Chapitre 6

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L’eau s’écoulait doucement le long de cette rivière. Ne résonnaient que les clapotis et les bruits des insectes. Caes inspira calmement alors que dans sa tête ne cessaient de tournoyer mille idées plus inquiétantes les unes que les autres. Il s’était éloigné en aval de la rivière pour remplir les gourdes qu’il tenait à la main. Il était improbable qu’une carcasse soit en train de pourrir en ces lieux. Cependant, il restait un guerrier jusqu’au bout des ongles et la prudence restait son plus grand rempart contre les sévères injures ou même la mort.

La prudence risque de ne t’être d’aucune utilité là où Ezéquiel est en train de t’embarquer. Lui et son début de plan…

Ezéquiel était intelligent, certes. Et Caes ne pensait pas que ce dernier avait sous-estimé la situation. Il pensait aussi que si quelqu’un pouvait se sortir d’un nid de vipères, c’était bien le jeune prince. Après tout, il ressemblait lui-même à un reptile la plupart du temps. Pourtant, le chevalier ne pouvait se débarrasser du mauvais pressentiment qui l’habitait depuis le départ du domaine des Vignes. Sans savoir pourquoi, il était persuadé qu’ils allaient au-devant de quelque chose de terrible. Cette sensation le prenait aux entrailles et le mettait dans un état qu’il n’avait plus éprouvé depuis bien longtemps. Lorsqu’il n’était encore qu’un petit garçon apprenant la mort de ses…

Il se retourna en un éclair, la lame à moitié sortie pour se retrouver face à Maxence qui leva les mains en souriant.

— Je ne voulais pas vous faire peur.

Caes hésita un dixième de seconde. L’espace d’un instant, il avait bel et bien senti une menace tranquille mais incroyable.

Il rengaina sa lame.

— Vous me surprenez encore une fois.

— Et vous n’y êtes définitivement pas habitué, n’est-ce pas ?

— Absolument pas, avoua le chevalier tout en se retournant pour plonger la première gourde dans l’eau à contre-courant.

Maxence vint le rejoindre et s’accroupit à moins de deux mètres de lui. En dépit de la distance, Caes pouvait sentir son parfum, une douce odeur de cannelle.

Il tâcha de se concentrer sur son entreprise.

— Vous êtes une personne franche, rien à voir avec votre ami.

Le chevalier hésita une nouvelle fois avant de répondre.

— Ezéquiel est… particulier, finit-il par dire.

— Seriez-vous en train de le défendre ?

— Pas du tout, ce que vous dites est entièrement vrai. Cependant, je le connais depuis longtemps.

Maxence acquiesça, l’air visiblement concentré.

— Qu’il est étrange de vous voir tous les deux ensembles. C’est comme le jour et la nuit.

À ces mots, le chevalier sourit et devant ce sourire, Maxence afficha une expression interloquée.

— Ai-je dit quelque chose de drôle ?

— En un sens, oui, confia Caes. Car c’est exactement ce que je pense d’un ami quant à sa relation avec Ezéquiel.

— Cet ami est-il une bonne personne ?

— La meilleure, déclara le chevalier.

— Je vois, dit tout simplement Maxence en se relevant prestement.

Le guerrier fit de même tout en rebouchant la dernière gourde. Ensemble, ils progressèrent sur un petit chemin serpentant à travers quelques bosquets pour rejoindre la route principale. Maxence ne faisait aucun bruit sur ce sol parsemé de brindilles et de feuilles mortes. Sa tunique se mouvait sur sa silhouette à la manière d’un véritable organisme vivant. Les minutes s’égrenaient et nul de ne disait mot.

— C’est une arme magnifique.

Caes sursauta malgré lui et faillit porter sa main à son épée de peur de s’être trahi. Cependant, il se contrôla vite.

— Que pourriez-vous me dire sur le Croissant, Maxence ? dévia-t-il finalement.

Curieusement, Maxence ne marqua aucun temps d’arrêt suite à cette esquive et se lança avec son emphase habituelle.

