24 mai 2085

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L'autre jour, j'ai pénétré l'enceinte de la ville. Mon plan s'est déroulé selon mes prévisions, et j'ai abandonné le camion-autonome dans une artère déserte. J'ai passé la soirée en planque dans un immeuble inoccupé, en attendant d'envisager le moyen le plus sûr de me déplacer sans me faire reconnaître. Dans la nuit, heureusement, la météo m'a sourit. Il s'est mis à pleuvoir, alors j'ai revêtu mon par-dessus abîmé et sa grande capuche, sans risquer de paraître suspecte.

Des bâtiments ont germé de partout, en très peu de temps, et j'ai eu toute la peine du monde à identifier la nouvelle base du laboratoire-mobile : un gratte-ciel modeste, sans signe extérieur particulier. Mais, mon petit doigt me le dit, le bâtiment dispose un bunker qui protège sans nul doute les expériences les plus précieuses.

Évidemment, je ne pouvais pas m'aventurer à l'intérieur. Alors, j'ai choisi de m'abriter dans un hall voisin. Seules trois boîtes aux lettres portaient le nom de locataires. Il m'a semblé peu probable de croiser l'un d'entre eux, par ce temps, en pleine nuit. Je me suis donc tapie dans un coin, sous l'escalier, et j'ai guetté sans relâche l'entrée du laboratoire.

Vers cinq heures, hier matin, Gustav Lassen est sorti fumer sa pipe. Au vu de ses cernes, lui aussi avait veillé, travaillé d'arrache-pied toute la nuit sur je-ne-sais-quel-projet. Mais aller directement à sa rencontre m'aurait fait prendre un risque énorme. Aussi, comme le lever du jour et les vitres miroitantes des tours de l'Agnopole jouaient en ma faveur, j'ai joué du cadrant de ma montre brisée pour créer un reflet dans sa direction. Mon ancien second a immédiatement identifié ma position. Il m'a reconnue, fait signe de garder ma cachette, puis a détourné le regard.

Un quart d'heure plus tard environ, il est venu me chercher. Les locaux du laboratoire étaient encore presque déserts, et il m'a emmenée jusque dans son bureau, en esquivant soigneusement les caméras de surveillance. Là, sans poser de question, il m'a fourni des vêtements propres et s'est proposé de me couper les cheveux. Je ne l'imaginais pas si habile et je n'imaginais pas non plus qu'un simple raccourcissement, à la garçonne, me rendrait si méconnaissable. Il s'est excusé d'avoir à me teindre également, et il m'a assurée que mon roux reviendrait, comme si cela avait encore quelque importance. Je me déteste en brune, mais ce n'est qu'un faible tribu pour expier les crimes de ma race.

Manifestement, Gustav avait saisi d'emblée mes dispositions. Je suis donc rentrée dans le vif du sujet, avant que le temps ne nous soit compté. J'ai tâché de le convaincre de raisonner les autres, de mettre un terme à cette colonisation aussi barbare qu'insensée. Il m'a écoutée dans le plus grand sérieux, mais n'a pu accéder à ma requête. Son équipe, m'a-t-il dit, a déjà mis au point un matériau capable de résister à la Gorgone, telle que nous la connaissons. Ces derniers mots n'étaient pas anodins, j'ai donc voulu savoir ce qu'il avait en tête et l'ai interrogé.

Nos objectifs à Gustav et moi diffèrent, mais il semblerait qu'un certain arrangement puisse nous profiter à tous les deux. Par précaution, sans doute vaut-il mieux que je n'en écrive rien, jusqu'à ce que tout s'achève. Pour le moment, je vis cachée dans un bureau vacant. Gustav assure mon confort et m'a même apporté des fruits rouges, mes préférés. La nuit, entre deux de ses abjectes expériences, il met au point celle qui, sans doute, sera notre salut.

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