Chapitre 34

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Le public était inhabituellement calme. Encore sous le choc du spectacle de la veille. Clare laissa aller son regard de loup par-delà les rangs en contrebas. Les gens chuchotaient et tremblaient dans un mélange de terreur et d’excitation. Une tension palpable régnait dans la cinquième tortue et elle avait encore du mal à croire à ce qui l’avait déclenchée.

— Il s’agit de leur offrande aux Architectes, ni plus ni moins, ma chère Lamia !

L’Archevêque couvait la plantureuse brune d’un regard profond empli d’un insondable savoir.

— Vous me pardonnerez, Archevêque, contra la dame de parage. Mais je ne crois pas que les Scies soient venues pour cette raison. Ils sont les Dévoreurs de… destins.

— Pensez-vous que cela soit incompatible ? sourit son interlocuteur.

Lamia pencha la tête, visiblement amusée par la question.

Ils se trouvaient sur une sorte d’estrade aménagé dans le public. Cependant, elle avançait au-dessus de la foule qu’elle surplombait et un toit de verre parcouru de lierre à la manière d’une serre les abritaient de la pluie qui avait débuté moins d’un quart d’heure plus tôt. Trois autres structures similaires étaient disposées dans les tribunes selon les points cardinaux. Des structures qui accueillaient les autres barons et apôtres car ils se trouvaient en comité restreint autour de l’Archevêque. Un comité qui, concernant Clare, aurait pu être plus restreint encore.

Elle sentait le regard de Sephrat Paria peser sur son dos. Bien qu’elle se soit refusée à le croiser, cela était loin de décourager le jeune baron du Loup. Silencieux, ses yeux verts cerclés de lignes noires, son cou puissant enserré de ce collier hérissé de pointes, il dégageait une présence presque étouffante.

— Et si vous en perdiez le… contrôle ? demanda Lamia.

— On ne peut perdre ce que nous n’avons pas, répondit calmement l’Archevêque, toujours sourire.

— Ils ont eu leur promesse, eux aussi.

Amédée venait de lâcher cette phrase avec acidité. Aujourd’hui vêtue d’une courte robe crème qui exhibait ses maigres jambes, elle se triturait nerveusement les mains, les yeux rivés sur l’arène. Une arène qui, en ce jour, était une vaste étendue de sable aussi crème que ne l’était sa robe.

— Sybille ? devina Clare.

Le premier jour, il s’était agi d’un lac en ce qui concernait la première épreuve et sa gargantesque. Lors de la terrible seconde épreuve qui avait suivi, un labyrinthe montagneux. Il se trouvait sous l’arène un gigantesque mécanisme à l’image d’une horloge. Cependant, à la place de chiffres se trouvaient les gigantesques plateformes qui composaient tour à tour l’environnement de l’arène. Des plateformes aménagées selon l’épreuve qui se dérouleraient en leur sein et selon le bon vouloir des apôtres qui les organisaient. Un travail de titan pour les ouvriers chargés de réaliser ces invraisemblables chantiers.

Alors qu’Amédée Yazak acquiesçait, toujours fixée sur le sable, Lamia gloussa.

— Décidément, cette petite est pleine de surprises ! Traiter avec des Scies ! Quelle entreprise dangereuse ! Je me demande ce qu’elle a bien pu leur… promettre ?

— De fabuleux destins, bien sûr ! s’écria une petite voix dans leur dos.

Sybille venait de les rejoindre avec Harlequin qui s’immobilisa lorsqu’il aperçut Lamia. Son visage inexpressif semblable à du marbre perdant le peu de vie qu’il contenait. Lamia, elle, lui adressa un adorable sourire ne cachant que très peu l’incommensurable sadisme la caractérisant.

Clare regrettait presque ne pas être capable d’agir avec le même naturel. Cependant, elle n’était pas du genre à se délecter du malheur des autres.

