Chapitre 46

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— … refusé les requins sauteurs ! C’est un comble ! Les spectateurs veulent du spectacle !

— Est-ce bien pour cela que vous auriez désiré de telles bêtes, seigneur Livresse ?

— Mais bien entendu ! répondit la grosse voix avec une troublante honnêteté. Cela aurait mis du piment au jeu, si vous voulez mon avis !

Clare marqua une hésitation bien perceptible avant d’emboiter le pas de Lamia qui s’était déjà engagée dans cet énième tournant de la cinquième tortue. Elle entendit le baron du Loup soupirer avant de rétorquer.

— Cela aurait écourté ce même jeu, à n’en pas douter.

— Seigneur Livresse ! s’exclama Lamia. Mais quelle… joie !

— La couturière ?! Le baron du Lion fut pris d’une violente quinte de toux. Et la p… pupille ! Mais ce n’est pas p…

Sa quinte se fit plus violente encore, le forçant à plaquer son imposant poing sur sa bouche, encadrée de sa moustache et de son bouc. Pendant ce temps, le sourire de Lamia ne cessait de s’élargir. Clare aurait pu s’en amuser également si elle n’avait pas été soumise au regard toujours aussi accusateur du baron du loup.

En plus de Sephrat Paria, deux femmes encadraient Livresse. L’une dans sa prime jeunesse à la beauté époustouflante et l’autre vieille et ratatinée. Bien qu’attirant les regards de la foule, cette dernière restait à bonne distance de ce petit groupe. Se scindant tels les deux bras d’un fleuve pour se rejoindre plusieurs mètres derrière dans cette galerie.

— Lamia ! s’exclama la beauté rousse. Quelle joie de te trouver ici !

— Lilith ! renvoya la brune en lui caressant la joue alors que celle-ci plaquait sa main sur la sienne. Mon merveilleux… modèle.

Le modèle en question était vêtu d’une robe de soie moulante qui dévoilait ses longues jambes crème. Ses yeux en amande étaient d’un vert rieur et de très longs cils y donnaient une incroyable profondeur qui, à n’en pas douter, faisaient rêver la clientèle.

En effet, Lilith était une courtisane et ce n’était pas la chose la plus incroyable à son sujet. Seuls les plus riches pouvaient se l’offrir et ils n’étaient guère nombreux car Lilith était aussi un apôtre. Cette dernière partit d’un rire de gorge alors que Lamia, ignorant superbement le baron du Loup, se tournait vers la vieille dame rabougrie.

— Dame Lise, s’inclina-t-elle avec un respect qui ne lui ressemblait pas.

Les lèvres de dame Lise s’étirèrent sur sa peau aussi ridée qu’un ancien parchemin. Elle était toute petite et vêtue d’une simple tunique grise revêtue d’un vieux pardessus fleuri et abimé par le temps. Ce qui jurait avec la tenue extravagante de son accompagnatrice. Ses cheveux blancs étaient tirés en un chignon sévère qui, lui, jurait avec sa mine sympathique. Ses petits yeux d’un gris délavé étaient rendus encore plus petits par ses paupières tombantes. Sans répondre, elle se contenta d’acquiescer avant de se tourner vers Clare qui s’empressa de lui donner une révérence maladroite toute calculée.

Le sourire de la vieille dame s’ouvrit telle une déchirure qui, couplé à son regard bienveillant, lui donnait un air sénile. Chose à laquelle la pupille ne croyait pas une seconde.

— Nous allons être en retard, dit Lilith qui lui souriait.

Un sourire auquel Clare rendit un hochement de tête distant avant que la beauté rousse n’offre son bras à la vieille dame qui lui retourna un air presque perdu avant qu’elles ne se mettent en chemin au rythme du pas claudicant.

— Il serait temps d’y trouver un successeur à celle-là ! souffla Livresse sans même que les deux femmes ne soient hors de portée de voix.

Devant les regards peu amènes qu’il récolta, il sembla remarquer qu’il avait exprimé sa pensée à voix haute.

— Pour qu’elle se repose, s’empressa-t-il d’ajouter avec de nouveaux toussotements. Être baron, c’est éprouvant.

Il lâcha un rire nerveux et gras en assénant une claque dans le dos du loup qui ne bougea pas, le regard toujours fixé sur Clare.

Elle ne pensait pas que Dame Lise ait besoin de se reposer. Elle ne croyait pas à sa sénilité non plus. Après tout, Dame Lise était la baronne du Paon. Et comme le disait si bien Livresse, être baron était éprouvant.

Surtout dans le Croissant.

— Vous m’avez l’air… Livresse toussa encore… en pleine forme… !

— Le jus de goyave, rien de tel pour un teint naturel et lumineux, répliqua Lamia avec un clin d’œil avant d’ajouter en contournant les deux barons. Dame Clare, nous allons être en retard, nous… aussi.

La pupille acquiesça et, après un nouvel hochement de tête supposé nerveux à l’adresse des deux hommes, partit à la suite de sa dame de parage.

— Le jus de goyave…, entendit-elle le baron du Lion ruminer alors qu’elle les dépassait.

Et dans son dos ne cessait de peser le regard de Sephrat Paria.

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