Qui es-tu ?

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Le soir-même, Azur, s’anima dans sa tente et reprit un peu de sa curiosité habituelle. Vérifiant que Mazatouhara dormait, il se pencha sur sa besace et en sortie le miroir. Il en caressa la surface lisse et ébréché sur le côté, contempla le cadre doré, où des fleurs de narcisses avaient été sculptées dans de beaux arrondis. Puis, il se laissa happer par son propre reflet. Il se trouva un quelque chose de changé, mais ne distingua pas quoi.

— Comme tu es beau, murmura la voix du miroir. Comme tu es jeune, comme tu as mal, aussi. Que puis-je pour t’aider ? Donne-moi la chance de panser tes plaies.

Azur écouta l’intonation sensuelle et désuet de l’entité, comme si elle était une vieille amie. Encore plus fou, il songea à une créature envoyée par sa mère de l’au-delà. Frizure paraissait voir son âme et qui mieux qu’un mort ou qu’un être de l’au-delà pouvait l’apercevoir ?

— J’aimerai te connaître. Savoir pourquoi tu veux m’aider ?

— N’est-ce pas trop tard pour se poser de telle questions ?

— Il vaut mieux tard que jamais…

— Certes… Dans ce cas, me confier un peu ne me tuera pas. Je suis une femme blessée. Une reine qu’on a condamnée, emprisonné dans un miroir, humiliée et laissée à l’abandon pendant des décennies, des siècles. Un roi ennemi m’y a jeté comme une malpropre. J’ai attendu longtemps qu’une personne me retrouve.

— Suis-je le premier ?

— Non. Il y avait une femme avant toi. Une enchanteresse.

— Le laboratoire ! Alors c’était ça…

— Il lui appartenait. Elle cherchait comme toi à se venger. Je lui ai apporté mon aide, mais elle n’a pas voulu suivre les étapes, trouvant le temps trop long. L’impatience a marqué sa perte.

La femme du miroir déblatérait toute cette histoire devant le regard envoûté d’Azur. Il ne savait pas si elle disait un mensonge ou une vérité. Il ne voyait d’elle seulement ses lèvres. Comment savoir ?

— Qu’a-t-elle fait ?

— Elle s’est précipitée dans l’acquisition de sa vengeance. Et malheureusement s’est fait tuer par celui qu’elle haïssait le plus au monde.

— Dois-je comprendre que le chemin sera long ?

— Tu devras suivre les instructions à la lettre si tu souhaites réussir. Je vois combien tu souffres. Je sens en toi un bouleversement terrible. Tu suffoques, tu te retiens sans même le vouloir. Laisse-moi t’aider. Laisse-moi devenir ta lame. Et surtout parle-moi de ton cœur avant qu’il tombe en miette, je t’apprendrais à le maintenir à distance de toi, du chemin que tu souhaites arpenter. Il faut le solidifier.

— N’est-ce pas trop facile ? Que gagneras-tu dans tout ça ?

— Ma propre liberté. Car le maléfice qui me garde ne se brisera que si j’aide une âme en peine à se venger. Ça ne court pas les gouffres, vois-tu. Si je t’aide, si tu réussis, j’aurais la chance de vivre à nouveau.

Azur écouta sans mot dire. Voilà qui lui parut sensé. Elle l’aidait pour se sauver, se donner un espoir de revenir parmi les vivants. Ainsi ce n’était pas désintéressé.

— Pourquoi vous a-t-il condamné, ce roi ?

— Parce que nous étions ennemis… Parce que nous ne respirions pas les mêmes idéaux. Nous voulions garder nos territoires, et les étendre. J’avais la magie, il avait la détermination et le nombre.

— Pas de méchant ou de gentil ?

— Est-ce que cela existe-t-il ? s’étonna l’entité.

— Dans les contes pour enfants, répondit-il, en soupirant.

— Es-tu prêt à me faire confiance ?

— Je ne te promets rien, mais sache que je la veux ma vengeance.

— Sache que je peux te l’offrir.

Sa voix était un précipice de bonté. Azur en déduisit qu’il cherchait chacun une échappatoire à leur histoire, ainsi, il accepta de se lier à elle et de se confier. Dans la vie, personne ne lui avait proposé d’écouter ses tourmentes. Tout le monde s’occupait de sa petite personne ou fuyait sur les terres des ancêtres. C’était une aubaine d’être tombé sur cette entité.

— Parle-moi, je t’en conjure. Dis-moi comment tu souffres… Je te dirais comment je me sens.

Azur inspira et se nicha dans son lit de peau. Parler lui ferait peut-être du bien.

— J’aimerais tout oublier, que mon cœur devienne aussi dur que la glace, qu’il ne connaisse ni la joie, ni la peine. Je voudrais devenir calme et froid.

— Un jour tu le seras. Lorsque la vengeance sera passée, elle te laissera en paix.

— L’adolescent acquiesça, puis il finit par demander :

— Quel est ton nom ?

— Je m’appelle Frizure. Je suis la reine oubliée.

— Verrai-je un jour ton visage ?

— Seulement lorsque tu auras suffisamment confiance en moi. Le maléfice qui me retient est fort puissant.

— Quand je te ferais confiance ? Cela signifie que j’ai encore des doutes ?

— Tu es méfiant, et cela reste normal. Azur, nous aurons tout le temps de nous connaître.

Les lèvres de la femme s’étirèrent dans un sourire chaleureux.

Azur hocha la tête et la bascula sur son oreiller en fourrure. Il posa le miroir sur le côté puis le recouvrit.

— Parlons plus tard. Je me sens fatigué.

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