Chapitre 3

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Quelques jours plus tard, je me décidai enfin à rendre visite à ma tante Annie, mais plutôt en rentrant de l'Université.

Ainsi, je fus chez elle un mardi soir. Je ne l'avais pas vue depuis quatre ans et je crois, d'après ma mère, qu'elle m'en voulait un peu de ne pas lui rendre visite alors que je réside tout près de chez elle.

Mais si je ne vais pas la voir, c'est parce que nos caractères trempés ne collent pas ensemble. J'aime avoir le dernier mot et elle est une femme aux allures autoritaires, qui agit toujours comme si elle avait l'ascendant sur son prochain. Je ne supportais pas cette attitude lorsqu'on allait chez elle, quand j'étais plus petite.

Et puis, si elle avait tellement envie de me voir depuis quatre ans, elle pouvait aussi venir chez moi ! Enfin, je voulais simplement prendre de ses nouvelles dans la vraie vie, c'était tout.

Je fus prise de nausée en pénétrant dans son appartement: une insoutenable odeur de chien planait dans l'air. J'adore les chiens, (même si j'en suis allergique), mais ce concentré de relents de déjection et de salive... Beurk. J'ai dû paraitre bizarre en entrant, une main sur la bouche, mais c'était plus fort que moi.

Tante Annie m'accueillit d'un air faussement chaleureux, contrairement à ses deux molosses, que je ne voulus pas caresser : leur odeur m'avait suffi.

- Ah oui, c'est vrai que tu es allergique aux poils de chiens, Nathalie. Bon, je vais les enfermer, alors, s'est exclamée ma tante en voyant mon expression de dégoût.

- Oh, non, je les supporte. Enfin, je veux dire que j'ai déjà eu des chiens et je suis habituée... Même si c'est très désagréable de vivre avec eux.

- Tu as déjà eu des chiens ? s'étonna ma tante. Je ne m'en souviens pas.

- Oui, je ne faisais que tousser, éternuer, j'avais sans cesse les larmes aux yeux, mais je les aimais beaucoup.

- J'imagine... Mais, c'était quand, ça ? interrogea Annie.

Sans que je sache pourquoi, elle avait un ton assez désagréable, qui laissait entendre qu'elle ne me croyait pas vraiment. Pourquoi mentirai-je ? C'était stupide ! Mais de toute manière, cette vieille avait toujours été comme ça, bizarre, méfiante pour un rien, un peu parano sans doute...

- Le premier, je l'ai eu à mes dix ans, je l'avais appelé Nooby, parce qu'il n'était pas très doué, répondis-je tandis qu'elle me servait une tasse de thé. Mes parents n'étaient vraiment pas d'accord pour que l'on garde un chien à la maison alors que j'étais allergique, mais je les ai convaincus en leur disant qu'il resterait dans le jardin. Et puis Nooby s'est coincé dans un piège à renard, en forêt. Ensuite, j'ai eu une chienne pour mes seize ans, de la part de ma meilleure amie Evie, pour me consoler d'avoir perdu Nooby. Je crois plutôt que c'était elle qui voulait s'en consoler, elle aimait beaucoup mon chien. J'ai nommé la chienne Pomme... Parce qu'en fait j'ai réalisé qu'elle non plus n'était pas franchement intelligente. Elle a fini par se faire emporter par une famille en voiture qui la pensaient abandonnée... Parce qu'elle était toute sale et sans collier. Ce n'était pas de ma faute, Pomme devenait agressive lorsqu'on tentait de la laver ! Bref, je ne l'ai jamais revue. Aujourd'hui je n'ai plus de chien, ils seraient trop malheureux dans mon petit appartement.

- Eh bien, tes pauvres chiens n'ont pas eu une très belle vie, soupira Annie. Et même si on est en appartement, les miens sont très heureux.

Je haussai les sourcils, piquée au vif. Elle ne s'en savait rien, qu'ils aient eu une belle vie ou non, de quoi parlait-elle ?

