Chapitre 3 : "Kuraga".

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Marry Stein prit un malin plaisir à devenir le centre de l’attention, des journalistes profitant de sa présence pour récolter des informations sur la sortie de sa marque de vêtements. Toujours en pleine discussion, Eglantine et Chuck continuaient de se proposer mutuellement des idées de projets.

La présence de Kyle n’avait pas échappé à Laure. Elle préféra s’en éloigner le plus possible en restant vivement accroché à sa mère. Qu’est-ce que le cancer en personne était bien venu faire à un gala de bienfaisance ? pensa Loyd. Ce dernier se sentait tiraillé entre le fait de l’accoster ou de le fuir. Lorsqu’il regarda successivement le blondinet qui agissait comme un bon samaritain, puis Chuck Ibiss, il lui vint une idée. Ajustant à nouveau son costume, il se força à freiner son pas précipité et les poumons remplis d’air, il se décida à se présenter au père de Laure.


  • Ton fils arrive, murmura ce dernier à Eglantine.
  • Maman ? les interrompit-il.
  • Oui, mon chéri ?

Il dut se concentrer pour ne pas rougir de honte face à cette appellation.

Déterminé, il poursuivit :

  • Je ne voulais pas vous déranger, mais j’ai une petite question à te poser, commença-t-il. Et peut-être même que Monsieur Ibiss pourra y répondre ? Mais tout d’abord, je suis enchanté de faire votre connaissance, monsieur, ajouta-t-il en lui tendant sa main.
  • De même, répondit-il après avoir pris son temps pour l’analyser sous toutes ses coutures.

Loyd déglutit en sentant sa poigne, à la fois douce et ferme. Il sentit dans ses tripes qu’il avait affaire au plus puissant des Richess. C’était un homme fier et confiant, mais également prudent. Se sentant extrêmement intimidé, il se réfugia dans sa question. Sa mère attendait qu’il poursuive.


  • Qu’est-ce que tu voulais savoir ? demanda-t-elle d’un ton très inquiet.
  • Je suis curieux à propos d’une personne… Ce garçon là-bas, le petit blond avec l’appareil photo…
  • Je ne vois pas, répondit-elle en se mettant automatiquement à le chercher du coin de l’œil comme le faisait son fils. Oh si, devant les “reflets impatients” ? Je le vois. Qui est-ce ? Est-ce que c’est l’une de tes connaissances ?
  • C’est quelqu’un de Saint-Clair, mais je suis étonné qu’il soit là…

De sa haute taille, Chuck regardait le garçon d’un œil brillant.

  • Est-ce qu’il vient d’une bonne famille ? Comment a-t-il pu entrer ?
  • Eh bien, la donation est ouverte à de nombreuses familles, mais son visage ne me dit rien. Ces parents ne sont-ils pas à proximité ?
  • Il doit être venu seul, confia Loyd. Et je… je ne me rappelle plus de son nom de famille…

Afin d’éviter d’attiser trop leur curiosité sur Kyle qui possédait presque tous ses secrets entre les mains, il mentit. Mais là était bien sa question : quel était son nom ? À l’école, tout le monde le connaissait comme “Kyle, le journaliste” et rien de plus.


  • Je n’en ai aucune idée, je suis désolée, mais est-ce que c’est quelqu’un d’indésirable ?

Il n’eut le temps de répondre à cette question qu’Eglantine eut sa réponse. Comme s’il sentait qu’on parlait de lui, il tourna la tête dans leur direction. Loyd s’effraya de le voir lui adresser un sourire vicieux. Il pria pour qu’il ne s’approche pas, mais il venait. D’un air sombre, caressant son appareil d’une main, il s’avança pour le saluer.


  • Loyd, comment vas-tu ? La réception est magnifique, bravo à vous, Madame Akitorishi.
  • Je te remercie, à qui ai-je l’honneur ? demanda-t-elle sur ses gardes.
  • Tu ne leur parlais pas justement de moi ? Je suis Kyle, je suis en quelque sorte le journaliste de Saint-Clair, celui qui s’occupe de révéler tous les potins, n’est-ce pas Loyd ?
  • Et donc ? Tu es venue prendre quelques photos du gala pour écrire un article dans ton journal ? tenta-t-il de garder son calme.
  • Il y a de ça, gloussa-t-il. Mais en fait, je suis venu pour vous, fit-il en se plantant devant Chuck.

Le temps d’un instant, ce dernier le dévisagea, surpris et glissa ses mains dans ses poches quand Kyle lui tendit la sienne. Il ne s’en vexa pas pour autant. À l’inverse, il riait davantage. En voyant à quel point Loyd tentait de réprimer sa colère, il avait décidé de prendre une légère distance. Face à ce comportement, Eglantine déposa ses mains sur les épaules de son fils pour le ramener contre elle. Si Chuck réagissait de cette manière, elle ne pouvait s’empêcher de vouloir le protéger.


