Prologue

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 Gabriel était toujours aussi calme qu’à son habitude, le regard fixé sur l’autoroute, à cette heure tardive nous ne rencontrions que des routards à bord de leur mobilhome, des camionneurs avec leur convoi et quelques voitures citadines. L’ambiance était lourde, et la tension à son comble, derrière le mutisme dans lequel il s’est enterré je sais que dans sa tête ça va vite et crescendo à chaque fois qu’il presse l'accélérateur. La nuit qui avait été longue, ne semblait pas prête de se terminer, et des flash de la soirée me revenaient à mesure que les phares des voitures qui nous dépassaient m’éblouissaient.

La confiance s'était sournoisement insinuée entre nous, je ne saurais dire quand nous avions compris que nous nous faisions une confiance aveugle, et ce soir c’est cette confiance qui m’avait poussé à le suivre, encore. Je n’avais pas bronché lorsqu’il m’avait brusquement réveillé, quelque chose n’allait pas et je devinai à sa mine sombre et le sac de sport qui ne nous quittait plus depuis plusieurs semaines maintenant sur son épaule, que ce n’était pas l’heure de poser des questions. Après avoir sorti mon glock sous mon oreiller, j’attrapais mon téléphone au passage avant de prendre la main qu’il me tendait alors que de l’autre il avait déjà ramassé mes affaires. Quelques secondes plus tard nous étions sortis du chalet et avons rejoint son quatre- quatre garé quelques mètres plus loin. Il alla jeter nos affaires dans le coffre de la voiture et alors que je m’installais côté passagers, l’étrange sentiment de soulagement et l’impression oppressante d’être en danger en même temps m'envahit.

Tout se passa très vite, je n’avais pas encore attaché ma ceinture quand le bruit d’une explosion s’éleva dans le silence de la nuit, ce son assourdissant palpitait dans mes veines comme les tambours d’un combat final avec la mort, si les battement effréné de mon coeur ne menaçaient pas de me laisser un trou béant dans la poitrine, j’aurais parié qu’il aurait explosé en même temps que la toiture et les grandes baies vitrés du petit chalet. Hypnotisée par les flammes et la fumée qui dansaient le bal la mort, chaloupant entre les débris qu’elles détruisait, valsant les unes avec les autres en saccageant un peu plus la bulles où nous avions oubliés que nous étions en sursis, je cru entendre leur rire malfaisant lorsqu’une nouvelle poutre céda et que le vent souffla dans leur direction pour les encourager. Qui était assez fou vouloir nous faire exploser, ce secret valait-il la peine de tuer ? Je sursautais lorsque une portière claqua, c’était Gabriel, froid et distant, en colère, enragé, et pourtant si calme. Le feu semblait s’être déplacé dans ses yeux, et ne l'avait plus quitté depuis. Je ne m’étais même pas aperçue de sa présence, pourtant c’était impossible de ne pas remarquer l’odeur asphyxiante de la fumée que j’avais sentie envahir le petit habitacle.

Je ne sais si c’est le choc, ou bien cette stupide confiance qui me retient de prononcer le moindre mot, quelque part le voir comme ça me faisait peur, je craignais qu’il ne fasse quelque chose de stupide. Cependant, l’absurdité de la situation me rappelle qu’il n’avait jamais perdu son objectif de vue et c’est sûrement cette ligne de conduite irréprochable qui nous avait aussi permis de ne pas nous perdre dans des choses superficielles. Mais. Gabriel ne faisait jamais ce qu’on espérait de lui qu’il fasse, il était presque 4 heures du matin quand il se décida à m’adresser la parole.

  • Je n’avais jamais rencontré une femme comme toi Elle, dit-il alors qu’il appuyait une nouvelle fois sur la pédale de l’accélerateur.
  • Et, c’est quoi une femme comme moi ? soufflais-je en me redressant sur mon siège.

 Un autre silence s'ensuivit, la fatigue reprenait progressivement le contrôle de mon corps courbaturé passé l’adrénaline. Mes paupières avaient de plus en plus de mal à rester ouvertes, mes yeux me brûlaient, après qu’il aie allumé le chauffage je retrouvais un semblant de réconfort. En dépit de mon envie de dormir je le relançais:

  • Une femme suffisament stupide pour se mettre en danger, pour un homme qui refuse de s’ouvrir à elle ?
  • Une femme avec une sacré paire de couille, reprit-il doucement en posant sa main sur ma cuisse.
  • C’est ce que toutes les femmes rêvent d’entendre, ironisais-je dans un rire las en me calant un peu plus au fond du siège.

 Il m’adressa un regard et sourit, mais son sourire s’évanouit aussitôt quand il jeta un rapide coup d'œil dans son rétroviseur. Il passa la cinquième et mis un énième coup d'accélérateur, sans que je m’y attende, il prit ma main dans la sienne et entrelaça nos doigts.

  • Je crois qu’on nous suit depuis que nous avons rejoint l’autoroute, lança-t-il de but en blanc.
  • Je sais, une Volkswagen bleue immatriculée BML-033, et si je ne me trompe pas elle nous vient du Michigan, ajoutais-je en fermant les yeux. J’ai déjà envoyé le matricule à Aleksey, il nous attend à l’agence.
  • Milady ne s’arrête jamais, c’est toujours bon de le savoir, dit-il en portant ma main à ses lèvres.
  • Fallait bien que je m’occupe pendant que tu ruminais, le taquinais-je.
  • Reposes-toi un peu, je te réveillerais un peu avant que nous arrivions à la station.

L’étau se resserrait et nous allions bientôt avoir le fin mot de toute cette histoire, pourquoi essayer de nous tuer sinon ? Tout le monde le sait, quand on se rapproche de la vérité, le coupable finit toujours par commettre un faux pas... Un simple et malheureux faux pas, encouragé par l’angoisse ou la sensation de peur qui le terrorise alors que l’on s’apprête à le coincer...

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