Chapitre 1

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J'étais assise à la terrasse du "Procope", face à Evie, qui me racontait pour la énième fois l'histoire de son sac-à-dos perdu et retrouvé par un surfeur à Hawaï.

- Evie, je sais. Tu me l'as déjà dit mille fois, fis-je avec un sourire.

- Non, tu ne sais pas tout ! Quand il m'a tendu mon sac, j'y croyais pas. J'étais aux anges et en même temps hyper contente de retrouver mon sac. Et c'est là qu'on a échangé un regard et que le temps s'est arrêté...

- Oui, oui, comme par magie, je sais bien...

- Dis, à t'entendre, tu n'as pas l'air de croire à l'amour, Nat ! s'exclama Evie un peu trop fort à mon goût.

Deux clients se retournèrent, nous fixèrent un temps.

- Evie, repris-je plus doucement qu'elle, ma vie est géniale comme elle est. Et surtout bien chargée. Je n'ai pas besoin d'un mec pour le moment.

Evie, mystérieuse comme à son habitude, me dévisagea d'un air de défi. Étant sa meilleure amie, je savais qu'on pouvait toujours compter sur elle pour "trouver l'amour". On aurait dit que caser ses amis était sa raison de vivre. Et d'après le regard insistant qu'elle posait sur moi, j'étais sûre qu'elle allait se mettre en tête de me trouver quelqu'un.

- Bon, je vois que tu vas tenter de me mettre en couple, mais je t'arrête tout de suite : j'ai bien trop de travail en ce moment pour m'occuper d'un mec, ok ?

- Ah, si tu as deviné mes intentions... Alors dis-moi, plutôt blond aux yeux bleus, c'est ça ?

- Mais... Non, je n'ai pas de préférence ! Pourquoi un blond aux... Je vois. Tu as cru que, parce que j'étais sortie avec Daniel Trevichet au collège, et qu'il était blond, je préfère les blonds.

Evie fronça les sourcils, elle ne m'avait pas entendue, sûrement trop occupée à énumérer mentalement tous les jeunes hommes blonds de notre quartier.

- Hé, ho ! Ici la Terre, Evie ! JE-NE-VEUX-PAS-DE-MEC, compris ? Pas en ce moment.

Mais ma meilleure amie s'était déjà éclipsée en chantonnant, comme lorsqu'elle était très fière d'elle. Je poussai un soupir las et me levai pour régler l'addition au serveur du Café.

- Merci Mademoiselle, mais votre amie a déjà payé pour vous deux, m'apprit-il.


En rentrant chez moi, je me dis que, (pour une fois !) j'avais peut-être tort. Et qu'Evie voulait simplement se montrer sympathique.

"Elle est bien gentille, mais moi, j'ai du travail, avec mon Master..." songeai-je.

Je veux être avocate ; de mes amis, je suis la seule à ne pas avoir fini mes études. Tous les autres sont déjà dans le monde du travail depuis, pour certains, plusieurs années. Cela crée parfois des écarts entre nous, notamment dans nos emplois du temps, mais ça m'importe peu. Il n'y a que moi parmi eux, qui vise un métier ambitieux nécessitant un haut niveau d'étude. Ce n'est pas pour me la raconter, c'est juste la vérité.

J'ai vingt-trois ans, et j'ai entamé ma dernière année à l'université, pour valider mon Master en droit, il y a quelques mois. J'ai toujours rêvé d'être avocate, plus tard. Et à mesure que le temps passe, je sais que je me rapproche de plus en plus de mon objectif. Rien ne peut plus me faire plaisir que cette sensation que je pourrai bientôt le toucher du doigt.


Le lendemain matin, j'allais partir avec une heure d'avance, car étrangement, mon réveil avait sonné bien plus tôt que d'habitude.

Je me dis que ce serait une occasion de passer voir ma tante Annie, que je ne vais jamais voir, (alors qu'elle habite à deux pas de l'Université).

Et j'aperçus dans le même temps un post-it collé sur ma porte d'entrée, que j'étais persuadée de n'avoir jamais mis ici. Je peinai à déchiffrer le message :

"Va dans le garage de ton immeuble au lieu de prendre le bus."

Et là, je fus sûre qu'il s'agissait d'Evie. Elle était la seule de mes amis à avoir un double des clés de mon appartement... Et la seule à avoir assez d'audace pour y pénétrer sans ma permission !

J'étais sûre que c'était elle qui avait réglé mon réveil afin qu'il sonne une heure plus tôt.

Je réfléchis vaguement : "Je n'ai pas prévenu Tante Annie que je passais la voir à six heures du matin. Au fond, elle ne m'attend pas, je peux toujours y aller demain."

Aussi, je décidai d'entrer dans le jeu d'Evie et de me rendre dans le garage de l'immeuble, exaspérée par ma meilleure amie. Qu'est-ce qu'elle tramait, encore ?

Une fois dans le garage, je vis un second post-it, au milieu d'un mur décrépi.

"Si tu es Nat, alors va au fond du garage."

J'obéis malgré moi. Où se cachait donc Evie ? Quel était encore ce jeu ?

Tout au fond du garage, j'aperçus un autre post-it, sur une colonne de béton, derrière une petite voiture rouge.

Evie y avait griffonné un numéro de téléphone à la hâte. Elle avait dû manquer de temps, car son écriture était toute penchée et à peine lisible. En dessous du numéro était écrit :

"Tout ça pour ça. Alors, pas trop deg ? Mais crois-moi, il vaut le coup."

Finalement, Evie n'était pas là. Mais elle avait quand même réussi à me faire perdre mon temps !

Et le sien, d'ailleurs... Elle aurait simplement pu m'envoyer le numéro par message, au lieu de monter toute cette mascarade aux airs de chasse-au-trésor.

Je pris le post-it pour que personne ne le voie, et grimpai dans le bus dix minutes plus tard.

En cours de route, je me dis que si Evie avait avancé mon réveil d'une heure, c'était sans doute pour que j'aie le temps d'appeler ce numéro qu'elle m'avait déniché je-ne-sais-où.

Alors, sans trop savoir ce qui me prenait, je composai le numéro inconnu.

Personne ne répondit.

"Bien sûr, il est six heures du mat ! Merci Evie pour ton plan génial !" songeai-je en raccrochant.


Ce fut dimanche, deux jours après le "jeu de piste" d'Evie, que le numéro inconnu me rappela.

Je décrochai au bout d'un certain moment, fébrile :

- Allô ?

- Vous êtes qui ? rétorqua une voix masculine.

- Je suis... Je suis Nathalie Jourdain et vous ? répondis-je sans le vouloir.

- Je vous connais pas, moi. Vous voulez quoi ?

- Rien. Enfin si : votre nom.

- Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Vous voulez quoi ? répéta l'homme.

- Simplement savoir qui vous êtes. Je vous promets que ce n'est pas une pub ou une arnaque ou... Une amie m'a donné votre numéro, alors...

- Qui ça ? Pourquoi ?

- C'est Evie Prest qui me l'a donné. Elle vous connait sûrement.

- Connais pas d'Evie Prest, moi. Arrêtez d'appeler !

Sur ce, l'homme me raccrocha au nez. "Sympa, le type ! Une fois de plus, merci bien, Evie. Je sais pas qui t'as choisi, mais c'est vraiment n'importe quoi..."

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