Chapitre 56

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L’eau se rapprochait à toute vitesse alors qu’il achevait sa descente dans un saut périlleux. Malgré le verre de Jade à ses pieds, le choc fut d’une violence inouïe. Atterrissant dans une gerbe scintillante, il glissa sur plusieurs mètres en arrière pour voir la forme brisée de Lamenterre adossée en un angle effroyable sur le rebord d’un bac. Happé la seconde d’après par l’une des anguilles, son corps disparut dans l’amas furieux de ses congénères.

Merde ! pensa Caes. C’était moins une…

Il avait esquivé le tourbillon meurtrier d’Ulysse Yazak au tout dernier instant. Réagissant au quart de tour sans un instant de réflexion dans un saut de bien cinq mètres.

— Ahhhh… merde !!! hurla Lombric en se réceptionnant non loin de là tout en faisant preuve de beaucoup moins de grâce que le chevalier.

Émergeant la tête de l’eau tout en reprenant son équilibre en laissant le verre de jade agir comme un balancier, il éructa péniblement à l’adresse de Caes :

— Pov’connard, tu l’as vu ? Il était… derrière moi, il…

Il faillit s’étrangler quand il avisa son second émergeant du dos d’Ulyssse Yazak. Dans un rugissement, le mastodonte tenta de s’en débarrasser d’un revers que sa proie évita dans un curieux mouvement élastique. L’apôtre réitéra dans une seconde tentative qui projeta dans un bac l’un de ses propres coéquipiers, puis une autre alors que sa prise lui échappait toujours.

Caes n’en croyait pas ses yeux. Le gredin contorsionnait son corps en des positions improbables et impossibles à prévoir. Il était difficile de savoir s’il s’agissait de chance ou non.

— Il a d’l’instinct, approuva Lombric qui s’était vite remis de ses émotions.

Caes ne put s’empêcher d’acquiescer bêtement.

— On va pouvoir mettre en place le plan B.

Tous deux se tournèrent vers Ezéquiel qui venait de parler. Jalil et Yanis étaient à ses côtés et si ces derniers contemplaient l’apôtre avec frayeur, le jeune prince, lui, semblait envisager quelque chose de peu plaisant.

— Je me doutais qu’vous aviez quelque chose comme ça en réserve ! s’exclama Lombric. Alors, on fait quoi ?

Caes se rembrunit. Il comprenait sans peine la grimace de son ami.

— Tu es sûr de toi ? Tu sais que c’est de la folie, pas vrai ?

— Ouep, mais pas l’choix.

Le chevalier acquiesça une nouvelle fois alors que le jeune prince s’avançait pour ensuite les dépasser.

— Jalil, Yanis, dit-il. Allez-vous positionner à notre cerceau, je pars devant.

Après un regard interloqué, les deux acquiescèrent à leur tour et prirent le chemin indiqué. Plus loin, Pov’connard venait d’effectuer un saut aussi merveilleux qu’inquiétant, tout en hideuses contorsions non dépourvues de grâce. En y repensant, ses sauts faisaient penser à ceux d’un batracien. Lancé à sa poursuite, Ulysse Yazak, écumait de rage.

— Attends ! intervint Lombric. J’ai pas entendu l’plan, moi. Va falloir répéter !

— Vois ça avec Caes, rétorqua le jeune prince par-dessus son épaule.

— Ezéquiel…, hésita ce dernier.

Le jeune prince s’immobilisa et le chevalier perdit de précieuses secondes à formuler ce qu’il avait sur le cœur.

— Fais en sorte qu’on rejoigne Cormack tous les deux, hein…

Sans qu’il ne se retourne, Caes devina que son ami souriait et il sourit à son tour alors que le jeune homme acquiesçait simplement avant de s’élancer.

— Ulysse ! cria-t-il. Ta sœur est vilaine, tu peux pas savoir !

Alors que la clameur avait repris quelques instants plus tôt, le silence s’abattit de nouveau sur le public. Un silence qui égalait ceux provoqués par les Scies. Au loin, le second de Lombric continuait de fuir mais l’apôtre ne le poursuivait plus. Faisant montre d’une immobilité dangereuse, il semblait de pierre.

— Aie ! siffla Lombric. On peut dire qu’il sait énerver les gens, y’a pas d’doute.

