Venge/nce

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(Amis lecteurs / annoteurs, cette nouvelle possède une contrainte sur la forme/vocabulaire.

Elle est dévoilée à la dernière ligne du texte)

Déchu sur le comptoir d’un club miteux, je tiens fermement mon verre de whisky. Mon complice compétent en médecine de l’oubli. Nul besoin d’hypnose ou de techniques mystiques. Il me suffit d’un récipient, quelques cubes volés du corps de Chioné et enfin ce bon Old Pulteney. Noyer cette boisson ? Espèce de fou, m’insultent-ils. Nombreux sont ceux qui ne comprennent point cette position : consommer son scotch en présence d’un fluide indigène. Je suis de ceux qui détiennent cette vérité, protecteur des coutumes. Ceux qui désirent profiter du réel goût et de l’odeur du whisky. Loin de ces hérétiques, qui inondent cette noble boisson de Diet Coke.

« Hey, C, tu te sens bien ? », s’inquiète Justine, jeune serveuse de ce lieu morbide. Un réveil doux pour une fois, différent de mes visions nocturnes monstrueuses qui convertissent mon lit en mer de sueur.

« C, pourquoi refuses-tu notre soutien ? » poursuit-elle.

« C » fut mon nom. Mon titre de héros chez les vingt-six. Bouclier des démunis, mon quotidien fut d’exécuter diverses missions pour le monde. Que ce soit destituer des despotes de leur trône, stopper des tueurs dont le hobby est de découper des corps en pièces de puzzle, soutenir une vieille femme qui défie seule une route. Protéger veuves et orphelins me rendit heureux.

Dès mon vingtième hiver, je rejoignis directement les vingt-six. En dix-septième position, le nom de « Q » porté fièrement sur mon costume. Les sphères les plus élevées entendirent le récit de mes nobles exploits. Elles me firent grimper les échelons et me permirent de toucher cette troisième position, l’insigne du héros « C ». Juste derrière le digne « B » et en première position sur le podium, le « symbole » de notre justice. Je n’évoque point son nom, je suppose que vous comprenez cette logique de pseudonyme…

Je vécus tout ce temps pour protéger les innocents. Toutefois, défendre mon épouse et mes deux filles demeure mon plus terrible échec. Un soir, de retour d’une fin de mission, un dîner sous notre toit ne fut point prévu. Plutôt, une scène funèbre où mes trois joies de vivre jouèrent le rôle des victimes, telles des comédiennes. Leur cou entrouvert, elles reposèrent, moitié dénudées, sur le sol de notre cuisine, noyées sous un flot d’hémoglobine. Leur vie emportée trop tôt hors de ce monde.

Le choc me convertit en un être dépourvu de bonheur. Un spectre privé d’objectif. Me voici l’immense et l’unique héros « C », seulement bon pour sillonner des clubs. Celui de Justine fut mon lieu de sérénité. Me bourrer de bon whisky pour oublier les frimousses de mes chérubins. Les rumeurs disent qu’une destitution est prévue pour mon omission de devoir. Qu’ils me prennent mon titre ! Je me fiche de tout. Et puis le « W » me semble un surnom pertinent. Une référence pour mon estime envers le Old Pulteney.

Les héros « B » et « E » vinrent me rencontrer un jour. Lors d’un sixième scotch, si mes souvenirs sont corrects. Ce qu’ils m’expliquèrent fut un bouleversement. L’exécution et le supplice de mes proches sont l’œuvre du héros « numéro un ». Pourquoi lui ? Réponse simple : son ego surdimensionné. Cette notoriété si ostensible d’un jeune héros fut un choc pour lui. Il refuse de céder son trône. Et n’importe quel ennemi potentiel se voit brisé. Une mesure préventive. Un démon derrière une figure de dieu.

Mes sentiments se sont modifiés. Une tristesse est devenue colère. Mon modèle s’est converti en cible. Mon désespoir s’est muté en un souffle inédit. Mon nouvel objectif : provoquer une cruelle chute pour ce pseudo-dieu du sommet de son Olympe.

Justine ne se doute point qu’elle me sert mon dernier whisky. Quelle que soit l’issue de ce futur choc des héros.

Mon verre est vide. Direction le QG du « numéro un ». Prêt pour liquider ce qui est devenu une némésis. Cet homme, promoteur du crime de mon épouse et de mes filles chéries. Cette pourriture dont je me suis promis de ne plus prononcer le nom. Que son titre s'extirpe de mes injures, mes énoncés, mes mots…

(Contrainte : écrire une nouvelle sans la Lettre « A »)

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