— Je pensais que les Scies avaient tous été exterminés lors de la Terreur, avança-t-elle en tentant d’ignorer le regard toujours plus pesant du baron du loup dans son dos.

Quatre vingt-six ans auparavant, imposant une trêve momentanée lors de la Guerre des Saints. La Terreur avait vu l’entreprise commune unissant tous les royaumes de Soreth dans l’anéantissement des Géants des Scies. Une guerre éclair qui avait mobilisé des centaines de milliers de soldats dont la chevalerie de l’Ilir et même les guerriers d’Arthank pour éliminer quelques individus qui faisaient l’objet des fables les plus terrifiantes.

— Après le spectacle d’hier, je comprends aisément… pourquoi, ronronna Lamia. Cependant, les Scies se trouvaient dans les Monts Sciés et ils n’attaquaient pas les villages comme ont pu le faire les Rolfs lors de la Guerre de la Chair. Il est étonnant que les royaumes se soient ligués contre eux.

— Les Scies sont irrémédiablement attirés par les forts destins, ma chère, répondit l’Archevêque en levant la main vers le ciel. Et nombre de ces destins étaient des gens de pouvoir… Des rois, des reines, des héros de guerre et des hommes de foi ! Attaquez-vous aux puissants et ils soulèveront des armées pour vous éradiquer !

Il rit avant de poursuivre.

— Tout porte à croire que ce couple représente les deux derniers représentants de leur espèce. Et ils ont su se cacher, se contenter des voyageurs égarés dans les Monts Sciés, peut-être même ont-ils hiberné des dizaines d’années, qui sait !

Un silence accueillit cette déclaration. Les Scies étaient des monstres psychotiques pour qui tuer était vital. Et au vu de leur prestation de la veille, ils n’avaient aucunement perdu la main. À les voir se fondre dans leur environnement jusqu’à en devenir invisibles à l’œil nu, même pour les spectateurs, les voir jouer avec leurs proies, les voir se déplacer à des vitesses hallucinantes ou apparaître tout bonnement à l’autre bout de l’arène… Clare, elle-même, en avait eu des frissons.

— Mais ils sont là…, maintenant, souffla Lamia tout en souriant à Sybille qui s’était installée près d’elle.

Cette dernière lui avait pris la main, une fois de plus, et l’observait sous toutes les coutures comme si elle cherchait à en déceler les secrets.

— Ce qui est en cours est important, acquiesça la fillette d’un air solennel sans même lever les yeux.

Un nouveau frisson remonta le dos de la pupille à ces mots encore plus pesants que le regard du baron du Loup.

— C’est important, répéta Amédée alors qu’un gong retentissait et que, sur l’estrade face à eux, s’avançait Ulysse Yazak.

En ce jour, la foule n’était guère bruyante et même les chuchotements s’évanouirent en un instant. Ne laissant plus qu’une place rythmée par le martèlement léger de la pluie.

— Que les monstres s’avancent ! dit-il.

Aussitôt, d’un tunnel en contrebas émergèrent dix gladiateurs aux peintures rouges recouvrant leurs visages. À l’exception du dernier, et Clare fut surprise de découvrir le jeune homme qui avait aidé la fillette lors de la première épreuve. Et qui avait aussi sauvé l’inconnu.

Il semblait curieusement déplacé entouré de ces brutes aux gabarits monstrueux.

Évidemment, ils n’étaient rien en comparaison d’Ulysse Yazak.

— Les Jeux sont là pour honorer les Architectes et vous offrir un spectacle grandiose, continua ce dernier. Les monstres autant que les proies sont ici pour rendre hommage à nos créateurs. Chose à laquelle veille notre bien aimé Archevêque et maître du Croissant qui, en cette année, a su s’élever parmi les barons. C’est à travers cet homme que nous honorons le divin.