- N'empêche que ce n'est pas génial, pour eux. Les miens étaient en permanence dehors, c'est ça la vie d'un chien ! rétorquai-je, comme pour lui relancer sa pique.

- Oui, et tu as bien vu où ça les a menés, les tiens. Ils t'ont été pris à cause de ça, répliqua Annie d'un ton placide qui m'agaçait.

Elle me tendit une boite de biscuits, ils avaient l'air secs, je refusai.

- Au moins, ils étaient bien, repris-je, ils vivaient pleinement leur vie de canidé, ne restaient pas sur un canapé à manger des croquettes. Ils chassaient des oiseaux, des chats...

- Des oiseaux ? Malheureuse, les oiseaux sont si importants et si fragiles ! Tu aurais vraiment dû mettre une clochette à tes chiens pour avertir les pauvres oiseaux de leur arrivée... me reprocha Annie d'un ton accusateur.

- Une clochette ? Je t'aurais bien vue la mettre à Pomme ! Cette chienne ne se laissait pas faire pour ça, c'est pour cela qu'elle n'avait pas de collier lorsque la gentille famille l'a prise avec eux !

Je commençai à m'emporter un peu, parce que finalement, l'odeur était insoutenable et me retournait l'estomac, et que j'en avais déjà marre de l'entendre. Je continuai d'un ton acerbe, bien décidée à ne pas me laisser démonter :

- Et ce n'est pas parce que tu as des chiens depuis toujours que j'ai besoin de tes réflexions, chère Annie. J'élevais les miens comme bon me semblait ! D'ailleurs, je n'ai aucune leçon à recevoir de quelqu'un dont les cabots sont sans cesse affalés comme des vieilles chiffes sur leur petit coussin qui pue. Regarde-les, ce sont de grosses peluches malodorantes qui ne peuvent pas se rouler dans l'herbe pour se débarrasser de leur crasse !

- Mais tu es sacrément désagréable, dis donc, s'exclama ma tante avec virulence, choquée par mon comportement. Quand je dirai ça à ta mère... Je crois qu'elle a dû manquer quelques bases dans ton éducation, je ne me souvenais pas que tu étais si malpolie.

- Eh bien tant mieux, dis-lui, comme ça j'aurais une excuse à lui servir pour éviter qu'elle me demande d'aller te voir.

À mon avis, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Ma tante exigea poliment que je sorte de chez elle, le teint violacé. Mais je n'avais pas fini, je conclus d'un ton calme :

- Si tu crois que je venais chez toi par plaisir quand j'étais petite ! C'était toi qui te montrais odieuse, mais je crois qu'à force, j'en ai eu marre de me laisser marcher sur les pieds. Tu vois, je suis aigrie, comme toi.

- Tu ferais mieux de partir, Nathalie ! Je ne vais pas rester polie très longtemps..., m'avertit Annie en me désignant la porte d'entrée d'un geste furieux.

Cette fois, j'avais fini. Et bien fini. Je ne remettrai plus jamais les pieds dans cet appartement. J'avais trouvé mon alibi pour que ma mère cesse de me harceler avec ça : chaque fois qu'on se voyait, elle me demandais d'aller voir Annie.

En sortant de chez elle, la tête haute, je ne pus m'empêcher de pouffer de rire : notre querelle était si absurde !

En tout cas, je pouvais assurer sans détour que cette petite visite chez ma tante était un fiasco, je n'avais pas prévu que ça se passe comme ça, mais tout compte fait, c'est aussi bien.

En prenant le bus pour rentrer chez moi, je réalisai que j'étais loin de mes bonnes actions à la Mère Teresa ! Mais cela ne me dérangeait pas plus que ça, au final. Je ne m'appelle pas Mère Nathalie et je ne suis pas la sagesse incarnée, il ne faut pas se méprendre.

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