Chapitre 16

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— On va mourir… on va mourir…

Ezéquiel et Caes assirent Myrte dos à la paroi. Ils n’étaient plus que tous les trois dans cette « cellule » qui ne semblait être qu’un compartiment d’un complexe bien plus étendu. Les autres détenus n’avaient pas tardé à vider les lieux. Craignant visiblement un nouvel accès de colère de la part de Caes qui n’avait cessé de les fusiller du regard alors qu’ils cherchaient à dépouiller le page.

— Où sommes-nous ? demanda Ezéquiel en cherchant l’attention du page de quelques claquements de doigts.

— Les Fosses…

— Nous le savons, intervint Caes qui ne se sentait aucune patience. Ce que nous aimerions avoir, ce sont des détails ! Sommes-nous toujours dans le royaume de l’Écureuil ?

Myrte ne répondit pas tout de suite. Il avait le regard hébété de quelqu’un qui s’attendait à se réveiller à tout instant.

— Myrte ! répéta Ezéquiel.

— Non, répondit finalement celui-ci. Nous sommes chez l’Archevêque, le royaume de l’Ours. Dans sa prison… Des sanglots secouèrent ses épaules. Nous ne pouvons pas nous échapper. Nous allons mourir dans les Jeux !

Ezéquiel et Caes échangèrent un regard agacé mais le jeune prince lui fit signe de tempérer. Posant par la suite une main apaisante sur le bras de Myrte, il demanda.

— Myrte, j’aimerais que tu te calmes. C’est quoi exactement, les Jeux ?

Le page inspira et expira plusieurs fois.

— Les Jeux ont lieu chaque année pour célébrer la bonne fortune de l’un des royaumes du Croissant. Les douze décident lequel d’entre eux mérite l’organisation de Jeux en sa faveur. Généralement, c’est le seul moment où ils sont véritablement d’accord sur quelque chose. Ils voteront pour celui qui a le plus conforté la puissance du Croissant sur Soreth.

Ses lèvres tremblèrent.

— Cette année, c’est l’Archevêque, lui-même. Il aurait pris l’ascendant sur l’Échanson à ce qu’il se raconte et a enfin la mainmise sur le Croissant. Les rumeurs annonçaient des Jeux grandioses…

Sa voix se brisa alors qu’il regardait autour de lui et se recroquevillait à l’écoute des lamentations emplissant l’air fétide. Ses yeux se remplirent de larmes tandis qu’il menaçait de s’effondrer. Ezéquiel le saisit pour le garder avec eux et Caes secoua la tête avec dégoût. Ce Myrte avait certainement dû trouver l’idée des Jeux « grandiose », de même que celle d’en être spectateur avant de s’en retrouver triste participant. Le fait qu’il soit jeune n’excusait pas vraiment l’amusement par la mort d’autrui. Car le chevalier se doutait fortement que ces Jeux n’étaient autres qu’une tuerie de masse déguisée en réjouissantes festivités et à laquelle ils allaient devoir survivre.

— Tu as donc déjà assisté à ces Jeux, devina Ezéquiel. Comment se présentent-ils ? S’agit-il d’épreuves ? De combats entre prisonniers ?

— Il s’agit d’épreuves, oui, acquiesça Myrte. Elles sont sur quatre jours et sur quatre jours, des gens meurent. Les suppôts de l’Archevêque en sont les chefs d’orchestre et ils sont terrifiants. Ils ne sont pas humains et ils vous dévoreront aussi bien que…

— Ce ne sont que des hommes, s’agaça Caes avant de demander. Quelles sont ces épreuves ? Comment peuvent-elles tuer autant de monde ? Nous sommes des centaines, si l’on en juge ce boucan…

— Les autres années, ils étaient des centaines, souffla Myrte en lui agrippant le bras.

Le chevalier grimaça alors que le page lui rentrait ses ongles dans la peau. Le regard de l’adolescent s’était fait dément et sa bouche était crispée en un rictus de panique.

— Mais cette année…, éructa-t-il. Cette année, nous sommes des milliers… Et… et il y a des monstres dans les épreuves ! Il y en a toujours eu… Ils sont là pour nous manger et on ne peut pas leur échapper…

Il éclata en sanglot.

— Je ne veux pas être mangé…

Ezéquiel et Caes échangèrent un regard où se lisait leur appréhension.

— Il y a bien des gagnants, s’énerva le chevalier.

Le page secoua la tête.

— Pas souvent, la plupart du temps, ils meurent tous et les fois où certains s’en sortent… Ils sont… si peu. Ils se cachent et attendent que les monstres ne regardent plus ! Ils laissent les autres se faire manger à leur place !