  • Que puis-je pour toi ? répondit-il.
  • Vous vous méfiez ? Je comprends. Un simple ado vient à votre rencontre, se proclamant journaliste… Plus Loyd, qui semble terrifié…
  • Je ne le suis pas.
  • Je suis pourtant simplement venu négocier. J’aimerais mettre en place un journal en ligne, dédié à Saint-Clair, évidement. Je suis à la recherche de fonds et qui de mieux placer que l’homme qui subside notre école pour financer mon projet ?
  • L’école possède déjà son propre site internet. Je crois qu’il est amplement suffisant pour renseigner les élèves.
  • Vous pensez ? Je crois que nos étudiants ont envie d’en savoir bien plus sur ce qu’il se passe au sein même de Saint-Clair. Derrière la façade, il se cache tellement plus que des enfants de riches.
  • Je vois l’idée, mais qu’est-ce que j’y gagnerais ? Il n’y a rien de sérieux dans ce projet bien que sa demande de la technique pour créer le site.
  • Vous y gagnerez tellement d’informations ! En tant que père, je suis certain que vous aimeriez connaître les exploits de votre fille…
  • Kyle, le coupa-t-il d’un ton ferme, c’est bien ça ? continua-t-il en reprenant une voix agréable. Il est vrai que je suis connu pour être un homme qui adore investir dans de nouveaux projets, tout comme il est vrai qu’il est tentant d’offrir une plateforme de divertissement aux élèves de Saint-Clair. Pourquoi pas, après tout ? Il y a quelque chose de très jeune et d’innovant dans cette idée. Seulement, vois-tu, je n’ai pas pour habitude de négocier avec la mafia.

Chuck lui offrit un petit sourire satisfait quand il le vit pâlir. Eglantine et Loyd se regardèrent, puis ce dernier observa longuement Kyle. Il avait perdu sa langue et ne quittait pas le Richess des yeux. Jamais il ne l’avait vu avec pareille expression.


  • Qu’y a-t-il ? Si je ne me trompe pas, tu es bien le fils des Kuraga ?
  • Exact. Mais je suis différent de mes parents, répondit-il sèchement.
  • Tiens, c’est étonnant. Tu agis pourtant exactement de la même manière qu’eux. Je n’ai jamais voulu négocier avec ce groupe, et même si le projet me plaisait, je n’investirais pas pour leur fils...
  • Mes plans n’ont absolument rien avoir avec leurs activités…
  • Les négociations sont closes, c’est un non, dit-il fermement.

Le petit nez de Kyle se tortilla de frustration. Il menaça immédiatement Loyd d’un regard noir quand lui découvrit de l'admiration :


  • Ne pense pas avoir un avantage sur moi parce que tu connais mon nom de famille, fit-il en le chopant par le col, puis en le relâchant immédiatement à l’expression que lui renvoya Eglantine.

Il savait qu’il devait partir. Loyd réajusta une nouvelle fois son col, embêté et eut du mal à regarder sa mère dans les yeux. Elle transpirait la colère.

Entre temps, Laure avait assisté à la scène de loin. Elle profita des plaintes de sa mère concernant l’absence de Chuck pour le faire revenir à elles. Pourvue de son plus beau visage neutre, elle arriva devant le tableau. Elle hocha simplement de la tête pour saluer Eglantine, puis planta ses yeux dans ceux de Loyd. Ils se comprenaient. Ce dernier devait absolument tout lui raconter. Laure fit alors les yeux doux à son père qui s’accrocha à son bras.


  • Vous m’excuserez, il est temps pour moi de profiter du restant de l’exposition avec ma famille, annonça-t-il en souriant tendrement à sa fille. Je participe à la vente, également. Madame Akitorishi, nous continuerons à discuter de ce projet dans les jours à venir, finit-il par une petite courbette.

Ils partaient déjà, quand Chuck se tourna une dernière fois pour lancer un clin d’œil à Loyd. Il ne put supprimer sa surprise. Qu’est-ce que ça signifiait ? Il pensait que cet homme débordait de classe. Et grâce à lui, il tenait maintenant une information croustillante à propos de Kyle. Après coup, il se sentit fier de lui avoir fait face et il ne lui sembla pas qu’il soit quelqu’un de méchant.


  • C’est quelqu’un de plutôt agréable...

Les mots lui échappèrent. Il se couvrit légèrement la bouche, pensant que sa mère lui en voudrait. Elle s’était calmée, poussa un petit soupir et caressa gentiment sa tête. Enfin, elle lui souriait à nouveau.


  • À proprement parler, nos deux familles n’ont jamais eu de réels conflits. Pas comme il peut en exister entre les Ibiss et les Stein, dit-elle d’un ton prudent en voyant Marry attendre son tour pour parler de manière flagrante. Mon chéri, je vais de nouveau avoir une petite discussion, peux-tu me laisser ?
  • Oui, répondit-il simplement.

Il s’écarta pour laisser venir Marry Stein. L’aura qui s’en échappait l’impressionnait et lorsqu’elle passa à côté de Chuck, l’air dans la salle devint irrespirable. Le regard qu’ils partagèrent, alors que leurs yeux ne s’étaient rencontrés qu’un bref instant, sembla duré une éternité. Violence et frénésie s’en dégageait.

Tout revint à la normale quand leurs dos s’éloignèrent, Chuck rejoignant sa femme et la blonde s’apprêtant à négocier. Quand Loyd regagna ses esprits, il eut la désagréable sensation d’avoir oublié quelque chose. Néanmoins, il profita de ce temps qui lui était accordé pour trouver une échappatoire dans les toilettes et texter à Laure les nouvelles.

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