Chapitre 1

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 Les étendards s'agitèrent sous l'effet des trompettes. La cour s'emplit de musiques douces : la famille royale arrivait. Dans leurs habits de fête, ils marchaient tête haute, adressant un salut distrait à la foule, au-dessus de toutes les acclamations qui fusaient autour d'eux.

 Ils eurent tôt fait de s'installer, un sourire toujours plaqué sur le visage. Face à eux s'offrait le terrain de combat. Les nobles présents se turent. Le tournoi d'aujourd'hui était plus qu'important. Tous retenaient leur souffle à chaque coup, chaque feinte. Tous cherchaient les erreurs des combattants.

 Pour la princesse, tous ceux qui défilaient devant ses yeux se noyaient dans un brouillard de noms. Un brouillard uniforme. Jusqu'à la finale. A l'instant même où résonnaient les trompettes, son attention se porta sur les deux candidats. Il était temps pour elle de déclamer son discours. Elle se leva avec grâce et s'appliqua à parler avec une voix douce, que les Incomparables amplifièrent afin qu'elle parvienne aux oreilles de chacun.

 — Messieurs, Carles Dalaros et François Fournier. Vous avez risquez vos vies, votre fierté et celle de vos famille. J'en suis très honorée. Je vous remercie du fond du cœur d'être venus. Je dois dire que je ne m'attendais pas à... ressentir cela au premier regard.

 La foule poussa un hurlement de joie et la jeune fille, le rouge aux joues, dû attendre quelques instants avec de pouvoir reprendre :

 — Mais je ne veux pas perturber l'issue du combat. Néanmoins, je suis certaine que tu gagneras, finit-elle avec un sourire feint avant de souffler, viens me rejoindre.

 Elle dévisagea les deux candidats. Ce discours ne s'adressait à aucun d'entre eux en particulier. Ou plutôt si, à celui qui gagnerai. Son père avait toujours su tourner ses paroles de cette façon.

 Soudain, l'un des deux adversaires perdit l'équilibre. L'autre se jeta sur lui. L'issue du combat était scellée. La princesse afficha un sourire radieux au vainqueur et, pendant un seconde, leurs regards se croisèrent. Avant que le prétendu perdant ne l'assomme d'un coup brutal avec le pommeau de son épée.

 Les trompettes sonnèrent la victoire du jeune homme. La princesse papillonna des paupières avant de retrouver son air ravi. Son père se leva et clama la victoire de Carles Dalaros. Celui-ci s'empressa de rejoindre la tribune royale et embrassa la main de sa promise. Leurs visages rayonnaient de bonheur quand le Roi annonça leurs fiançailles officielles.

 Et si les fiancés se rencontraient pour la première fois, ils n'en paraissaient pas moins éperdument amoureux.

 Le festin que l'on donna en l'honneur du futur prince dura tout le reste de la journée. Les festivités ne se termineraient pas avant deux jours. Quand Carles raccompagna la princesse à ses appartements, les faux semblants se dissipèrent.

 — Vous avez beaucoup de chance, Votre Altesse.

 — Effectivement, j'ai beaucoup de chance, j'ai ici tout ce que je veux.

 — Ce n'était pas ce que je voulais dire. Vous avez beaucoup de chance que l'on n'ait pas surprise votre sourire à l'autre concurrent.

 Le sang de la jeune fille se glaça. Elle avait commis une erreur. Elle aurait dû attendre la fin du tournoi.

 — Je suis désolée que vous ayez surpris ce sourire.

 — Ce garçon, vous l'aviez déjà rencontré, n'est-ce pas ?

 Etonnée de la question, la jeune fille acquiesça.

 — Contrairement à moi. Cela ressemble fort à une attirance.

 — Vous insinuez que j'aime Sir Fournier ?

 — Il vient d'une contrée plus prospère que la mienne. Vous vous êtes déjà vu. Il est plus probable que vos sentiments se tournent vers lui.

 — Carles, est-ce là le fond de votre pensée ?

 — Non, Votre Altesse. C'est ce que la cour s'empressera de faire bruisser.

 — Mon père saura calmer les tensions. Et notre union dissipera ces rumeurs.

 Carles hocha la tête, mais son expression témoignait de son scepticisme. Il laissa la princesse devant sa chambre. La jeune fille attendit qu'il disparaisse pour passer la porte et s'effondrer sur son lit.

