SANS SUITE 31/ Jour 5 : Nuit magique (2)

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Lorsque j’ouvre les yeux, il fait encore nuit. Je sais que les lourds rideaux de velours bordeaux laisseraient passer une légère clarté. C’est Lukas qui a dû me réveiller en se levant ; il n’est plus à côté de moi. Il est au-dessus de moi ! Qu’est-ce qu’il fait ? Il s’installe entre mes jambes écartées, puis s’allonge sur moi et commence à m’embrasser dans le cou pendant que ses mains jouent avec mes seins.

— Je t’ai promis de te faire l’amour. C’est ce que je vais faire, Indomptable.

— Indomptable ?

— Puisque notre personnage n’est pas Cendrillon, il lui faut un nom. J’ai pensé à tête de mule, mais je pense que tu préféreras Indomptable.

— C’est à mon tour de me venger !

— Non, non, non ! Tu verras ça demain. Pour l’heure, je dois tenir ma promesse. Laisse-toi faire.

Demain ? Demain il redeviendra cet être abject que je hais tant et que je m’efforcerai d’ignorer jusqu’à ce que sa libido lui rappelle mon existence.

Sa bouche et sa langue parcourent tout le haut de mon corps et ses mains se chargent de mes jambes, de mes cuisses et de mes hanches. Je manque défaillir quand ses doigts passent tout près de mes lèvres. J’en veux plus, je veux qu’ils me touchent, mais ils redescendent à l’intérieur de mes cuisses. Sa langue dessine le même parcours autour de mon sexe, puis l’effleure, lentement. Le contraste entre la fraicheur diffusée par la clim et son souffle chaud sur mon humidité brulante me rend folle. Je me tortille pour sentir sa bouche plus fort, mais il s’est écarté.

— Pourquoi tu arrêtes ?

— J’attends que tu te calmes, petite joueuse.

Je pousse un cri d’indignation.

— Ok, je suis calme. Continue !

J’essaie de ne pas bouger quand son petit jeu de langue reprend, mais c’est dur. Il aspire mon sexe à pleine bouche , et provoque en moi un spasme violent. Puis sa langue revient caresser mes lèvres gonflées, s’amusent avec mon clitoris et l’abandonnent. Un nouveau cri m’échappe lorsque son doigt se mêle à ma moiteur et s’enfonce en moi.

— Lukas !

— Chut.

Je n’en peux plus, son doigt ne me suffit pas. J’appuie mes deux mains sur ses épaules et me redresse ; je le pousse sur le côté de toutes mes forces et l’allonge sur le dos. Plus le temps pour les préliminaires. Je m’assois sur lui, mais il retient mes hanches et sourit d'un air taquin :

— Tu as décidé de te passer du préservatif, cette fois ?

Je râle. Il tend alors son bras en direction de la table de chevet, content de sa boutade, et attrape le contraceptif qu’il déballe rapidement avant de l’abandonner entre mes mains. Je l’installe sur son membre dur, me rapproche et descends sur lui, lentement. Nous savourons tous les deux ces même sensations et cette impression de ne plus faire qu'un qui nous unis.

— Carly, tu triches.

Sa voix est rauque.

— Tu veux que je m’enlève ? je propose, défiante.

— Non ! Mais tu as triché.

— Oui. Sinon pourquoi se protéger ?

Je souris bêtement, fière d’être plus forte que lui à ce jeu-là. Je me cambre en arrière en prenant appui sur une main et entame un lent balancement des hanches, qu’il imite. Son doigt recommence ses petits cercles autour de mon clitoris et nos mouvements accélèrent. J’entends la musique, encore. Nous ne l’avions pas éteinte ? Tant mieux. Chanson très sensuelle, et très appropriée. Je remue au rythme des instruments. Lui aussi. Excellent. Le tempo accélère ; j’ai chaud. Je me redresse ; je gémis, Lukas râle ; il m’attrape par le cou et colle sa bouche à la mienne. Nos langues n’ont pas la force de se rejoindre. Nos souffles se mêlent ; un dernier spasme me transporte ; je sens ses pulsations en moi quand ses bras me resserrent.