Les gladiateurs s’étaient postés en une ligne faisant face à Aristide Leor, l’Archevêque, maître de l’Ours et du Croissant comme venait de le préciser Ulysse Yazak. Les neuf premiers observaient une position humble, la main plaquée sur le cœur. Le jeune homme, lui, se contentait de les fixer, les mains derrière le dos dans une position martiale que Clare aurait juré avoir déjà vue quelque part.

— En ce jour, continuait le colosse. Les monstres sont humains et ils devront affronter pas moins de dix adversaires chacun. Mais ne vous y trompez pas, ce sont leurs proies… Ils sont les monstres !

Des murmures n’avaient pas tardé à s’élever et la stupéfaction laissa vite place à l’excitation alors que commençait déjà à enfler la clameur caractéristique d’un public sur le point de laisser libre court à son exultation.

— Magnifique ! souffla l’Archevêque dont le sourire menaçait de déborder de son visage.

Il leva la main de nouveau et à ce signal, Ulysse s’inclina :

— Que le premier combat commence.

— Que le premier combat commence.

Caes inspira profondément alors que la clameur prenait en ampleur. Le géant venait de finir son discours de son timbre adolescent. Cela détonnait, associé à son physique hors-normes. Il n’avait pas élevé la voix mais celle-ci avait résonné sans mal dans toute l’arène. Chose qui lui avait rappelé Grimjow Ravageur dans les plaines de Dunam. Un très mauvais souvenir.

Bien que ce qui s’annonce en devienne un aussi, sans le moindre doute.

Les autres gladiateurs allèrent se poster juste en dessous de l’estrade où siégeait l’homme qui se faisait vraisemblablement appelé l’Archevêque. Le maître de l’Ours. Un bien petit individu pour représenter un si gros animal.

La pluie tombait sans violence, fraîche sur son visage sans l’apaiser pour autant. Sybille, du haut de l’estrade, lui adressa un sourire avant de replonger dans son occupation. Manipuler la main de la brune qui était à ses côtés et qui le regardait avec un plaisir évident. Deux autres femmes s’y trouvaient. Une à la maigreur alarmante ainsi qu’une blonde aux cheveux courts et au regard pénétrant, même à cette distance. Harlequin était là aussi, de même qu’un homme rasé qui ne semblait s’intéresser qu’à la blonde.

Trois autres estrades l’entouraient et il y sentait provenir des regards qui pesaient sur lui avec plus de force que le reste du public réuni.

Caes se sentait prisonnier, piégé avec Sybille d’un côté et les Jeux d’un autre. Il ne voyait pas d’issues…

Les battements de son cœur s’accélérèrent alors que revenait au galop cette sourde angoisse si familière.

Qu’il la haïssait… Ô oui, il la haïssait de tout son être. La flamme de sa colère s’alluma et dans son dos, les prisonniers commençaient à l’entourer. Ils étaient organisés et se laissaient mutuellement l’espace de manœuvrer pour l’assaillir avec efficacité. Il sentait leur amusement et leur frénésie à l’idée de le faire souffrir. Oui, ils avaient l’intention de s’amuser et de prendre leur temps.

Non, pas les prisonniers, fit une petite voix à l’intérieur de lui. Les proies…

Caes observa l’épée qu’il avait entre les mains. De basse facture et ébréchée, elle volerait en éclat contre une piètre armure. Autour de lui, lances, claymores, haches et fléaux dansaient, virevoltaient et sifflaient l’air devant des casques aux sombres visières et aux auras meurtrières.

— Je ne vais pas vous tuer, dit-il en provoquant les ricanements de ces adversaires.

— Nous on va t’tuer, répondit l’un d’eux.

— J’aurais dû être à ta place, minet, dit un autre.

Caes ne fit guère attention à eux. À pas mesurés, il s’avança à l’intérieur du cercle qu’ils achevaient de former. La flamme en lui ne cessait d’enfler, chassant son angoisse, chassant sa peur.

