12ème chapitre : Ycare

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La matinée se passe dans une languissante monotonie, j’assiste aux cours qui m’intéressent, puis décide de traîner à la bibliothèque où trônent de vieux romans, posés sur des étagères poussiéreuses.

Vers midi je n’ai toujours pas vu Dirk, non pas que je le cherche, je pensais juste que nous nous croiserions.

Me mettant sur la pointe des pieds, je tente d’attraper l’Attrape-cœur de Salinger, mais le livre me glisse des doigts et heurte le sol avec un bruit sourd.

Alors que je me baisse pour le ramasser, je devine une ombre se poser sur moi.

Levant les yeux, je retiens un hoquet de surprise et mal à l’aise me relève.

« Salut.

- Salut, répond celui qui me fait face.

- Tu vas bien ?

- Non pas trop, mon interlocuteur se frotte les yeux comme s’il avait mal dormi.

- Navrée de l’apprendre, qu’est-ce que tu as ?

- Il y a que j’ai appris que ma fiancée avait passé la nuit avec un autre homme.

Aïe, je l’avais pas vu venir celle-là. Je suis pourtant certaine que Liam n’a rien répété. Comment sait-il ? Je ne cherche même pas à mentir.

-Techniquement, je n’ai pas dormi avec lui, mais uniquement dans son lit… lui il était ailleurs, dans son sac de couchage, m’empressai-je de rajouter devant l’éclat mécontent de ses yeux noirs.

- Et pourquoi as-tu dormi dans sa chambre ?

- Vanellopée avait besoin d’être seule avec son nouveau copain. Dirk s’est proposé pour me recevoir.

- Tu n’aurais pas dû accepter. Tu pouvais aller au dortoir commun.

- Je n’avais pas envie, lui dis-je d’un ton buté.

Mon compagnon me rétorque fermement.

- Alors tu aurais dû me rejoindre.

Je ne peux évidemment pas lui dire que le simple fait d’être à son contact me dégoûte, alors passer la nuit près de lui… cela m’aurait été insupportable.

Indécise, je n’arrive pas à trouver une excuse correcte.

- Je n’ai pas osé. Tu m’es encore étranger. »

Le visage d’Ycare se ferme sous l’effet de la contrariété. Ses sourcils noirs se plissent, se rejoignant en un signe de colère.

Pas réellement effrayée, mais tout de même inquiète, je recule légèrement.

Peine perdue ; mon fiancé m’attrape méchamment le bras qu’il serre assez fort pour que je laisse échapper un petit cri.

« Lâche-moi ! Tu me fais mal !

- Je peux te faire encore plus mal ! Tu te rends compte de ce que j’ai pu ressentir quand j’ai entendu ces bruits de couloirs, ces rumeurs comme quoi tu es la nouvelle conquête de Dirk !

- Oui, dis-je avec brusquerie, J’imagine ce que ton égo a pu éprouver ! Sauf que je n’ai rien fait de mal !

- Si ! persifle mon futur époux, tu me déshonores par ton comportement. Je te rappelle que l’on se marie dans quelques semaines, nous sommes fiancés, tu es déjà mienne ! Je ne tolérerai pas le moindre écart !

Les larmes me montent aux yeux, non pas tant en raison de la douleur que de la fureur des mots que me crache Ycare.

Même s’il n’a jamais été d’un naturel tendre et patient, c’est la première fois que je vois mon compagnon dans un tel déchaînement d’agressivité… j’ai presque peur de lui.

- Je suis désolée si je t’ai froissé, je n’ai pas pensé à mal. Excuse-moi.

- Je ne veux plus que tu vois Dirk !

- On va bien se croiser en cours ou dans les couloirs, gémis-je.

- Mais tu n’es pas obligée de lui parler !

Bien que dépassée par la situation, j’essaie tout de même de comprendre le comportement de l’homme qui me fait face.

- Pourquoi réagis-tu de manière si excessive ?

Ycare rapproche son visage du mien, pour un peu je croirais qu’il va me mordre. Lorsqu’il me répond, je ne vois que ses dents blanches qui me font penser à des canines.

- Parce que je sais que tu ne m’aimes pas. »

Les mots brutaux, mais vrais sont révélés. C’est comme si un voile se déchirait. J’ai continuellement cru qu’il ignorait mes sentiments à son égard, la vérité c’est qu’il les a toujours connus et qu’il en souffre.

Je suis la seule responsable de sa soudaine furie, je m’en veux, mais n’y peux rien changer. Je ne suis pas assez fausse pour lui mentir en rétorquant qu’il se trompe.

Ycare lâche la pression sur mon bras, semblant redevenir lui-même.

Nous tremblons tous deux.

Mon fiancé pose ses yeux noirs sur moi, il a l’air triste.

Me tournant le dos il s’éloigne à grands pas.

J’aperçois alors, accoudé à un pan de bibliothèque, Liam qui me fixe d’un regard alerte.

Me demandant ce qu’il a pu observer de la scène, je remarque qu’il tient un couteau à cran d’arrêt à la main.

Il a tout vu. Je le devine, ayant été prêt à utiliser son arme contre Ycare, si ce dernier en était venu aux coups.

Je reste immobile, me sentant bêtement fragile. Liam continue de me regarder avec attention, puis se détourne et quitte la bibliothèque. Je l’observe ranger discrètement le couteau dans la poche arrière de son jean délavé.


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