— C’est sûr qu’il sait taper où ça fait mal, renchérit Caes qui sentit un frisson lui remonter l’échine alors que le mastodonte retournait un regard vide en direction du jeune prince. Dépêchons-nous, nous n’avons pas beaucoup de temps !

— Beaucoup de temps pour quoi ? protesta le gredin en suivant le chevalier qui se dirigeait à toute vitesse vers le centre du terrain.

Ce dernier ne répondit pas mais avala la distance avant de freiner dans une nouvelle gerbe d’eau scintillante pour apprécier d’un regard sa position.

— Tu veux bien me dire ce qu’on fout là ! grogna le boiteux en freinant péniblement à son tour. Je vous serais plus utile en…

— Ne t’inquiète pas pour ça, répliqua le chevalier en lui posant une main sur l’épaule.

Plus loin, Ezéquiel avançait toujours en direction d’Ulysse Yazak qui venait lentement à sa rencontre. Son regard était toujours curieusement vide, ce qui ne manquait pas de rappeler Cormack lorsqu’il se trouvait particulièrement en colère. En un mot, il était effrayant. Entre temps, Lombric écarquillait les sourcils de surprise en retour à ce geste amical de la part du chevalier. Un léger sourire finit même par se dessiner sur ses lèvres.

Caes sourit également, tristement.

— Nous pensons qu’il ne t’arrivera rien, dit-il, peu convaincant.

Le sourire du gredin s’évanouit.

— Qu’il ne m’arrivera…, commença-t-il.

Le coup de poing de Caes le cueillit sous le menton sans qu’il ne s’y attende le moins du monde, faisant sauter les molaires qu’il lui restait. Son regard se fit vitreux dans l’instant alors qu’il s’écroulait.

Avisant la mare de sang qui commençait à se formait au niveau de la tête du pirate, le chevalier ne tarda pas à s’éloigner tout en refoulant la culpabilité qui l’assaillait.

— Je suis désolé, murmura-t-il tout en surveillant la créature qui évoluait sous leurs pieds.

— Ma foi, c’est un peu dur pour ma douce Amédée, plaça posément Aristide Leor.

Dans la loge, le silence régnait, à l’image du public tout entier dont les regards allaient du spectacle en contrebas à Amédée. Debout, cette dernière restait figée dans une raideur qui laissait imaginer sa colère, de même qu’une certaine stupéfaction. Clare devinait les lèvres de l’organisatrice de ces jeux formuler son propre adage en une inquiétante litanie.

Ils m’aimeront, ils m’aimeront, ils m’aimeront…

Ulysse s’avançait toujours vers Ezie qui s’engageait de son plein gré dans cette confrontation qui s’annonçait d’ores et déjà inégale. Que pouvait-il bien espérer ?

Qu’as-tu en tête ?

Caes venait tout bonnement d’assommer Lombric, capitaine de la Perle des Bas-fonds, et s’éloignait tout en semblant attendre quelque chose. La pupille avait le sentiment que quelque chose d’énorme se préparait. Sybille était comme une enfant devant un spectacle de marionnettes, la bouche légèrement entrouverte et ses grands yeux rivés sur la scène. Lamia avait exactement la même attitude, tel un double adulte.

Ulysse et Ezie se trouvaient maintenant face à face. Pendant un instant extrêmement pesant, le mastodonte sembla jauger cette adversaire qu’il considérait visiblement comme insignifiant. Puis, sous les exclamations de surprise du public, l’apôtre le balaya d’un revers nonchalant.

La douleur irradia son corps alors qu’il s’écrasait contre un bac. Plusieurs pointes aigues se firent sentir aux niveaux de ses côtes, signalant que plusieurs avaient été brisées. Durant un instant, la panique faillit le submerger alors qu’il se trouvait incapable de respirer. Retombant sur le terrain, Ezéquiel fit de son mieux pour conserver un semblant d’équilibre qui l’amena à s’adosser brutalement contre le mur entourant le terrain, juste sous le bac où l’amas d’anguilles affamées semblait le guetter

Une quinte de toux malvenue provoqua une nouvelle explosion de douleur et sa vue se troubla sur Ulysse Yazak qui se dirigeait tranquillement vers lui, sans se presser. Le mastodonte comptait visiblement prendre son temps.

On dirait que je vais charger…, pensa le jeune prince.

