Junior n’ose pas croiser mon regard. Tête baissée il grommelle un vague :

-         De quoi je me mêle. 

Je l’attrape par les épaules et le secoue sans ménagement.

-          Je veux juste savoir dans quoi tu t’es fourré !

-          Mais dans rien, t’es dingue !

Mon frère commence à s’énerver, mais ne me regarde toujours pas.

-          Dis-moi la vérité. On t’a vu parler à quelqu’un extérieur à l’Abri.

-          N’importe quoi !

Mais en disant cela, il rentre la tête dans les épaules. Je sais alors avec certitude qu’il ment.

-          Est-ce que tu es sorti de l’Abri ?

En prononçant ses mots, j’ai peur de la réponse. Un léger tremblement m’envahit.

Junior se dégage de mes mains et reculant s’exclame farouchement :

-          Tu ne comprends pas tout ce qu’il se passe ici. Si tu savais…

-          Je ne te demande qu’une chose, as-tu quitté l’Abri ?

Les yeux noirs de mon cadet plongent dans les miens, j’y lis une fureur contenue et aussi du désarroi.

D’une voix ferme et forte, il articule chaque mot qu’il m’assène.

-          Non, ça, ce n’est pas moi. 

Amère, je constate :

-          Donc quelqu’un a bien réussi à sortir.

Junior ne me répond pas, mais je devine la vérité sur son visage. Je lui demande :

-          Rassure-moi, dis-moi juste que ce n’est pas papa.

-          Les parents ne sont au courant de rien. Ne leur parle pas de tout ça, il ne faut les mêler à rien.

Je ne peux m’empêcher de soupirer :

-          Je ne sais même pas à quoi je pourrais bien les mêler. 

-          Je suis désolé Léa, mais même toi il vaut mieux que tu restes en dehors de tout ça. 

Et Junior m’enveloppe de ses bras dans une étreinte réconfortante, qui ne m’empêche cependant pas de méditer sur tout ce que mon frère me cache.