— Cependant, je vais vous faire mal, très mal…

Sa voix restait toujours aussi calme mais à l’intérieur, la flamme s’était transformée en un brasier ardent. Un brasier destructeur qu’il lui fallait attiser.

Il laissa tomber son épée qui alla se planter dans le sable à côté de lui.

— Je vais vous faire payer.

Le premier se précipita sur lui et dans le dos du chevalier, deux autres suivirent. La lance du premier frôla sa jugulaire de quelques centimètres alors qu’il se déplaçait légèrement sur la droite. La hache du second effleura presque son oreille alors qu’il se déportait sur la gauche après s’être préalablement reculé de manière à se retrouver de nouveau face à la pointe de la lance, à seulement un centimètre de sa glotte.

L’épée du troisième cherchant à le décapiter ne trancha que le vide alors que le chevalier, dans un mouvement circulaire, s’était accroupi. Récupérant son épée dans la foulée, il poursuivit le mouvement qui, dans un premier tour, trancha les ligaments rotuliens des deux premiers adversaires. Le deuxième tour qu’il effectua à une invraisemblable vitesse vit leurs tendons d’Achille sectionnés. Puis, dans un troisième, tout aussi fulgurant, Caes brisa le genou du dernier d’un monstrueux coup de coude.

Ils hurlaient et tombaient au sol qu’il sortait déjà de leur premier petit cercle. Autour de lui, les sept autres gladiateurs revinrent à temps de leur surprise et comblèrent les trous sans pour autant se rapprocher. Les sourires goguenards avaient disparu, il le sentait. La concentration de ses assaillants était palpable, de même que la surprise du public. Le premier combat s’était déroulé en un éclair et trois fiers guerriers s’étaient retrouvés hors d’état de nuire en un instant.

La colère de Caes, elle, continuait d’enfler et ne tarda pas à apparaître un besoin de destruction. Qu’importe l’obstacle qui se dresserait face à lui, il le pulvériserait.

Il franchit l’espace qui le séparait d’un gladiateur armé d’un fléau alors que ce dernier avait à peine amorcé son attaque. Lui broyant la trachée d’un coup de pommeau, il prit ensuite appui sur sa hanche pour, dans un demi-tour, éclater la mâchoire de l’homme qui venait de tenter de le frapper à la tempe à l’aide de poings de phalanges hérissés de clous. Les deux émirent des gargouillis avant que le chevalier ne brise la clavicule du second d’un autre coup de pommeau.

Ils n’étaient pas encore tombés au sol que Caes se trouvait déjà sur le sixième adversaire, un homme armé d’une masse et dont l’obésité cachait la musculature. Un aspect trompeur qui aurait pris n’importe qui à défaut. Cependant, Caes ne jugeait pas au physique. L’attitude était plus parlante pour lui et ses adversaires étaient des livres ouverts dont il connaissait le contenu sans même avoir le besoin de les feuilleter. Aussi, la rapidité de son opposant ne fut pas une surprise et celle qui se marqua sur les traits de ce dernier céda vite place à la douleur lorsque le chevalier, déjà dans son dos, lui embrocha l’épaule après lui avoir sectionné la main gauche.

La pluie coulait sur son visage alors qu’il avisait le ciel. Son angoisse ne le quittait pas et sa fureur ne cessait de grandir. Il n’avait pas de contrôle sur ça. Seulement des émotions aussi dévastatrices que destructrices animant son être dans un équilibre fragile et menaçant de le faire s’effondrer. Menaçant de le submerger…

La peur se reflétait dans l’attitude des quatre gladiateurs restant. Et Caes se rendit compte qu’il maintenait toujours son dernier adversaire à la pointe de son épée. Ce dernier gémissait et pleurait tout en tendant inutilement son moignon vers sa masse d’arme gisant sur le sable au crème de plus en plus foncé. Complètement noir autour de la main qui était toujours accrochée au manche de l’arme.

Avec un hurlement, il trancha les jarrets de l’homme pleurnichant avant de se jeter sur ses dernières proies.