— Tu as humilié ma sœur, tu as perverti nos Jeux et tu m’as fait passer pour un imbécile.

La voix adolescente de l’apôtre roulait sur l’eau à la manière d’un murmure particulièrement audible pour le jeune prince. D’apparence calme, elle contenait pourtant une furieuse envie de meurtre. Se redressant dans un gémissement de douleur, Ezéquiel glissa péniblement vers le géant qui s’immobilisa, perplexe.

— Ma semaine n’a pas été toute rose non plus, répliqua le jeune prince dans un souffle douloureux.

Ulysse Yazak pencha la tête. La colère laissant place à une certaine curiosité.

— N’as-tu pas peur de mourir ?

D’un coup de pied chaussé de Jade, il cueillit son adversaire en pleine poitrine, l’envoyant de nouveau s’écraser contre le mur dans un cri de douleur.

— Tu continues à te moquer de moi alors que tu es impuissant ! Es-tu fou ?

Il marqua une pause alors qu’Ezéquiel niait simplement. Penchant la tête de l’autre côté, le mastodonte le dévisagea longuement.

— Tu m’es familier… Qui es-tu ?

Le jeune prince haussa les épaules.

— Au point où on en est, je m’appelle Ezéquiel Arnéil et dans les secondes qui vont suivre, l’un de nous va mourir.

Il tenta de sourire mais la douleur l’en empêcha, générant une grimace peu convaincante à la place. Ulysse, lui, se pétrifia à cette réplique.

— Ezéquiel…, répéta-t-il avant d’ajouter. Arnéil.

Visiblement stupéfait, il ne dit rien pendant plusieurs secondes avant de lâcher ce à quoi Ezéquiel n’aurait jamais pu s’attendre.

— Aliren.

Ezéquiel venait de percuter le mur après le coup de pied chaussé de Jade d’Ulysse Yazak et Caes dut faire un effort considérable pour ne pas aller à sa rescousse.

Sois patient, merde ! Tu n’as droit qu’à un essai ! Sois patient !

Ses mains tremblaient alors qu’il se trouvait concentré à l’extrême, prêt à tenter la chose la plus folle qui soit. Lombric flottait à quelques mètres de lui et le gredin ne semblait pas prêt de se réveiller.

Encore un petit peu ! Dépêche-toi, bon sang !

Sous ses pieds, la créature évoluait toujours en un cercle lascif au sein des profondeurs et Caes se demandait si elle allait finir par se décider.

Si focalisé qu’il était, il ne vit pas venir le dernier coéquipier d’Ulysse Yazak et c’est son bras déjà abimé qui prit le coup de maillet, l’envoyant ainsi ricocher sur l’eau à plusieurs mètres de là.

Merde, merde, merde…

La douleur dans son bras droit était insoutenable, laissant facilement deviner l’ampleur des dégâts. S’il avait eu des doutes, désormais ce n’était plus le cas. Son membre était brisé.

Dans un gémissement rauque, il se jeta sur le côté pour esquiver la deuxième attaque du joueur adverse qui frappa l’eau de son maillet dans une gerbe à l’endroit où se trouvait la tête du chevalier un instant plus tôt. Du coin de l’œil, il vit que la créature entamait sa montée.

Non, non, non !

Il ne voyait sa batte nulle part et le surplombant, son attaquant leva de nouveau son arme dans une frappe qu’il ne pouvait éviter. Avec un sentiment d’impuissance, le chevalier leva son bras valide pour protéger son visage quand son assaillant s’envola dans les airs à son tour pour laisser la place à…

— Pov’connard ?! s’exclama Caes.

— C’est pas mon foutu nom, j’te figure ! rétorqua le gredin. Je m’appelle… Hé !

Sans l’écouter ou prendre le temps de le remercier, Caes s’était emparé de l’arme de son agresseur en un éclair avant de se précipiter vers Lombric qui disparut en un instant dans un mur de crocs. Au loin, Ulysse levait son arme pour achever Ezéquiel et alors que la créature s’élevait dans les airs à une hauteur démentielle, Caes hurla tout en entamant un saut tout aussi fou.