— D’où le fait que ce boiteux ait besoin de tous les membres de son groupe, sembla réfléchir Ezéquiel.

Caes acquiesça. Dans ces Jeux, les monstres, quels qu’ils soient, n’allaient pas être les seules horreurs à craindre. Les participants allaient certainement se révéler tout aussi mortels.

— Et j’imagine que les épreuves sont différentes chaque année, poursuivit le jeune prince tandis que Myrte acquiesçait en tremblant. Donc il est impossible de se faire une idée… Il soupira avant de demander. Savais-tu ce qui nous attendait lorsque tu es venu nous chercher à l’entrée de l’Écureuil ?

Le page secoua frénétiquement la tête tout en ouvrant la bouche à plusieurs reprises. Ezéquiel lui fit un geste de la main pour lui signifiait qu’il n’y avait pas de mal.

— Donc tu n’as aucune idée de qui elle est, conclut-il. Du moins, tu penses toujours qu’il s’agit de la nièce de l’Écureuil. Avait-elle les moyens de savoir ce que tu as fait de tes sœurs ?

Caes ne put s’empêcher de se relever à cette question. Il n’avait pas envie d’être près de Myrte. Ce dernier les avisa tour à tour, Ezéquiel et lui, avec des yeux suppliants.

— Vous ne comprenez pas… Je ne pouvais pas…

— Je ne veux pas de tes justifications, soupira Ezéquiel. Juste savoir si elle avait les moyens de connaître les détails. Le royaume de Paon est celui des maisons de charme, n’est-ce pas ? Qu’il soit possible de connaître tes liens de parenté avec des prostituées est une chose mais avais-tu déjà révélé les raisons pour lesquelles tu les avais abandonnées ? Et je ne parle pas de ce que tu nous fanfaronnais lorsque tu nous conduisais à la potence, je parle de ce qu’elle t’a dit dans la maison de l’Écureuil…

Le page resta silencieux un instant avant de baisser les yeux. Il finit tout de même par nier imperceptiblement.

Le jeune prince pinça les lèvres.

— Je vois, murmura-t-il.

Il se releva à son tour pour aller s’appuyer le front contre les barreaux de la cellule.

— Tu penses que cette petite fille a vraiment ce genre de pouvoir ? demanda Caes en le rejoignant.

— On dirait, grimaça Ezéquiel en fermant les yeux avec force. On dirait…

Le chevalier acquiesça, refluant la peur qui l’assaillait depuis plusieurs jours.

— En admettant qu’on se sorte de cette situation, poursuivit-il. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ? Tu comptais profiter de la discorde mais on se retrouve face à un Croissant uni.

— Ouep, souffla le jeune prince. Et je pense que cette petite fille y est pour quelque chose. Elle a l’air d’avoir bouleversé les choses ici. Ce qui ne nous laisse qu’une solution.

— Laquelle ?

Ezéquiel se retourna de nouveau pour s’appuyer de dos, cette fois ci, contre les barreaux. Avec un soupir, il lâcha.

— D’abord, il nous faut nous sortir de là… Puis à l’attention de Myrte. As-tu entendu parler de personnes qui se seraient échappées des Fosses par le passé ?

Le page nia avec un autre sanglot alors que le jeune prince se décollait enfin des barreaux.

— Je vois, répéta ce dernier.

Caes le retint par le bras.

— Ezéquiel, quelle est cette solution ?

Il n’y avait guère de menace dans son ton, cependant celui-ci restait plein d’une autorité qui ne souffrirait aucun refus. Qu’il en soit conscient ou pas, Ezéquiel s’exécuta.

— Cette solution dépend de ce qu’elle voudra, expliqua-t-il. Elle nous attendait. Je ne sais pas pourquoi mais elle nous attendait. Et elle nous a placés dans cette situation qu’elle contrôle visiblement. Nous sommes à sa merci et elle nous demande tacitement de survivre au jeu.

— Es-tu certain qu’elle veuille que nous survivions ? plaça le chevalier en fronçant les sourcils.

Son compagnon haussa les épaules.

— Nous n’avons guère le choix. Il hésita. La Bande Centrale à son champion… Elle sait pour Cormack avec autant de certitudes qu’elle connaît nos noms. Nous les avons laissés seuls là-bas…

Il inspira profondément avant d’expirer comme pour chasser toutes pensées inutiles.

— Viens, nous avons du travail.

— Quel genre de travail ? s’exclama le chevalier.

Son compagnon avisa le tunnel par lequel avaient disparu Lombric le boiteux et sa bande.

— Nous n’avons guère de choix. Nous devons recruter.

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