— Douze barons surplombent la Gargante. Aussi unis que désunis, deux peuvent réellement prétendre à la dominer. L’Archevêque, maître de l’Ours, n’a que peu du placide animal qui devrait caractériser son royaume. L’Échanson, maître du Serpent, y est bien plus fidèle et il s’est rendu tant indispensable aux puissants qu’il a fini par les avoir à sa botte en peu de temps.

— Ezéquiel les a mentionnés plus tôt dans la journée, réfléchit Caes. Ils semblent dangereux.

— Ils le sont, affirma Maxence. Chacun à sa manière. Brutale pour l’un et douce pour l’autre, pour des résultats tout aussi meurtriers. Si l’un se rue sur ces adversaires dans l’intention de les dépecer en public, l’autre les empoisonne dans l’ombre mais au su de tous. Il n’est guère aisé d’avoir du pouvoir en ce lieu particulier.

— Je vois…, murmura le chevalier au bout d’un instant de réflexion.

Tout à coup, Maxence éclata de rire avant de déclarer sous l’air surpris de son interlocuteur.

— Mais mon préféré reste le baron du Lion !

Caes haussa un sourcil en dépit de son amusement quant à ce nouvel éclat.

— Vous m’aviez pourtant dit qu’ils n’étaient que deux à vouloir dominer le Croissant.

— Absolument pas, rectifia Maxence avec un sourire. Ils le veulent tous, mais seuls deux parmi eux peuvent réellement y prétendre. Le baron Livresse le veut plus que quiconque et il poursuit cette quête depuis tant d’années !

— Je n’avais jamais entendu parler de lui. Pourrait-il y arriver ?

— Absolument pas, répéta Maxence en riant de plus belle. Au mieux, il ferait s’effondrer le Croissant tout entier ! Gare à la personne qui placerait ses espoirs en ce désastreux baron. Car ce dernier provoquerait la chute de l’hydre rien qu’en trébuchant !

— Il m’a tout l’air d’un sacré personnage, en effet !

Un nouveau silence s’installa où les sourires perdurèrent. Et en dépit de l’endroit vers lequel il se dirigeait, Caes se sentait mieux et rassuré par la présence de Maxence. Vingt minutes plus tard, ils atteignirent le point d’arrêt du charriot pour trouver un Ezéquiel en train de frotter activement ces cheveux et visage. À ce spectacle, les sourires se firent plus grands.

— De quoi j’ai l’air ? leur demanda-t-il alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de lui.

Tout en disant cela, il éloigna la serviette pour dévoiler le résultat et Caes marqua un arrêt.

— Alors ? s’agaça le jeune prince alors que les deux autres échangeaient un regard étonné.

— Eh bien, hésita le chevalier. C’est difficile à dire, tu as l’air plus… plus…

— Humain ? proposa innocemment Maxence tout en s’attirant une œillade appuyée de la part de sa victime.

Caes camoufla un nouveau sourire d’une grimace car Maxence n’était pas loin de la vérité. Ezéquiel paraissait définitivement plus… humain. Le noir de ses cheveux et de ses sourcils et cils soulignait ses traits, magnifiaient ses expressions et le rendaient définitivement moins inquiétant. Il accordait même à son regard gris une profondeur à laquelle le chevalier allait définitivement avoir du mal à s’habituer.

— Je dirais que ça te va plutôt bien, en fait !

— Je suis d’accord, s’accorda Maxence.

Un instant passa durant lequel le jeune prince les dévisagea un instant tour à tour, guettant visiblement un signe de moquerie. Il finit par se détendre.

— Merci, dit-il simplement avec une expression légèrement satisfaite.

— Il paraît même plus sincère, souffla Maxence.

À cette pique, le jeune prince se rembrunit, parut sur le point de dire quelque chose pour finalement se raviser et s’en retourner vers le charriot.

— Je n’ai pas pu m’empêcher, sembla presque s’excuser Maxence.

Après un dernier sourire, ils s’en repartirent à la suite d’Ezéquiel.

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