Chapitre 5 : Enquête et Contre-enquête - On tombe...

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[Dans la tête de Dumontiel]

Le capitaine Jean Dumontiel, de l’inspection générale, regardait à travers la vitre de séparation du service des urgences-intoxication de l’hôpital du Val de Grâce, ses collègues qui luttaient pour revenir à la vie.

A ses côtés, le brigadier Mornier lui faisait un brief rapide de la situation.

  • Vers trois heures du matin, on a découvert dans le parc du Jardin du Luxembourg des fragments humains.
  • Oui, poursuivez !
  • Au lever du jour, on a compris qu’il s’agissait des restes probables de personnes disparues du monde du cirque.
  • Vous avez des indices ?
  • On était en train de les exploiter avec les enquêteurs et la PTS, au commissariat du 5ème arrondissement, quand un fournisseur de pizzas nous a livré des tartes dont les emballages étaient toxiques. Avec les émanations, ça n'a pas traîné.
  • Hum ! je vois. Merci brigadier..
  • Mornier, capitaine, brigadier Isabelle Mornier ! dit-elle avec fierté et assurance.
  • Je vous remercie brigadier Mornier. Et ... Bon courage.

Elle referma la pochette de son dossier qu'elle glissa dans les mains de l'inspecteur de l'IGS et tourna les talons. En l'intérieur, de l'autre coté de la vitre, des officiers et des agents atteints par les émanations gazeuses ou entrés en contact avec le produit toxique se trouvaient en soins intensifs.

Dumontiel tourna son regard vers les appareils de surveillance et d’assistance respiratoire qui prenaient en charge les fonctions vitales du lieutenant Maignan. L'ensemble de la pièce était compartimentée par des rideaux en plastique. Des agents de la police technique et scientifique se trouvaient là également. L'officier espérait pour chacun qu'ils reprennent connaissance.

Dumontiel poursuivit la lecture édifiante du rapport.

"En quelques minutes, l'auteur présumé des assassinats ou l'un de ses complices s'était manifesté dans le commissariat et avait empoisonné une bonne partie des enquêteurs. L’intoxication s'était avérée très virulente. On pensait à l'éventualité d'un neuro-toxique. Les doses utilisées étaient faibles entrainant des effets incapacitants. Par chance, les équipes médicales intervenues sur le commissariat avaient pu utiliser un antidote de type atropine..."

L'inspecteur redressa la tête et poursuivit mentalement ces réflexions. Le commissaire n’avait eu d’autres choix que de prévenir sa hiérarchie. On avait alors dépêché sans délais, un officier de l’inspection générale des services, pour s’assurer qu’aucune faute professionnelle n'avait été commise par les membres du commissariat.

Le but était avant tout, de vérifier que les procédures internes de sécurité avaient bien été respectées et que surtout l'ensemble de l'unité était toujours opérationnelle.


Val de grâce - service de désintoxication


Le commissaire Gérard Joublain était à la fois affecté et troublé par la facilité déconcertante avec laquelle un individu étranger à son service avait réussi à s’introduire dans les locaux du commissariat et atteindre les étages précisément concernés par une enquête sensible en cours.

Bien sûr, des prestataires de services circulaient souvent dans les locaux. Et une commande de repas à livrer depuis la Pizzeria Domino, destinée à d’autres agents, situés en salle détente au rez-de-chaussée, avait bien été passée.

Les neurones du commissaire tournaient à plein régime.

Donc le livreur s'était promené sans que personne ne s’interpose. Cela voulait dire que l’on connaissait les habitudes de ses gars, l’organisation des unités, la répartition dans les étages. Tout cela démontrait une solide préparation dans le temps, une habileté hors du commun, sans aucun doute.

Le vieux policier pressentait des jours difficiles.

Il faudrait serrer les rangs et renforcer l’esprit d’équipe en espérant que cela ait du sens, surtout pour les jeunes recrues. Il ferait pression sur les anciens pour augmenter la cohésion. Les délégués du personnel se manifesteraient sans doute pour dire que cette situation insoutenable présentait un risque supplémentaire devant l’empilement des missions.

Dans sa tête, les questions se succédaient en désordre.

Le brigadier-Chef Duchemin passa à sa hauteur dans les couloirs de l'hôpital.

  • Duchemin !
  • Oui Patron !
  • Vous étiez là au moment de la livraison de pizzas ?
  • Non, mais je faisais partie de l'équipe d'intervention. En une minute, on était dans la salle média.
  • Vous avez vu le portable du lieutenant au sol ?
  • Oui, il est clair que l'agresseur ou l'un de ses complices connaissait le lieutenant Maignan.
  • J'avais aussi cette idée en tête !
  • Sur l'écran du portable, il y avait un message vidéo de menace, en lien direct avec l’enquête. C'était plutôt macabre. Y-a vraiment des gars tarés ! Désolé Patron, mais c'est c'que je pense !
  • Oui je vous le fais pas dire. Il va falloir serrer les boulons Duchemin. Je compte sur vous pour faire la soudure avec les jeunes.
  • Vous pouvez compter sur moi, commissaire... Vous permettez ! Fit le brigadier-chef en accompagnant ces mots d'un geste de la main.

Dans la tête de Joublain


Duchemin prit congé, laissant Joublain à ses réflexions. Le commissariat pouvait difficilement se vanter d’être un modèle en matière de sécurité. Des sanctions s'avèreraient nécessaires. Et rien n'indiquait que ce Dumontiel de l’IGS lui ferait un quelconque cadeau.

Et en même temps, il fallait poursuivre l’enquête car la presse tout comme l’opinion publique allaient s’emparer de ce sujet assez sordide et monstrueux. Ils tireraient à boulets rouges, soulignant les incompétences des services de police criminelle.

Au fur et à mesure qu’il empilait les idées, les pensées, les croisements de constats, des faits, des bouts de choses, il s’envoyait des giclées d’acide dans l’estomac. Et son cerveau reprenait en boucle de plus belle. Marchinalement, il glissa une pastille à digérer, sous la langue. Des images circulaient tout azimut dans sa tête.

Les attentats de ces dernières années mettaient déjà les forces de sécurité à contribution jour et nuit dans le cadre de "l'État d'urgence". Dans l'affaire qui concernait son unité, une certaine cruauté doublée de perversité dans la réalisation des assassinats et les tentatives d’empoisonnement instillaient insidieusement une atmosphère pesante et vénéneuse.


=O=

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