Chapitre 4

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J'étais rentrée de chez Annie, ne sachant trop si je devais rire ou me morfondre de la situation, et je m'étais fait chauffer des raviolis. Finalement, je décidai qu'il fallait plutôt en rire, même si j'avais gâché une relation, bien qu'elle fut déjà assez piétinée par les années passées sans se voir et la rancoeur que j'avais gardée à son égard.

Mais je m'en voulais aussi. Ce n'est pas quelque chose qui se fait chez des personnes que l'on n'a pas vues depuis quatre ans, même si on ne s'entendait pas bien avec elles auparavant. J'aurais dû me conduire autrement, surtout que je me suis un peu invitée chez Annie. Mon tempérament explosif et impulsif avait pris les devants et... je n'avais rien fait pour l'en empêcher.

Bon, peut-être que finalement je retournerai la voir pour m'excuser.

J'étais plongée dans ces réflexions, lorsque j'entendis la sonnerie caractéristique de mon portable. Je fus troublée en voyant le numéro de l'homme bourru affiché à l'écran.

Ne m'avait-il pas répété de ne plus l'appeler ? Et que me voudrait-il dans le cas où il aurait changé d'avis ? Nous ne nous connaissons pas, après tout.

Au final, je ne répondis pas, partagée entre ma curiosité habituelle et un sentiment plus profond encore.

"Cet homme est décidément bien bizarre," pensai-je en commençant à manger. Puis je me mis à rire toute seule comme une idiote en songeant :

"Si ça se trouve, il a encore perdu son portable et quelqu'un m'appelle pour ça !"

Et plus je pensais à cet appel que j'avais laissé passer, plus ma curiosité naturelle devenait envahissante. Que me voulait-il ?

Une minute s'écoula, puis le téléphone sonna de nouveau. Cette fois, je décrochai :

"- Allô ? Oui ? Bonjour ?"

Pas de réponse, mais je savais que la personne au bout du fil m'écoutait. Je trouvai ça si étrange que je raccrochai immédiatement.

L'esprit confus, je m'interrogeai :

"Qu'est-ce que c'est que cette histoire, à la fin ? Quel genre d'homme est-ce ? S'il joue avec moi, il va m'entendre, ce sale bonhomme !"

Je ne parvenais pas à comprendre ses intentions et ça m'agaçait. Je n'avais pas la patience de jouer plus longtemps.

Le lendemain, j'étais de mauvaise humeur. Allez savoir pourquoi, mais je me suis embrouillée avec le voisin du dessous. Il m'avait reprochée de mettre la musique trop fort, tard le soir.

"- Et alors ? avais-je répondu, laconique, lorsqu'il s'était présenté devant ma porte en pyjama.

- Et alors ? avait-il répété d'un ton offusqué, Et alors vous n'avez pas l'heure, chez vous ? Ce ne sont pas des manières, enfin !

- Alors ce sont mes manières," avais-je répliqué en lui claquant la porte au nez.

Vraiment, j'étais VRAIMENT de mauvais poil. Rien ni personne ne pouvait se dresser sur mon chemin, au risque d'y laisser des plumes... D'habitude, j'ai déjà plutôt mauvais caractère, mais lorsque je me lève du pied gauche, il ne faut pas me voir.

Bref, je suis insupportable et incurable.

Je pris le bus comme toujours, mais sans saluer le chauffeur, qui je vous l'accorde, n'y est pour rien.

Le soir, je vis que j'avais trois appels manqués. Du même numéro. Celui de l'homme bourru.

"C'est quand même fort ! Ce type ne peut pas me blairer et il ne cesse de m'appeler ! J'espère que me détester n'est pas pour lui une éloge...," songeai-je en évitant de penser au harcèlement.

J'allai me décider à le bloquer, lorsqu'il m'appela encore. Si je l'avais ignoré, je n'aurais pas pu me calmer. Mais en fin de compte, peut-être ne me veut-il que du bien ? Alors je décroche.

- Non mais vous avez pas fini de m'appeler sans cesse, espèce de...

- Hé, bonjour déjà ! m'interrompit une voix inconnue.