Nous restons ainsi quelques instants, à nous dévisager. Ses sourcils sont froncés. Il écarte les cheveux que la sueur a collés à mon visage, et je dégage à mon tour son front des mèches humides qui le parsèment. Il détourne les yeux, pince les lèvres et me repousse pour s’allonger sur le côté. Il me tourne le dos. Ça recommence. Ne pourrait-il pas me prendre dans ses bras pour s'endormir ? Je n’ai absolument rien dit qui puisse l’avoir froissé. Je ne comprends pas son attitude.

— Pourquoi agis-tu comme ça, Lukas ?

— Je suis fatigué, grogne-t-il sans changer de position. Tu devrais dormir, toi aussi. Le jour va bientôt se lever.

— Je n’ai plus sommeil. Tu me dégoutes.

Je rejette violemment les draps de soie blancs et me lève avec précipitation. Un détour par la salle de bain pour me couvrir d’un peignoir et je me réfugie dans le salon. J’échange la playlist qui me sape encore plus le moral contre une autre, dont les titres exprimeront mieux ma colère. Placebo, Pixies, Muse, Linkin Park, Blur, The servant, seront plus en mesure d’apaiser les sentiments contradictoires qui envahissent mon cœur et mon cerveau.

J’ai soif. Et une terrible envie de fumer, aussi. Quelle heure est-il ? Cinq heures ? Parfait. J’appelle le room service, commande un petit déjeuner complet et gagne la salle de bain pour me doucher.

Je jette un furtif coup d’œil à Lukas en passant. Il n’a pas bougé. Peut-être dort-il, ou alors il fait juste semblant pour éviter toute discussion.

Quand je sors une nouvelle fois de la chambre, je suis surprise de voir le jour, de trouver les rideaux tirés et la porte fenêtre du salon ouverte, sur une grande terrasse avec vue sur la mer. Un chariot rempli de nourriture et de boissons m’attend près d’un salon de jardin en rotin. Il fait frais, c’est agréable. Je me sers un verre d’oranges pressées et m’appuie sur la balustrade pour admirer la vue. Je m’apaise avec le spectacle des mouettes qui survolent la grande bleue, du soleil qui se lève à l’horizon et mes jambes commencent à remuer en rythme avec la musique. Petit à petit, l’envie de m’évader en dansant me motive. Si bien que je suis en train de délirer, toute seule, mon verre à la main, lorsque la voix de Lukas me sort de ma transe :

— Tu te sens bien ?

— Parfaitement. Je me détends. Tu vois, même pour ça, je n’ai pas besoin de toi.

— Tu cherches à réveiller tout l’hôtel ?

— Bah, tu n’auras qu’à t’excuser et leur dire que tu t’es trompé sur mon compte, que je suis complètement givrée. Tu pourras même ajouter que tu m’emmènes à l’asile, si ça te chante. Je ne suis plus à ça près.

— Contente-toi de baisser le son, ça suffira. Je vais me doucher.

— Bon vent !

Un seul mot gentil et j’aurai pu replonger dans ses bras. Comment résister à un apollon en caleçon ?

Un quart d’heure plus tard, il me rejoint sur la terrasse, mais cette fois, il a revêtu un peignoir. Qui n’enlève rien à son charme, malheureusement. Cependant, je suis bien décidée à rester de mauvaise humeur. Du moins avec lui.

— On dirait un couple de vieux riches en peignoirs blancs. Beurk.

— C’est bon ? Tu as fini ?

— Non, je ne fais que commencer, Monsieur Sullivan. Votre escort girl souhaite regagner ses pénates au plus vite.

— Ok ! Je te demande pardon.

— Quoi, c’est tout ? Pardon ? Vas te faire voir. Ça ne suffira pas cette fois. Soit tu m’expliques ce qui cloche chez toi, soit tu te trouves un autre joujou. Non, en fait trouve-toi une autre bonne poire, car je ne suis pas un joujou ! Et surtout pas le tien !!!

— Tu as entièrement raison, Carlyane. C’est ce que je vais faire. Je crois qu’on a fait le tour, tous les deux.

Je le vois ramasser sa montre et ses boutons de manchette qu’ils dépose près de son téléphone et de son portefeuille, sur le buffet. Puis il ramasse ses vêtements abandonnés au sol, et m’ordonne de l’imiter, pour déposer le tout sur le lit.

