Chapitre 3 : L'évasion

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 Je m'éveillai aux premiers rayons du soleil. Lui était toujours endormi et j'eus le loisir de contempler son visage serein, incapable que j'étais de me dégager de son étreinte. Je murmurai son nom à son oreille pour le tirer, en douceur, du sommeil. Il m'offrit un sourire éclatant en ouvrant les yeux puis prit un air sérieux.

– Il est temps de nous pencher sur notre évasion. Commençons déjà par voir ce que nous avons sous la main.

– Bonne idée. Nous étions tellement occupés que nous n'avons même pas pensé à jeter un œil a ce coffre! Réalisai-je en me cognant le front de la paume de la main.

 Il fallait s'y attendre, le coffre en question était verrouillé. Il en fallait plus pour arrêter Geralt qui parvint à casser la serrure à l'aide de la cuillère en bois, qui rendit l'âme par la même occasion, nous offrant une arme de fortune. Le coffre contenait uniquement des vêtements. Geralt trouva des braies à peu près à sa taille bien qu'un peu courtes. Les hauts étaient clairement trop étroits ce qui lui donnait un air franchement cocasse tant il y semblait engoncé, le nombril à l'air.

– Bon, ben je laisse tomber le haut. Mieux vaut être torse nu qu'entravé dans mes mouvements.

– J'avoue que ce n'est pas pour me déplaire. Comment est-ce que tu vois les choses? D'ailleurs qui nous retient ici et qu'est-ce qu'ils veulent de toi?

– Qui ? Des gens qui se croient importants et qui prétendent me faire faire leurs sales besognes. Ils ont profité que je sois affaibli après avoir lutté contre une strige pour essayer de m'imposer une mission dont je ne voulais pas. Comme tu as pu voir ils se sont contenté des soins sommaires pour m'enfermer ici. A croire qu'il n'y a que la couture qu'ils sachent faire. C'est une chance que je ne me sois pas chopé une infection par dessus le marché. Certes les mutations que j'ai subies me rendent résistant mais je ne suis pas invincible.

– Ce n'est peut-être pas un hasard s'ils m'ont interceptée pendant ma cueillette de plantes médicinales alors... Depuis qu'il y a la guerre, j'ai tendance à éviter les lieux peuplés pour me tenir loin de ce genre d'ennuis, ceci dit je ne refuse jamais mon aide à qui en a besoin. Ils ont dû en avoir vent...

– Probablement... Désolé que tu te sois retrouvée ici à cause de moi et merci pour ton aide. Veux-tu me montrer le baume avec lequel tu m'as soigné ?

 Je lui montrai le contenu de mon sac de toile, les plantes que j'avais récoltées, les quelques baumes et onguents que j'avais sous la main. Ma serpe m'avait été confisquée lors de ma capture, cela me contrariait beaucoup : elle faisait partie de mon héritage familial. Comme la connaissance des plantes et de leurs vertues, elle se transmettait de mère en fille depuis des générations. Peut-être ne pourrais-je jamais la transmettre à mon tour à ma propre fille. L'angoisse m'ettreignit : ma famille était-elle en sécurité ?

 Avec mon mari, nous avions convenu que si nous devions être séparés nous nous rendrions dans un refuge secret au cœur de la forêt Brokilone : une de mes aïeules avait contribué à la protection d'un groupe de Dryades et avait acquis un statut particulier auprès de ce peuple, libre d'aller et venir entre la forêt et les territoires humains. Elles lui avaient offert la précieuse serpe que ces soudards m'avaient confisquée et transmis un chant d'amitié ancien, signe de reconnaissance, que nous nous étions également transmises de mère en fille. Cela faisait longtemps que notre famille n'avait pas été en contact avec les Dryades et j'espérais que cette amitié transgénérationnelle serait encore présente dans leurs mémoires. Mon mari connaissait l'histoire et j'avais transmis ce chant à ma fille dès son plus jeune âge. Si son père restait en retrait cela devrait bien se passer. Restait à convaincre Geralt de m'y accompagner : sans lui il me serait difficile d'arriver saine et sauve à destination. Il perçut mon inquiétude :

– Tu t'inquiètes pour tes proches ? Nous allons faire ce qu'il faut pour que tu les retrouves.

 Je hochai la tête en lui tendant un récipient.

– C'est ce baume que j'ai utilisé pour toi. Il contient du miel, de la consoude, du millepertuis, du calendula et de l'essence de clou de girofle, entre autres. Une recette de famille. D'ailleurs, si ça ne t'ennuie pas j'aimerais jeter un oeil à l'évolution.

 Il s'assit docilement sur le lit et me laissa ôter les bandages au niveau du thorax. Je fus agréablement surprise par l'état de la cicatrisation. Les sutures apparaissaient à présent comme de longues boursouflures rougies, les lèvres des plaies étant quasiment soudées. Cela restait un peu chaud au toucher, témoin de l'inflammation mais il ne semblait pas y avoir d'infection. Je murmurai pour moi-même :

– Je n'ai jamais vu personne cicatriser aussi vite, puis lui demandai, est-ce très douloureux ?

