Chapitre 9 : La journaliste - début de l'enquête

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08:30 à l'horloge murale.

Prochaine édition 22:30

Mise en ligne de la Une : minuit.

Prochaine réunion éditoriale : midi.

[...]

Nathalie Duval regardait distraitement par la fenêtre, le jour qui se lèvait depuis la salle de rédaction au 5 ème étage d'un immeuble de banlieue, en bordure du périphérique sud parisien. Des lumières rouge-orangé rendaient certaines façades plus chaudes et lumineuses alors que d'autres restaient encore dans une belle pénombre mauve.

La jeune femme arborait la quarantaine, alliant élégance et décontraction. De longs cheveux auburn lui descendaient dans le dos en ruisselant sur un pullover beige très lâche, révélant une bretelle de sous-vêtement sur une épaule légèrement dorée, ornée d'un discret tatouage.

Autour d'elles, d'autres collègues s'activaient. Le claquement répété de doigts sur des touches de clavier, le bruit de combiné pris ou relâché, suite à des appels téléphoniques, le passage feutré de pigistes ou de livreurs sur la moquette, les échanges de civilités. Somme toute, une journée comme une autre dans cette bouillonnante fourmillère du journal "La Tribune du Siècle".

Les jambes croisées dans un jean déchiré, elle jouait distraitement avec les talons hauts de ses chaussures en velours beige. Geste d'impatience, manque de sommeil, elle sentait que quelque chose se tramait. Intime conviction, instinct de journaliste, le beau regard vert, un instant égaré, revint vers le grand écran plat de l'ordinateur.

Plusieurs lignes s’affichaient, détaillant des conversations relayées par les unités de Police durant la nuit écoulée. Une petite application informatique retranscrivait au fil de l'eau les différents échanges radio, entre le centre opérationnel du commissariat du Vème et les différentes patrouilles.

*

En remontant dans le flux des données, elle découvrit que vers 3 heures du matin, c’était carrément du délire. Et ça n’arrêtait pas. Une multitude d'échanges de transmissions entre patrouilles et intervenants.

Puis une heure plus tard, stand by. Plus rien !

On tombait d'un coup dans la routine habituelle, avec des annonces banales et des échanges de comptes-rendus ou de localisations. Dans un coin de l'écran, une petite fenêtre affichait la météo de la nuit précédente. Depuis minuit, la pluie et le vent s'étaient déchaînés sur Paris.

Une autre fenêtre relayait les messages qui tombaient sur les téléscripteurs de l'AFP. Mais rien de tangible pour l'instant. Rien qui permette d'établir un lien avec l'activité de la nuit. Pas même un incident important sur Paris.

Rien !

  • Tu vois, ma grande, ça ressemble à un black-out sur les médias, dit-elle à voix haute comme pour elle-même.

[...]

Elle reprit le défilement des échanges radios et relut le texte à voix basse comme pour se prendre à témoin. Sa voix mangeait une partie des mots, des phrases. Mais mentalement, elle enregistrait. Et enfin...

  • Jack Pot ! Plusieurs patrouilles du 5 ème et des commissariats de proximité se sont rendues vers le Jardin du Luxembourg.

En passant au peigne fin les contenus, elle découvrit, surprise, plusieurs noms :

  • « Maignan » et « Jasper ». C'est dingue qu'ils apparaissent en clair. Encore des bavards sur la fréquence radio !

Elle reprit en marmonant comme une sorte de litanie et ses yeux pilèrent sur les mots « clown » et la marque très connue de voitures miniatures « Dinky Toys ».

[...]

Flairant une information de premier plan, elle avait chargé un photographe en free-lance, de passer dans le quartier du Jardin du Luxembourg pour faire des repérages. Ce dernier lui avait adressé très rapidement quelques épreuves numériques.

On distinguait nettement des toiles de tente derrière les grilles et une camionnette de la PTS en bordure. En retrait, les formes caractéristiques de véhicules de liaison et d'une fourgonnette frappée du logo de l’institut médico-légal se détachaient.

Plusieurs clichés montraient une circulation limitée et pas mal de ruban jaune et noir ainsi que des cônes de chantier pour écarter les voitures et les curieux. C'était l'heure des footings matinaux.

Elle chargea rapidement une carte numérique du quartier sur une tablette pour se repérer, bien qu'elle connaisse assez bien les lieux. Elle se souvint de La Sorbonne, du Boulevard Saint-Michel, de la Rue d'Assas. Et bien sûr le Palais du Luxembourg avec le Sénat.

Clairement, il apparaissait qu’il y avait eu un évènement d’ampleur. Là, il était bientôt dix heures du mat' et s'il s'était passé quelque chose d'important et forcément de criminel à trois heures, logiquement, on était sur du lourd. Et comme aucun média ne relayait une quelconque info, cela voulait dire que le procureur mettait la pression pour limiter les fuites.

*

Nathalie travaillait pour La Tribune, journal publiant uniquement sur Internet, depuis sa création en 2000. Elle avait d'abord commencé comme simple enquêtrice à la rubrique des faits divers. Venant de sa province charentaise, elle avait fait une école de journalisme en apprentissage puis elle avait poursuivi sa formation en alternance chez "Ouest France".

*

Elle pianota sur son téléphone portable.

— Franck, salut. Merci pour les épreuves !

— Pas de quoi, ma grande. Tarif habituel ?

— Oui, pas de souci. T'auras l’exclusive. T’étais en moto, j’imagine.

— Ben, oui. Pas trop le choix. Plus facile de se faufiler sinon. J’avais tout de même un bon télé.

  • T'es toujours sur place ?
  • Oui, bien sûr, mais là il ne se passe pas grand chose. Par contre, je pense que sous les tentes, ça turbine.

— Tu te souviens de Marc Maignan ? reprit-elle.

  • Attends voir ! Oui, oui. Je vois sa tête.
  • Rappelle-toi. Il était jeune lieutenant quand on l’a croisé la première fois, vers 2010, 2011 dans un cirque près du Bois de Boulogne.

— Oui je me souviens... Mais t’avais pas le béguin pour lui par hasard.

  • ...
  • T'es toujours là ?
  • ...

=O=

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