On frappe à la porte. Un employé, je me fiche de savoir si c’est un chasseur, un portier ou autre, qui nous apporte des vêtements. L’homme n’a pas le temps de transférer les paquets dans les bras de Lukas, qu’il est projeté contre le mur et qu’une furie brune, s’introduit dans la suite.

— Angie ! Ce n’est pas le moment ! hurle son frère.

— Pas le moment ? Ce n’est pas mon problème ! Par contre, je n'ai toujours pas digéré le fait que vous soyez partis sans prévenir hier soir ! Vous nous avez laissé en plan et on a été obligé d’appeler un taxi !!! Moi ! Dans un taxi !!! Remerciez Mickaël de m'avoir retenue ! Sans quoi j'aurais défoncé cette putain de porte pour vous faire la peau à tous les deux !!!

Mickaël entre à son tour, et Lukas ayant débarrassé l’homme, je le congédie et referme la porte. Ridicule dans ce peignoir immaculé, je m’occupe en ramassant mes vêtements et accessoires.

— Tu n’en es pas morte, poursuit Lukas, à l'intention de sa soeur.

— Lukas, qu’est-ce qui te prends ? Jamais tu ne m’as parlé comme ça, geint-elle.

— Lâche-moi, Angie, je suis fatigué et j’ai mal à la tête. Carlyane, vas t’habiller.

— Non, je n’ai pas encore déjeuné.

— Je ne t’ai pas vue prendre un repas décent le matin depuis que je suis en France, alors ne discute pas et file t’habiller !

Toujours chargé de nos vêtements, il saisit mon bras et me tire dans la chambre où il nous enferme.

J’attrape les dessous qu’on a choisis pour moi et tourne le dos à Cro-Magnon pour enfiler le shorty en broderie anglaise sous le peignoir. Ça va être plus compliqué pour le soutien-gorge. Je suis obligée de quitter mon dernier rempart. Je sais que lui aussi passe sa tenue ; je perçois le bruit des tissus qu’on enfile.

Je me penche sur le lit pour sortir l'étoffe de sa housse et l’examine. Ça ira. C’est une robe chasuble, sobre, de couleur bleu ciel, avec une chaine dorée en guise de ceinture. Je m’en empare et me détourne à nouveau pour la revêtir, quand on me l’arrache des mains pour l’envoyer voler à travers la pièce.

Lukas me soulève et me porte jusqu’à la vitre de la douche où il me repose, me coinçant de son corps. Il essaie de m’embrasser, mais je ne suis pas d’accord. Je le repousse de mes mains, ma tête vire à gauche, puis à droite. Il insiste. Un petit coup de genoux mal placé le calmera, mais il s'y attend et retient ma jambe fermement. Il cale mon visage entre ses doigts pour m'obliger à le regarder, mais libre de mes mouvements, je m’échappe et me rue sur la porte.

— Tu vas te montrer dans cette tenue devant ma sœur et Mickey ?

Il a raison. Je suis prise au piège dans cette pièce, seule avec un homme aussi renversant qu’énigmatique.

— Lukas, tu ne peux pas continuer à jouer avec moi comme tu le fais. Tu te conduis comme un adolescent ; je n’en suis plus une et je ne peux pas accepter la façon dont tu me traites. Restons-en là, d’accord ?

— Je n’y arrive pas. À en rester là. Ça agis sur mon système nerveux.

Ses réactions à ma présence seraient-elles identiques aux miennes ? Ridicule.

— Ça me fait mal à chaque fois que tu m’ignores ou que tu me salis par tes mots ! Je suis à bout, Lukas, tu me détruis. Je n’en peux plus.

— Je suis conscient de te faire souffrir, mais j’ignore ce qui me pousse à agir ainsi, Carly. Ce que je sais, par contre, c’est qu’en te traitant comme je le fais, je vous éloigne, toi et ce désir permanent qui ne me quitte pas.

— Alors, je répète : restons-en là ! Ne me cherche plus, ne me provoque plus, ne me regarde plus et ne me parle plus. Ce n’est pas bien compliqué, si ?

— Je suppose que non.

Il s’empare du téléphone posé sur une table de nuit, et je l’entends demander à ce qu’on nous livre à la villa la pile de linge sale pliée sur le lit.

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