœur face à cette révélation. Ne valais-je donc pas la peine d'une exclusivité ? Geralt sembla lire en moi une fois de plus :

– Ne te méprends pas Gaëllianne, je ne me suis pas senti aussi vivant depuis longtemps. Ma vie a retrouvé une certaine saveur et c'est grâce à toi. Je ne l'oublie pas mais la douleur se laisse apaiser quand tu m'offre ta fraîcheur et ta gourmandise. Ça me rappelle de bons souvenirs ! Yen avait toujours l'art de nous mettre en posture insolite ! J'en viens presque à regretter cette fichue licorne empaillée!

 Un voile de tristesse traversa son regard à cette évocation. Je ne comprenais rien à son histoire de licorne mais soit, j'étais suffisamment rassurée. Jaskier repris les choses en mains en faisant glisser ses doigts sur mes lèvres entrouvertes, invitant à une nouvelle mise en bouche. J'ouvris plus grand pour accueillir avec plaisir ses doigts. Je trouvais cela très excitant. Il se mordit la lèvre, changea de position pour se redresser dans le lit, achevant de faire descendre les draps, dévoilant nos trois corps blottis.

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