25 avril 2085

2 minutes de lecture

Agpe Kär se prête docilement aux auscultations de Gustav. Mon second a stationné l'un des tout-terrains du laboratoire-mobile à quelques kilomètres du village, où il a monté un petit laboratoire à l'abri sous sa tente. Selon ses dires, la Mission le croit en déplacement pour l'étude des coquillages, pendant que les architectes bâtissent la première tour-test de l'Agnopole. Son ami sur place l'informe que la structure s'élève à une vitesse hallucinante ; les bâtisseurs sont doués.

De nôtre côté, nous constatons jour après jour la force surhumaine de la Sertek. Elle est dans la moyenne des villageois, non parmi les plus robustes, pourtant, elle est parvenue à plier du métal à main nue, ou à déraciner un arbre. Gustav rit souvent en repensant à ses travaux d'urbanisme : « Il ne manquerait plus qu'elle ait des dents de bernique ! », c'est bien une lubie de généticien !

Mon collègue avance une hypothèse qui me semble crédible. Il existe à son sens une sorte de symbiose entre les diables-blancs et la Gorgone. Le patrimoine génétique des Serteks atteste que nous avons avec eux des ancêtres communs, mais que nos deux espèces se sont éloignées par la suite et ont muté, chacune selon son propre environnement. Or, l'environnement insulaire des Serteks est conditionné par la présence de Dionaea venenosum. Il est raisonnable de penser que leur corps a développé une immunité à la mesure de cette menace et que la plante, sans doute, s'est adaptée elle aussi de façon à leur survivre, ou à réguler leur population. De ce que j'ai pu constater, les villageois ne craignent pas la mort, et ne la pleurent pas non plus. Ils acceptent le trépas comme partie intégrante d'un cycle, ils se nourrissent de la chair fermentée par la plante et conçoivent sans horreur la possibilité de pouvoir mourir par elle.

Mais Gustav va plus loin, en admettant que les diables-blancs aient pu absorber d'une façon ou d'une autre les sécrétions de la liane, lesquelles auraient accru leur résistance. Je n'ai pas osé lui dire qu'ils consommaient la viande de leurs semblables, conservée des semaines (ou peut-être des mois) durant dans les cocons de liane.

Pendant ce temps, le robot fonctionnel s'emploie à indexer le plus possible des mots d'Agpe, afin d'intégrer la langue sertèke à son module de traduction. Ainsi, nous parvenons à converser de manière légèrement plus poussée avec notre sujet. Nous la rassurons notamment sur les appareils technologiques auxquels nous la confrontons, nous lui expliquons avec ses mots quel genre de prélèvement nous réalisons, et nous tâchons de savoir ce qu'ils connaissent réellement de la liane monstrueuse qui leur sert de dieu.

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