Tout fut très vite terminé. Les quatre derniers adversaires n’avaient pas la moindre chance et ils le savaient. Autour, le public s’était de nouveau tu et seul le bruit de la pluie couplé aux cris des blessés résonnaient dans la cinquième tortue. L’instant d’après, l’homme se retrouvait seul debout. Ses épaules se soulevant à la mesure de sa respiration. Il levait de nouveau la tête en direction des cieux, la bouche ouverte et les yeux fermés.

— C’est magnifique, souffla Lamia.

La plantureuse brune dévorait le vainqueur des yeux. Et il fallait bien la connaître pour savoir ce qui la mettait en admiration.

— Sa souffrance est d’une authenticité troublante, ajouta l’Archevêque en faisant écho à l’admiration de la dame de parage. Elle transperce aussi bien que sa lame.

— Il possède un grand potentiel, déclara Sephrat Paria dans leur dos.

— Caes mène un combat qu’il ne gagnera pas seul, murmura Sybille gravement.

Elle observait toujours la main de Lamia et affichait un air sérieux qui la vieillissait. Plus bas, le dénommé Caes alla reprendre sa place parmi les neuf autres monstres/gladiateurs qui semblaient le dévisager d’un air nouveau.

Harlequin l’observait aussi, et nul n’aurait su dire à quoi pouvait bien penser l’apôtre dérangé.

— Peut-être est-ce lui qui devrait posséder cette… lame ? susurra Lamia avec délectation.

Un tic parcourut le visage inexpressif d’Harlequin et sa main se crispa l’espace d’un instant sur le pommeau de sa gigantesque épée. Enfin, il haussa les épaules, visiblement concentré sur le monstre suivant qui s’avançait à son tour dans l’arène alors que dix autres proies venaient à sa rencontre. Le public avait déjà commencé à scander son nom. Okr ! Okr ! Cependant, il fut vite déçu car le monstre fut rapidement mis à terre sans avoir terrassé le moindre adversaire.

Les deux combats suivants ne donnèrent pas de monstres victorieux, bien que le deuxième en eu été très proche. Malheureusement, un excès de confiance l’amena à baisser sa garde trop vite et il fut atteint à l’œil par un jet de couteau hasardeux.

Le quatrième combat par contre, bien que laborieux, vit la victoire du monstre. Blessé et presque agonisant, il sortit sur brancard le poing levé et le sourire aux lèvres. S’attirant ainsi, et malgré lui, les moqueries d’un public en manque de sensations fortes depuis plusieurs minutes.

— Il faut sans cesse les contenter, riait l’Archevêque. Offrez-leur l’impossible, ils demanderont plus effarant encore. Ô que je les comprends…

La pluie continuait de tomber et malgré la teinte foncée qu’elle donnait au sol, des flaques plus sombres encore n’avaient pas manqué d’apparaître ici et là. Le sable se gorgeait de sang et Clare se trouvait à deux doigts de prétexter une excuse pour échapper à ce spectacle qui la révulsait.

C’est alors qu’elle se figea en voyant avancer les nouvelles proies, ainsi que le monstre qui venait à leur rencontre. Reconnaissant sans mal Ulrich, son cœur manqua un battement lorsqu’elle avisa le jeune inconnu face à lui.

— Ce jeune homme…, commença l’Archevêque d’un air songeur alors qu’Amédée se levait avec raideur. C’est celui qui est venu à bout de la gargantesque, n’est-ce pas ? Voyons, ma chère…

Amédée feula. Les bras furieusement contractés le long du corps, elle semblait sur le point de céder à une crise d’épilepsie.

— Il va mourir aujourd’hui, grinça-t-elle.

— Si les Architectes le décident, certainement, acquiesça l’Archevêque avec une certaine fermeté dans la voix.

Amédée Yazak se rassit brusquement, nouant ses mains de nouveau pour les tordre avec frénésie.