Je restai interdite. Quel était encore ce mauvais tour ? Non, ça ne pouvait tout de même pas être le coup du portable égaré !

- Toutes mes excuses, je pensais parler à... Je ne connais pas son nom, mais c'est le propriétaire du téléphone, déclarais-je, honteuse.

- Eh bien vous devez sacrément le détester, alors ! répondit mon interlocuteur, un jeune homme d'après la voix.

- En fait non, mais je ne sais pas ce qu'il me veut, il ne cesse de m'appeler et aujourd'hui, j'ai les nerfs plutôt à vif.

- Je suis désolé, c'est moi qui vous ai appelée les cinq ou six dernières fois, répondit le jeune homme.

- Comment ? Que vouliez-vous ?

- Je vais vous expliquer. Ne m'en voulez pas trop, je suis un peu bête.

Face à mon silence courroucé, mon interlocuteur poursuivit :

- Bon, voilà : mon frère Lauris et moi vivons dans la même maison et un jour, j'ai vu un numéro sur son portable, un numéro qui l'avait plusieurs fois appelé et que lui avait déjà appelé aussi. Et j'aime bien embêter mon frère, surtout sur le sujet de ses conquêtes. Du coup, je me suis demandé pourquoi il n'avait pas enregistré ce numéro dans ses contacts et j'ai cru trouver la réponse : je pensais qu'il ne voulait pas que je sache qu'il avait une copine.

Je laissai le silence répondre à ma place. Quelle était cette nouvelle technique d'arnaqueur ? Allait-il me soutirer de l'argent en me déballant une histoire sans queue ni tête ?

Le jeune homme à l'autre bout du fil continua :

- Oui, parce que je fouille souvent dans le portable de mon frère pour l'embêter, on est comme ça entre nous. Et il nomme tous les numéros qui le contactent plusieurs fois et que lui-même appelle.

- C'est mon numéro que...

- Attendez, je n'ai pas fini, m'interrompit-il. Du coup j'ai appelé une fois, vous n'avez pas répondu. La seconde fois si. En fait, j'avais appelé uniquement pour savoir si vous étiez une femme ou un homme. Et je vous ai laissé parler dans le vide. Je sais c'est un peu tordu, mais je fais tout le temps des coups tordus à mon frère. Désolé de vous avoir mêlé à ça...

- Maintenant, c'est à moi de parler, petit drôle, le coupai-je précipitamment, on ne joue pas avec mes nerfs, compris ? Votre frère, je m'en fiche. Je ne suis pas en couple avec lui, alors arrêtez ça !

- Oui, oui. Mais quand je vous ai appelé et que vous avez parlé toute seule, j'étais sûr que...

- Que j'étais avec votre frère, ça je l'ai bien compris ! Merci de me faire perdre mon temps !

- Écoutez-moi, s'il vous plait. Je ne pensais pas vous avoir autant oûtrée... Mais je promets de me faire pardonner, si vous me donnez votre nom.

- Mais ça ne va pas ? Vous êtes tombé sur la tête, ou quoi ? En quoi mon nom va-t-il vous excuser de quoi que ce soit ? m'exclamai-je, à deux doigts de raccrocher.

- Pour vous envoyer un colis. Par la poste.

Je ne répondis pas tout de suite.

- Un colis pour vous excuser ? Mais il ne fallait pas harceler les gens, c'est tout ! Attendez, c'est trop facile ça !

- Oui, mais si ça peut vous...

- Vous, vous rien. Vous rêvez, oui !

- Pardonnez-moi de changer de sujet, mais c'est entre autres grâce à vous que le portable de mon frère lui a été restitué.

- Vous n'êtes pas pardonné. Et non, je n'y suis pas pour grand-chose, alors arrêtez de me prendre pour Mère Teresa !

En prononçant ces paroles, je réalisai combien j'avais pensé à cette femme ces derniers temps. Le jeune homme reprit :

- Quoi qu'il en soit, vous avez fait les bons choix. Bon, je ne vous retiens pas plus longtemps.

- C'est ça, marmonnai-je.

"Quel idiot..."

- Alors au revoir, dit-il avec une voix plus timide.

- Adieu.

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