SANS SUITE 32/ Jour 6 : Les confidences de Mickaël

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Le trajet de retour n’a rien d’agréable, malgré la luxueuse voiture. Lukas fait semblant de dormir et Angie boude, visage fermé et regard noir. Elle s'obstine à fixer un point droit devant elle. Je suis assise près de Mickaël qui m'en apprend un peu plus sur lui.

Champion olympique de natation, un terrible accident de voiture a failli lui coûter la vie, mais son esprit de combattant lui a permis de vaincre la douleur et de ne pas baisser les bras pour succomber à la facilité. Ses jambes hors d'usage rendaient ses perspectives d'avenir moroses et surtout sans aucun intérêt, sachant que plus jamais il n'aurait la chance de disputer un nouveau titre. Ce sont la patience de son épouse ainsi que son amour pour sa fille qui lui donnèrent le courage de se battre et au prix d'une interminable rééducation, il parvint à se remettre debout.

Au terme de sa lente guérison, sa femme, fatiguée par son travail d'infirmière contraignant, l'éducation de sa fille et son mari taciturne, choisit de refaire sa vie avec un médecin. C'est ainsi qu'elle emmena l’enfant loin de son père.

Seul avec ses souvenirs dans sa belle maison vide de rires, de joies et d’amour, mais entouré d'amis fidèles, il remonta la pente et réfléchit sérieusement à la nouvelle direction qu'il souhaitait donner à sa vie. C'est ainsi que naquit la société des piscines Jacquet.

Angie a écouté le récit de Mickaël, et toujours sans poser les yeux sur lui :

— Côté cœur, tu n'as pas refait ta vie ?

— Pas encore, Angie. Mais je sais qu'un jour, à force de patience, je serai heureux à nouveau.

Il m'adresse son regard franc et direct en plus d'un sourire manifeste. La politesse m’oblige à répondre mais je fais aussitôt mine d’ôter une poussière sur mon genou, car si je ne veux pas le blesser, je ne veux pas non plus qu’il nourrisse de faux espoirs.

Les mots de Lukas me reviennent en mémoire : « il te tourne autour ». Ses soupçons se confirment.

Angie pince les lèvres. Elle doit être déçue de ne pas représenter le centre d'intérêt. Je jette un coup d’œil discret en direction de Lukas. Il n’a toujours pas bougé. Je suis certaine qu’il ne dort pas, et qu’il n’a rien perdu de l’histoire de Mickaël.


Les portes du salon sont déjà ouvertes depuis deux bonnes heures quand Mickaël et moi les franchissons, ce matin-là. Il a proposé de m’emmener, puisque Lukas et Angie sont partis de leur côté sans me prévenir. Leur absence m'a offert l'opportunité de déposer les derniers vestiges de la soirée de Cendrillon sur le lit de Lukas.
Sybille, Leandra et John ne nous ont pas attendus non plus et déambulent déjà dans les allées.

Manque de chance, la conférence que je ne voulais surtout pas manquer a été déplacée et a déjà commencé. Il me reste par conséquent beaucoup de temps à partager avec mes amies.

Au téléphone, Leandra m’informe qu’elles se promènent au milieu des exposants de la zone accueillir et relaxer, non loin des piscines Jacquet. Je parcours la brochure du salon pour vérifier le type d’offres de ce secteur. Beaucoup de spécialistes en spas, très peu en piscines, tant mieux pour Mickaël ; un certain nombre de fabricants de produits d’accueil, cosmétiques ou non, et personnalisables, pourquoi pas ? Des entreprises de robinetterie, d’aménagement de salles de bain...

Sybille, entourée de John qui la tient par la taille, et de Leandra, est en grande conversation avec un professionnel des joints pour cuisines et salles d’eau. Sujet particulièrement intéressant pour les spas, certes, mais également très utile pour les établissements situés dans des climats chauds et humides, tels que les nôtres.

Je suis, pour ma part, plus attirée par les stands qui proposent de porter l’effigie de mes gites sur des articles à offrir aux clients. Je fais le tour sans m'attarder, jusqu'à l'heure du déjeuner, que nous partageons tous les quatre, puis vient le moment de reprendre nos investigations.

Sybille va découvrir tout ce qui a trait à la restauration avec John. Elle affirme hésiter maintenant entre gîtes et chambres d'hôtes. Je ne manque ni son clin d'œil, ni son expression explicite. Elle a une idée en tête, qui demande un minimum d'intimité. Panni pwoblem. On a compris...

Leandra et moi prenons le temps d'écouter les conseils et propositions des professionnels de la cosmétique. Mon amie, intéressée, s'apprête à signer un contrat quand je lui fais remarquer que nous trouverons des produits similaires chez nous, ce qui allégera considérablement le coût puisque déchargés des frais de port ainsi que du dédouanement. J'ajoute qu'il serait judicieux de faire un essai avec les produits et entreprises locales, et qu'en cas de mécontentement, il sera toujours possible de travailler avec les sociétés rencontrées ici même. C'est notre premier salon, foncer tête baissée comporte des risques. Je suis quelqu'un de prudent. Enfin, en général...

Ma curiosité se porte plutôt sur des souvenirs moins éphémères que des flacons de gel douche qui finiront à la poubelle une fois vides. Je suis sûre de trouver mon bonheur sur l'archipel. Le petit plus qui fera plaisir à mes clients.

Un stand m'interpelle. Rien à voir avec les produits de beauté ou les cadeaux souvenir. Un coffre-fort. Pas un gros. Un tout petit, qui rassurerait peut-être mes vacanciers. Un service de plus pour tranquilliser ceux qui le souhaitent. Il arrive que des touristes descendent de l'avion parés de leurs bijoux qu'ils ne savent plus où ranger lorsqu'ils s'installent ou partent pour la plage. J'ai accueilli une fois des gens un peu plus aisés que d'habitude, qui m'ont chaleureusement remerciée et félicitée pour mes qualités d'hôtesse. Je me souviens des paroles de l'homme : "votre but est d'offrir un dépaysement complet, assorti de services inattendus. Vous avez réussi. Vous êtes pleine de ressources et vous pourriez diriger un établissement très différent. Mais je sais qu'il serait peine perdue de tenter de vous en convaincre. Soyez certaine que nous parlerons de vous auprès de nos connaissances."

Il m'est arrivé aussi d'héberger un homme venu pour le travail. Les rares fois où je l'ai aperçu sur la terrasse de son gite, il tapotait, concentré, sur son ordinateur portable. Quelques jours plus tard, il m'avait demandé si je possédais un coffre pour entreposer des documents confidentiels.

Je discute tarif avec le commercial, mais là encore, je décide de patienter. Il n'y a pas urgence et je devrais pouvoir négocier en Guadeloupe. L'heure tourne et je n'ai toujours pas pris de nouvelles de mes enfants. Je me hâte vers la plus proche sortie. Je ne peux pas manquer cet appel, alors que je ne l'ai déjà pas passé la veille.

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