Le silence était retombé dans le public. Ils avaient eux aussi reconnu le jeune inconnu et attendaient pour le dénouement. Clare, elle-même, s’aperçut qu’elle retenait sa respiration depuis plusieurs secondes. Inspirant doucement, elle vit que Sybille avait délaissé la main de Lamia pour observer l’inconnu avec attention, un sourire curieux aux lèvres.

Voilà qui était… curieux, justement. Sybille était une prophétesse. N’était-elle pas censée être au courant des évènements à venir ?

Ulrich maintenait une énorme hache le long du corps. Il était calme, trop calme et son regard restait fixé sur l’inconnu.

La pupille se mordit les lèvres. Les autres proies agitaient leurs lances, leurs épées et filets mais lui ne détenait qu’un couteau.

C’est alors que l’une des proies attrapa l’inconnu à la gorge en lui criant quelque chose au visage. Puis avec un rire malsain, elle l’embrocha de son épée.

Les voix d’un public entier se muèrent en une exclamation de stupeur qui ne tarda pas à se changer en un grondement qui secoua l’arène entière. Dans la seconde qui suivit, l’inconnu chuta face contre terre et ne bougea plus.

Un cri de rage perça. C’était Ulrich qui chargeait le meurtrier de l’inconnu alors que ce dernier reculait précipitamment. Il lui avait volé sa vengeance et le monstre roux allait le dévorer. Les autres proies s’élancèrent pour assaillir Ulrich mais ce dernier réagit à une incroyable vitesse. Les pourfendant de sa hache avec une puissance alimentée par sa colère. Son but était clair et ses opposants n’étaient que du menu fretin, chose que le meurtrier semblait avoir compris car il restait figé sans faire le moindre geste. Possédé d’une peur tout à fait légitime.

— Nathan ! hurla-t-il lorsque l’une des proies fut proprement décapitée.

Les trois derniers adversaires mordirent la poussière dans les secondes qui suivirent, balayés par la rage du monstre qui en avait l’écume aux lèvres. Blessés sévèrement, le troisième se releva péniblement pour fuir en boitillant dans la direction opposée. Tout s’était terminé presque aussi rapidement que le premier combat et Ulrich enjamba le cadavre de l’inconnu pour ensuite pointer sa hache en direction du meurtrier qui tomba à genoux.

— Que croyais-tu faire en me le prenant ?!

Les mots chargés de colère d’Ulrich leur parvenaient sans mal et Clare fut surprise de sa propre réaction. Quelque chose n’allait pas. Elle avisa le dénommé Caes qui restait toujours en position. Il n’avait à aucun moment fait mine d’intervenir.

— Je vais prendre mon temps avec toi ! continuait Ulrich. Tu vas…

Il s’interrompit. Le grondement du public avait cessé lui aussi. Tous étaient pendus à la scène qui se déroulait sous leurs yeux.

— Tu… tu…, hoqueta Ulrich à l’intention de l’inconnu dans son dos.

Ce dernier lui murmura quelque chose à l’oreille avant de tourner la lame et se reculer avec agilité. Son tricot était maculé de sang et était entrouvert sur une blessure évidente mais superficielle.

Sybille laissa échapper un rire ravi.

— Je vais te tuer… Ce n’est pas p…

Il fit quelques pas mais l’inconnu se recula encore et Ulrich tomba à genoux à son tour, tentant de retirer la lame avant de s’effondrer. Dans l’arène régnait un silence assourdissant. La stupéfaction était totale. Et c’est alors qu’un cri déchira l’air.

— Ulysse !

Amédé venait de hurler le nom de son frère. Les poings serrés, son visage n’était qu’un masque de haine. Dans la pénombre de l’estrade qui leur faisait face se leva la massive silhouette d’Ulysse Yazak qui, l’instant d’après, se retrouvant au bord de celle-ci, se laissa tomber sur le sable de l’arène cinq mètres plus bas.

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