13ème chapitre : Á la cantine

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À midi, la cantine est déjà remplie de monde. À une table, Vanellopée fait de grands gestes afin que je la repère ; je me presse de son côté, tenant mon plateau des deux mains. Passant devant Faustine, celle-ci m’adresse un charmant regard où la haine se confond avec la jalousie… bon en voilà une qui a eu vent des rumeurs. Je fixe le sol, attentive au moindre croche-pied pouvant se préparer, mais rien… je dépasse ma rivale et m’assoie près de Vanellopée qui affiche une mine de conspiratrice.

- Alors il paraît que tu as passé la nuit avec Dirk.

En retour je lui affiche un sourire mielleux.

- J’ai dormi dans son lit, seule.

Mon amie a l’air déçu, elle chuchote :

- Tu en es certaine ? Tu peux me dire la vérité. Je te jure de ne rien répéter.

- Nous avons juste bavardé, rien de plus. Toutefois, j’aimerais bien savoir comment tout l’abri est au courant.

- Quelqu’un a dû vous surprendre.

- Il n’y a que Liam qui m’ait vu sortir de la chambre. Il n’est pas du genre à lancer des rumeurs.

Vanelloppée esquisse une moue dubitative.

- Je sais pas trop ; il est quand même assez mystérieux, on ne sait pas grand-chose de lui, elle ajoute d’un ton plus bas, il me fait un peu peur. Je crois que c’est un des rares garçons avec qui je n’ai jamais eu envie de faire l’amour… et pourtant il est plutôt beau gosse, mon amie reste un instant pensive, comme s’il elle se représentait Liam dans sa tête, puis finit par ajouter, dans son genre.

- D’accord, c’est vrai qu’il est un peu étrange, mais je lui fais confiance. Je suis certaine qu’il n’a rien dit.

Mon frère surgit alors de nulle part et se glisse sur le banc près de moi.

- Salut, les filles.

- Salut, Junior.

- Alors, toi aussi tu as eu écho des ébats de ta sœur durant la nuit ?

Super, comme si j’avais envie d’avoir ce genre de conversation avec mon cadet.

Junior plante son regard sombre dans le mien.

- Oui, mais je sais que tout est faux.

- C’est gentil, en dehors de toi, personne n’a l’air de me croire. C’est rassurant de voir que tu me fais confiance.

- Euh non, c’est surtout que Liam m’a dit de ne rien écouter des bruits de couloirs, et ce gars ne parle jamais à la légère.

- Ah, ok.

Bon, au moins mon frère fait confiance à Liam, à défaut de croire sa sœur.

- Que dit Ycare de tout ça ?

- Il n’a pas apprécié.

- D’où la marque sur ton bras que tu tentes vainement de cacher sous ta manche ? observe Junior.

- Oui, dis-je gênée.

- Ça ne lui ressemble pas, intervient Vanellopée. Ycare est un garçon si gentil et sérieux. Ne lui en veut pas, je suis certaine qu’il regrette son geste, vous devriez en parler.

Mon frère et moi échangeons un regard. Il est le seul à connaître la vérité sur l’homme que je vais épouser.

Mon amie se lève en attrapant son plateau :

- Bon je vous laisse, c’est mon tour d’aller en nurserie surveiller les bambins.

Alors qu’elle s’éloigne, Junior se rapproche de moi, nos épaules se frôlent.

- Tu veux que j’aille parler à Ycare ?

- Non, ça ne servirait à rien. Il me demande juste de cesser de fréquenter Dirk.

- Tu vas lui obéir ?

- Je n’ai pas vraiment le choix et tu le sais.

Repoussant mon assiette de légumes à peine entamée, je plonge ma petite cuillère dans une gelée sucrée.

- On devrait parler du chantage d’Ycare aux autres.

- Pas question, personne ne nous croirait et ceux dont ce serait le cas (pourquoi est-ce que je pense aussitôt à Dirk et Liam ?) ne feraient rien… ils auraient trop peur.

- Parce qu’Ycare est petit-fils et fils de Hauts-Placés ? devine Junior.

- Oui.

Mon frère soupire, je le sens soucieux de me protéger et désolé de ne pouvoir rien faire.

Apercevant Dirk qui s’approche, j’embrasse rapidement Junior sur la joue et abandonnant mon plateau sur la table, m’éloigne de lui.

Une fois dans le couloir, je me hâte en direction de ma chambre, ennuyée d’entendre les pas de Dirk derrière moi. Alors que ma main se pose sur la poignée de la porte, je sens le garçon qui me tire par-derrière et me contraint à m’adosser au mur. Son corps est collé au mien, ma poitrine écrasée contre son torse. Je ressens plusieurs sentiments contradictoires : je suis terrifiée à l’idée qu’Ycare nous surprenne et en même temps, étrangement excitée. Sa bouche est près de la mienne, son haleine m’enivre, il sent la menthe et les épices. J’ai l’impression qu’il va m’embrasser, non, il se contente de me parler. Je suis légèrement déçue.

- Je veux que tu saches que ce n’est pas moi qui ai lancé ses rumeurs sur nous.

- Je ne l’ai jamais pensé.

- Faustine est furieuse, elle ne m’a pas décroché deux mots depuis ce matin. Et toi, comment a réagi Ycare ?

- Mal, je repousse doucement Dirk, mes deux mains sur son torse. Il ne veut plus que je te vois.

- C’est idiot. Tu lui as expliqué qu’il ne s’était rien passé ?

- Bien sûr, mais mets-toi à sa place ; sa fiancée dort dans la chambre d’un autre, il est jaloux, c’est tout.

- Une fiancée qui n’est pas amoureuse de lui, me reprend doucement mon compagnon.

Je détourne la tête, préférant ne pas répondre.

- Peu importe, ce n’est pas parce que nous avons passé une soirée ensemble que tu sais tout de moi. Je vais me marier avec Ycare, je ne peux pas me permettre de le perdre, donc toi et moi allons cesser toute relation… c’est tout.

Et sous le regard défait de Dirk, je me précipite dans ma chambre dont je ferme violemment la porte derrière moi.

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