Chapitre 35

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Ezéquiel entendit le bruit du mastodonte chuter dans le sable avant de se retourner pour le voir s’avancer vers lui. Et devant cette progression implacable, il comprit qu’il était sérieusement dans la mouise.

Le dernier prisonnier avait fui du mauvais côté et se trouvait sur la route de l’apôtre. Lâchant son gourdin, il reculait à présent, les bras levés dans sa direction comme pour le calmer. Le monstrueux apôtre, lui, ne ralentit même pas alors qu’il ramassait le gourdin pour ensuite, d’un simple revers, envoyer le corps désarticulé du prisonnier dans le public à plus de vingt mètres de là.

Mais qu’est-ce que c’est que ça ?!

Bien qu’il soit immense, ce que venait de faire Ulysse Yazak était tout bonnement impossible ! D’une main peu assurée, Ezéquiel leva tout de même son couteau qui lui paraissait plus que dérisoire. Cependant, il n’y avait aucune conviction dans son geste. Il sut qu’il allait mourir lorsque l’instant d’après, le colosse levait sa masse au-dessus de lui pour l’abattre et…

Quelqu’un dévia le coup d’Ulysse Yazak qui alla percuter le sol avec une puissance surréaliste. Des morceaux de métal vinrent se planter dans les bras et jambes du jeune prince qui se rendit compte après coup qu’il s’agissait des fragments de l’épée que tenait Caes. En effet, le chevalier dévisageait sa lame brisée avec stupéfaction tandis que le mastodonte chantait presque de sa voix juvénile.

— Jamais sur le chemin.

D’une bourrade, il envoya le chevalier bouler plusieurs mètres plus loin.

— Tu aurais dû mourir comme le souhaitait ma sœur, dit Ulysse en levant son gourdin.

Soudain, la lame gigantesque d’Harlequin se planta dans le sol à quelques centimètres du visage d’Ezéquiel, le séparant du mastodonte.

— N’est-ce pas l’intérêt de ces Jeux que de laisser les Architectes en décider ?

Ezéquiel leva la tête pour voir le visage inexpressif de l’apôtre le surplomber sans faire attention en lui. Harlequin était vraiment grand.

— Tu es sur le chemin, répliqua Ulysse qui les dominait tous deux sans que cela ne semble inquiéter le sauveur du jeune prince.

— Je n’ai pas le choix, elle m’a fait une promesse à moi aussi et je dois faire ce qu’elle dit.

Le public était redevenu silencieux. Pas un souffle ne perçait alors que les deux apôtres se faisaient face. Un spectacle que les spectateurs semblaient vouloir autant qu’ils l’appréhendaient.

Caes s’était relevé et avait agrippé une lance qui était telle une brindille face à Ulysse Yazak. Ce dernier défiait le regard inexpressif d’Harlequin dont le visage de porcelaine ruisselait de gouttelettes, ce qui le rendait plus artificiel encore.

Le chevalier n’osait pas attaquer, ne voulant pas déclencher un affrontement qui, il le sentait au plus profond, s’avérerait terrible. Une chose était sûre, Ezéquiel n’y survivrait pas et Caes fut frappé de voir à quel point le jeune prince semblait fragile entre ces deux tueurs. Une chose qu’il était étrange d’associer à Ezéquiel.

Le bras le long du corps, son couteau gisant à ses pieds, le jeune prince s’était visiblement résigné. Attendant le dénouement de la même manière que les spectateurs.

Au bout d’un interminable instant, Ulysse laissa aller son regard dans les tribunes avant de se renfrogner. Caes fit de même et s’aperçut que pas moins de cinq silhouettes attendaient, immobiles, de par chaque estrades situés aux points cardinaux de l’arène. Les regards du public oscillaient entre eux et ces mêmes silhouettes que le chevalier devina être d’autres apôtres.

Enfin le mastodonte s’arrêta sur Amédée qui articula quelque chose que lui seul parut comprendre car il tourna aussitôt les talons. Sans plus l’ombre d’une attention pour l’un d’entre eux, il se dirigea vers la sortie et disparut dans la pénombre du tunnel.

— Je vais vous raccompagner à vos cellules, dit finalement Harlequin. Laissons les Jeux se poursuivre.

Le public n’était pas encore revenu de ce qu’il s’était produit qu’Harlequin quittait l’arène à son tour. Escortant le dénommé Caes et l’inconnu. Un nouveau groupe de proies les croisa avant qu’ils ne s’enfoncent à leur tour dans les profondeurs des Fosses.

— Amédée, déplora l’Archevêque. Bien que ce moment fut intense, je n’aimerais guère que se reproduise un évènement semblable.

— Oui, Archevêque, fit Amédée Yazak d’une toute petite voix.

Recroquevillée sur son siège, les poings crispés sur la jupe froissée recouvrant ses maigres cuisses, elle avait l’air d’une enfant capricieuse et dérangée craignant la réprimande.

Clare, elle, bien que prise d’une envie certaine de la gifler, se força à se détendre. Croisant le regard intrigué de Lamia, elle lui renvoya un haussement de sourcil. Ce qui, elle le sentait, ne fit qu’alimenter la curiosité de la plantureuse brune.

Agacée, la pupille laissa aller son regard dans le public ainsi que sur les silhouettes des apôtres qui reprenaient place au sein des estrades. Aujourd’hui, les Jeux auraient pu être plus sanglants que jamais. Soudain, elle bloqua alors qu’une silhouette familière disparaissait dans l’une des sorties réservées au public.

— Archevêque, glissa Sybille. Je pense que notre pupille ne se sent pas à son aise.

— Vous vous sentez mal, dame Clare ? s’inquiéta le baron de l’Ours que son éternel sourire quitta enfin.

Cette dernière se rendit compte que sa main lui cachait la bouche comme si elle avait été prise de nausée. Consciente de la chance qui s’offrait à elle, elle feignit un véritable malaise.

— Oui, fit-elle d’une voix peu assurée. Je vous demande de m’excuser. Des affaires de dame…

— Je vous comprends, ma chère, acquiesça l’Archevêque.

— Les salles d’aisance sont…, commença la prophétesse.

— Sybille ! coupa l’Archevêque avec un air profondément indigné alors que la fillette ricanait.

— J’ai juste besoin de marcher un peu, rectifia Clare en adressant un regard sans équivoque à cette dernière. Elle leva la main en ajoutant alors que Lamia ouvrait la bouche. Je n’ai besoin de personne, merci. Je m’en sortirai très bien toute seule.

Elle sourit et quitta l’estrade sous le regard attentif de sa dame de parage et la moue amusée de Sybille. Elle était consciente du cadeau de la petite prophétesse et bien qu’elle ne veuille absolument pas lui être redevable, il s’agissait là d’une occasion à laquelle elle ne pouvait dire non.

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