– J'en ai connu d'autres, ça ira.

 Je remis néanmoins une couche de baume avant de rebander :

– D'ici quelques jours nous pourrons enlever ces fils.

 J'examinai à présent la blessure à la cuisse dont la cicatrisation semblait moins rapide. Le Sorceleur tressaillit sous mes doigts :

– Une strige dis-tu? Ce n'est pas passé loin de l'artère fémorale... A moins qu'elle ne visait ta virilité ? Cette blessure risque de te ralentir.

 J'enduisis généreusement de baume avant de serrer fermement la bande. Geralt crispa les mâchoires et rajusta ses braies. Je repris :

– Pour en revenir à notre affaire, soyons clairs, je ne suis pas une guerrière... Je connais quelques moyens de défense mais me sais incapable de causer la mort. Je ne suis même pas sûre que je saurais faire couler le sang de quelqu'un. Par contre j'ai la ferme intention de survivre.

– Je me charge de faire couler le sang si nécessaire. Peut-être pourrais-tu faire diversion ? Au moins le temps de réduire au silence ceux qui viendront, histoire qu'ils n'ameutent pas le reste du camp.

– Je ferai le mieux que je peux. En attendant je vais avoir besoin de ton aide pour adapter ma tenue. Je ne veux pas me retrouver empêtrée dans cette robe. Est-ce que tu veux bien la déchirer ici et là ? lui demandai-je en désignant la face externe de chacune de mes jambes.

 Geralt s'agenouilla pour faire un accroc dans le tissu à l'aide de ses dents puis étira le tissus jusqu'à ce qu'il se déchire... bien plus haut que ce que j'avais escompté ! Il répéta l'opération de l'autre côté avec le même enthousiasme. Oui, j'allais être libre de mes mouvements mais chacun serait également libre de voir la totalité de mes jambes et d'apercevoir mes dessous ! Quel embarras !

– Oups, fit-il faussement confus. Il me fit un clin d'oeil coquin et ajouta : Diversion! en élargissant mon décolleté par la même occasion.

 Cela me contraria franchement être réduite à faire ainsi étalage de mon corps ! Il allait donc être nécessaire que je trouve également des vêtements et rien ne semblait convenable dans ce fichu coffre! Non seulement tout était beaucoup trop long mais en plus impossible de faire tenir ma générosité dans un de ces hauts.

 Nous avions les grandes lignes de notre stratégie. Geralt se remit dans le lit et feignit d'être toujours solidement lié, je le couvris bien sûr du drap pour dissimuler ses vêtements. Nous avions pris toutes les précautions possibles. Geralt avait sur lui notre arme de fortune, puisque je me croyais incapable de verser le sang. J'avais réuni dans mon sac de toile mes quelques affaires et ce qu'il restait de chiffons propres, cela pouvait toujours servir. J'y avais également glissé une paire de braies pour moi, même trop grandes elles pourraient s'avérer utiles. J'essayais de tromper l'angoisse qui montait en moi en me répétant notre plan et en listant à nouveau le contenu de mon sac. Mon cœur battait à tout rompre et je me sentais trembler comme une feuille. Je me forçais à respirer lentement.

– Reste calme et tout ira bien, me souffla Geralt. Tu fais diversion et je nous protège.

 Les pas résonnèrent dans le couloir, la serrure fût déverrouillée et les mêmes soudards que la veille entrèrent. Enfin, le plus petit, large d'épaules entra et le second, plus grand et massif resta dehors. J'avais croisé mes bras sur ma poitrine pour cacher le décolleté déchiré. Il n'était pas encore temps. Le petit, barbu et balafré m'apostropha en me positionnant au visage :

– Alors la guérisseuse, il est opérationnel ou pas encore ? Il te reste six heures devant toi, le commandant l'attend pour une mission très spéciale ! D'ailleurs nous aussi on t'attend pour ta récompense très spéciale également ! On est nombreux à t'attendre ! Je frissonnai de dégoût quand il me caressa la joue en disant cela.

– Comment ça une récompense spéciale ?! Tout ce que je veux c'est rentrer chez moi ! Quant à lui je fais ce que je peux. Où est-ce que vous avez appris à suturer sans nettoyer ?!

– Par les temps qui courent c'est déjà une belle récompense de pouvoir rester en un seul morceau ! reprit-il de plus belle en passant sa langue sur ses lèvres, Allez bon appétit ! Cria-t-il en jetant le plateau par terre.

 Il fit demi-tour pour quitter la pièce puis se ravisa, se dirigeant brusquement vers le lit où Geralt faisait semblant d'être inconscient et ligoté. Je vis le soudard porter la main à son arme, prêt à dégainer. Je poussais un cri d'alarme :

– Geralt attention !

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