 Quelle imbécile elle faisait ! Sourire à un soupirant qui se battait pour sa main en public. S'expliquer auprès de son père ne suffirait pas. Le Roi et la Reine ne lui pardonneraient une telle faiblesse qu'au prix d'heures d'études. Elle gâchait tout ce que ses parents avaient prévu par une seconde d'inattention!

 Des larmes s'échappèrent de ses yeux. Une incapable. Voilà ce qu'elle était. Indigne de son rang, du diadème qu'elle arborait. Depuis sa naissance, elle entachait la réputation de la couronne. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait déçu ses parents.

 Ils avaient fait tant de concessions, l'avaient toujours reprise quand elle commettait des erreurs et remise dans le droit chemin. Ils l'avaient élevée avec amour. Elle aurait tant voulu qu'ils soient fiers d'elle. Mais elle ne perpétrait que bévues.

 La jeune fille congédia la bonne. Elle se glissa entre les draps de son immense lit et admira le plafond. Décidée, elle se promit d'aller présenter ses excuses au Roi à la première heure le lendemain.

 La nuit était déjà bien avancée quand la princesse se retourna pour la centième fois au moins et renonça à trouver le sommeil.

 Elle se redressa, embrassa sa chambre du regard. Les murs éteints qui dispensaient une lumière blafarde en journée, cadeau des Incomparables, qui maniaient la magie à son père. La magnifique coiffeuse dont le bois travaillé prenait des allures étranges dans la nuit. Le miroir cerné d'or et de pierres précieuses reflétait le faible rayon de lune qui éclairait la pièce.

 La jeune fille pivota et observa le lourd rideau de velours légèrement démis. Prise d'une soudaine impulsion, elle se leva et l'écarta.

 A cet instant, si une personne la surprenait, elle pourrait être certaine de ne jamais poser le pied en dehors du château. Ses parents lui avaient interdit l'accès à cette fenêtre dès qu'elle avait appris à marcher.

 Ce qu'elle vit ne fut pas à la hauteur de ses attentes. Elle s'imaginait des vastes plaines verdoyantes, des forêts de sapins, peut-être même des montagnes, à la limite de l'horizon, comme le représentaient les rares peintures du château. Elle ne vit qu'un mur de pierre, immense, à quelques coudées de sa fenêtre. Où qu'elle regarda, il était présent. Déçue, elle soupira, replaça le rideau et s'en retourna à son insomnie.

 Elle s'immobilisa avant d'avoir fait un pas. Une silhouette noire qu'elle peinait à discerner dans la pénombre se tenait derrière son lit. Son cœur battit la chamade. Des questions fusèrent dans son esprit. Qui était-ce ? Que lui voulait-il ? Comment avait-il réussi à venir jusque dans sa chambre ?

 Elle ouvrit la bouche pour hurler, alerter les gardes. Elle voulut s'enfuir. Mais ni sa voix ni ses membres ne lui obéirent. Ses idées se firent de moins en moins claires.

 Une terrible migraine naquit. Elle gémit. Pas maintenant ! Soudain sa vue se voilà, elle perdit pied. Le contact brutal avec le carrelage la fit réagir.

 Elle se remit debout le plus vite possible, chercha la silhouette des yeux. En vain. Elle avait disparu. Elle s'allongea sur son lit, tenta de remettre de l'ordre dans ses pensées.

 Qui était cette personne ? Elle tenta de se remémorer l'ombre, mais dans l'obscurité, elle aurait pu ressembler à n'importe quoi.

 Et si ce n'était qu'un rêve ? Elle avait dû s'endormir, et elle se réveillerai bientôt ! Mais la douleur qui pulsait au sommet de son crâne lui hurlait le contraire.

 Elle connaissait cette migraine depuis des années. Cependant, elle gagnait en intensité et il n'était pas rare que la princesse s'évanouisse. Par un heureux hasard, une servante lui ressemblait, alors, quand c'était le cas, ses parents la laissaient se reposer et une bonne la remplaçait dans ses tâches.

 Soudain, une faible lueur sur son côté gauche l'interpella. Elle tendit le bras et attrapa et bout de papier sur sa table de nuit. Sur celui-ci, quatre mots luisaient d'un éclat doré.

Ghohori kebpsa lenga fdacus

 Incompréhensible. Même en se remémorant ses cours de littérature, elle ne parvenait pas à déchiffrer le sens du message.

 Elle soupira, froissa le billet et le fourra sous son oreiller. Elle se persuada que tout cela n'était qu'une hallucination de la migraine et ferma les yeux.

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