Armant son arme à son tour et ignorant la douleur cisaillant littéralement son bras, il fendit les airs, droit dans la gueule de la créature. Son haleine chaude et putride le frappa de plein fouet tandis qu’il dépassait son œil énorme dans lequel il se vit en entier. Alors qu’ils s’élevaient tous deux dans les airs, le chevalier frôla les crocs immenses de la bête qui se trouvaient être aussi grands que lui. La bave de la créature formait une mousse épaisse qui l’aspergea alors qu’il dépassait son museau pour la surplomber enfin à presque vingt mètres de haut.

C’est de la folie, pensa-t-il.

Alors que le museau du monstre se retrouvait à sa hauteur, il lui assena un fantastique coup de maillet.

— Qu’as-tu dit ? hoqueta Ezéquiel.

Mais le mastodonte ne répondit pas. Au contraire, il se mit à émettre un rire effrayant de sa voix adolescente.

— Et dire que tu es juste là, à ma portée ! s’exclama Ulysse Yazak. L’objet même de notre haine ! De notre chute !

— Mais qu’est-ce que tu racontes… ? commença le jeune prince.

Cependant, l’apôtre ne faisait guère attention à lui.

— Tu nous as condamnés à cette existence, continuait-il. La plupart ne se rappelle pas mais moi… moi, je me souviens ! Je me souviens de nos ailes ! Ma sœur n’est pas folle et elle rêve. Elle rêve de qui nous étions mais elle ne se rappelle pas.

— Je ne comprends pas ! s’exclama Ezéquiel. Je ne sais pas de quoi tu parles !

Ulysse Yazak baissa enfin le regard sur lui. Un regard chargé de haine ainsi que d’un brin de folie.

— Je vais finir ce que nous avions commencé.

Il leva son arme.

— Ce n’est que justice.

— Non ! s’écria le jeune prince. Dis-moi ce que…

Une ombre les recouvrit tous deux alors qu’un rugissement de surprise s’élevait. Impuissant, le jeune prince vit une dentition de cauchemar venir à leur rencontre. Des crocs effilés qui se rapprochèrent à toute vitesse, ne lui laissant pas la moindre chance. Avec fracas, la créature percuta le bac d’anguille. Alors que l’apôtre levait la tête, Ezéquiel se propulsa sur le côté dans un saut désespéré. Ulysse Yazak tourna son regard vers lui mais il était trop tard. La seconde d’après, la créature et le bac lui tombaient dessus avec violence.

Le hurlement d’Amédée déchira l’air alors qu’elle s’agrippait la poitrine à deux mains. La stupéfaction paralysait toutes les autres gorges.

— Ulysse…, souffla Lamia.

La créature roula sur le dos, laissant apparaître l’apôtre littéralement empalé sur l’un de ses crocs. Le mastodonte était toujours vivant et il dévisageait la pointe de la dent dépassant de sa poitrine comme s’il n’y croyait pas. Une anguille était accrochée à sa jambe et une autre dévorait son bras droit mais il n’y faisait pas attention.

— Ulysse ! hurla Amédée en écho à la plantureuse brune.

Ce dernier leva vers elle un regard voilé avant de disparaître dans les eaux alors que la chose replongeait dans les profondeurs, emportant avec elle l’un des apôtres du Croissant.

— Tu avais tort et raison Ulysse…

Clare se tourna vers Sybille qui avait murmuré ces mots. Une larme roula sur la joue de la fillette alors qu’elle se blotissait contre Lamia. La dame de parage l’entoura de ses bras mais son regard était curieusement absent. Son amie était sous le choc de la perte du frère d’Amédée.

— Ce n’est pas possible, soufflait-elle.

Dans la cinquième tortue, ne résonnaient que les hurlements déchirants d’Amédée. Des cris ne tardèrent cependant pas à se faire entendre lorsque le corps inanimé de Lombric remonta à la surface. Puis d’autres lorsque Ezie émergea enfin de l’eau en avalant de grandes goulées d’air. Les hurlements d’Amédée se changèrent en cri de rage alors que, retenue par Sephrat Paria, elle pointait du doigt celui qui avait conduit son frère à la mort. Dans une série d’onomatopées meurtrières, elle cracha sa haine alors que le baron du loup l’emportait.

En contrebas, le second de Lombric venait de relever son capitaine apparemment vivant et Caes, un bras visiblement cassé, rejoignait Ezie pour l’étreindre de son bras valide. Les cris de l’organisatrice des jeux faiblissant, des acclamations de plus en plus nombreuses surgirent de la foule. Quelques secondes plus tard, ce fut un tonnerre d’applaudissements et de vivats qui frappa littéralement les vainqueurs de cette finale. Des vainqueurs dont l’épuisement était visible.

Sans faire attention au public, le groupe quitta le terrain. Caes et Ezie se soutenant mutuellement, le premier le bras pendant et le deuxième se tenant les côtes. Le second de Lombric portait littéralement ce dernier tandis que Jalil et le soldat fermaient la marche. Autour d’eux, les anguilles restantes se trouvaient à bonne distance, dévorant les cadavres des autres participants.

Sous les ovations, ils disparurent dans le tunnel sans plus de cérémonie.

— Ulysse…, murmura l’Archevêque.

Les autres loges, à l’image de la leur, ne partageaient guère la liesse du public. Sans avoir jamais particulièrement apprécié l’apôtre, Clare éprouvait néanmoins un sentiment de perte incommensurable qu’elle ne s’expliquait pas. Comme si une existence incroyable venait tout juste de prendre fin.

En ce moment de choc, la petite voix de Sybille, toujours blottie contre Lamia, s’éleva.

— Jamais sur ton chemin, Ulysse…

Dans les profondeurs, la créature continuait d’évoluer comme si rien ne s’était passé et Clare n’imaginait que trop bien le corps de l’apôtre toujours fiché sur le croc de la chose. Telle une proue macabre sur un navire effrayant.

— Mais cette fois, tu étais sur le chemin…

Le sifflement d’une lame se fit entendre derrière eux ainsi que les hurlements du public les surplombant. Avec un feulement, Lamia se décrocha de Sybille pour aviser la menace, de même que Clare qui se figea lorsqu’elle découvrit la tribune surplombant l’entrée littéralement éventrée. Les gens du public se trouvait séparés par une déchirure de presque un mètre de long et le coupable n’était autre qu’Harlequin.

Par les Architectes, est-il en train de s’adonner à ses jeux macabres à un moment pareil ? pensa Clare.

Elle se retint malgré tout de fondre sur l’apôtre qui leur tournait le dos. Sa lame immense fendant le sol granitique dans l’obscurité de l’entrée. De part et d’autre de sa longue personne, les gardes de l’Archevêque ne bougeaient pas.

— Qu’est-ce que cela signifie, Harlequin ?! s’indigna ce dernier en sautant littéralement de son siège.

L’apôtre garda le silence mais ramena la lame vers lui dans un crissement avant d’en reposer la base à plat sur son épaule. De son autre main, il se prit le menton tandis qu’il leur exposait finalement son profil.

— J’ai cru qu’il y avait quelqu’un, dit-il simplement.

Au-dessus de lui, les spectateurs ne pipaient mot. Paralysés, ils observaient l’apôtre avec une frayeur palpable.

— J’ai cru qu’il y avait quelqu’un, répéta Harlequin en haussant les épaules.

— Il m’est d’avis que Sybille l’aurait… su ! feula une nouvelle fois Lamia, toute griffes dehors.

— Mon aimé…, commença l’apôtre.

La brune leva un doigt.

— N’y pense même pas !

— Il y avait quelqu’un.

Sybille venait de murmurer ses paroles alors qu’elle se trouvait déjà aux côtés d’Harlequin, lui faisant signe de la porter. Ce dernier planta sa lame dans le sol avant de s’exécuter pour l’approcher, à sa demande, de l’un des gardes.

— Comment… ? commença l’Archevêque.

— Je ne peux regarder partout à la fois, le coupa la fillette tout en détaillant le garde toujours immobile. Et la menace n’est pas arrivé jusqu’à vous Archevêque, ou vous-même, mes dames. Harlequin était là.

Clare et Lamia se levèrent de concert, avisant les gardes immobiles.

Figés, pétrifiés.

Elles se pétrifièrent à leurs tours avant d’échanger un regard qui en disait long. Elles n’avaient guère besoin de vérifier les marques sur les corps des victimes empoisonnés, elles reconnaissaient aisément ce travail particulier. Le recours à un poison tétanisant les muscles. Cette rigidité cadavérique utilisée pour donner aux corps les postures voulues. Clare sentit un frisson lui remonter depuis le bas du dos. Lamia, elle, gardait une expression d’incrédulité figée sur son beau visage.

Et toutes deux ne pouvaient se détacher des deux dernières œuvres d’Aiguille.

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