SANS SUITE 47/ Jour 8 : Les paquets

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Mince ! Nos paquets ! Aucune envie de retourner aux casiers avec Cro-Magnon ! Par chance, Leandra accepte de m'accompagner. Je ne le propose pas à Sybille. Je ne suis pas d'humeur à parler de la folie qui me gagne et qui porte le nom de Lukas ! Je mérite plutôt une bonne paire de claques pour me sortir de ma torpeur. De toute façon, elle s'est déjà réfugiée dans les bras de John.

Je m'assure que personne ne prête attention à Leandra ou moi et lui fais signe de me suivre. J'entends un bref "où vont-elles ?", mais je l'ignore et pars sans me retourner.

— Vous auriez dû nous rejoindre au bowling. On a beaucoup rit, tu sais. En novice que je suis, j'ai failli m'étaler sur la piste en suivant la boule , mais sur la dernière partie, j'ai réussi à faire plusieurs Strike !

Je la félicite pour ses progrès, heureuse qu'elle reste en toute circonstance cette femme délicate et compréhensive qui ne juge pas et ne se mêle pas des affaires des autres. J'admire sa sensibilité et sa douceur qui la poussent à créer une diversion quand personne ne remarque votre détresse.

Malgré tout, le trajet à travers le centre me parait beaucoup trop long. Je ne pense plus qu’à quitter cet endroit et rentrer pour me coucher. Je me sens trop mélancolique pour faire la conversation, même auprès de la gentille Leandra qui aura bientôt fait le tour de tous les sujets. Je veux juste dormir. Dormir et oublier.

Je suis perplexe devant les casiers. Celui dans lequel nous avions déposé nos achats, le numéro quinze, est grand ouvert, vide ! Je dois me tromper. C’était surement le seize. Sauf qu’il n’est pas fermé non plus, et bien sûr, vide, lui aussi. Bon sang, lequel était-ce ? Rien à faire, je suis certaine que c’était le quinze. J’en suis convaincue, car cela m’a frappée, les numéros en cinq étant mes fétiches. Avec le treize. Ah, celui-là est clos. Je compose le code sans grand espoir, et en effet, rien ne se passe. Leandra m’interpelle.

— Regarde, j’ai trouvé un ticket de caisse à l’intérieur. Ça te dit quelque chose ?

Il s’agit de la facture de la nuisette halloween ! On nous a volé nos articles ! J’examine la porte du casier, mais aucune trace d’effraction. À ce moment un rire strident déchire le silence de la fin de soirée dans le centre commercial. Je me retourne vivement.

Lukas ! J’aurais dû m’en douter ! Je suis encore une fois la proie de l’une de ses nombreuses farces de gamin puéril ! Mon sang ne fait qu’un tour.

Je me précipite vers lui sans me soucier de John et Angie qui s’esclaffent eux aussi à mes dépens, et repousse sauvagement Sybille qui vient à ma rencontre. Si elle croit pouvoir me retenir, elle rêve ! Si en plus elle croit que je n’ai pas remarqué son sourire amusé, elle se fout le doigt dans l’œil ! Lukas, nos sachets à ses pieds, va recevoir la gifle de sa vie ! Mais il s’y attend, bien sûr. Il commence à me connaître, et mes yeux doivent ressembler aux trous de deux canons de révolvers. Il protège son visage de son bras, et de sa main libre, saisit mon poignet avec fermeté, avant d'emprisonner ma seconde main.

— Ne me frappe jamais, Carlyane. C’est un conseil.

— Tu n’es qu’un enfant, Lukas ; tu as l’allure d’un homme, mais tu as oublié de grandir ! Cette journée était plutôt sympa, mais tu n’as pas pu t’empêcher de tout gâcher, comme d’habitude !

— Je t’avais dit que je n’oublierai pas les paquets. Tiens, ceux-là sont à toi. Il est temps de partir ; j’ai de la route à faire.

Oubliée, la galanterie ! Envolé, le gentleman !

J’ai encore commis une gaffe au restaurant, quand je lui ai dit que j’avais du monde à ramener. Bien sûr, il ne pouvait pas se moquer à ce moment-là, par crainte que je ne m’offusque et refuse d’assouvir ses besoins sexuels !

Leandra m’apporte une solution : monter dans la seconde voiture, mais j’ai peur que la cohabitation Angie-Carly ne provoque une dangereuse rixe verbale. Si nous n’en venons pas à nous tirer les cheveux ou à nous baffer. De son côté, elle refuse de faire le retour en compagnie de son frère maussade et d’un couple d’amants éperdus. Sybille ne se montre pas très coopérative, non plus. Je la supplie presque de laisser son copain monter à l’avant, mais elle s'obstine à refuser . Elle veut rester près de lui. Ils ont l’intention de se rouler des pelles durant tout le trajet, je m'en doute bien. De se chatouiller, aussi. Ils m’écœurent tous à ne penser qu’à ça !

Pour accentuer encore mon humeur taciturne, Lukas ne trouve rien de mieux que de nous faire écouter un CD de musique classique. Je déteste ça ! Ma tête prend appui sur la vitre, et mon esprit commence à divaguer. Je ne le retiens pas. Mes idées noires ne peuvent pas s’assombrir plus, de toute manière.

Je ferme les yeux. Le visage de Lukas fait aussitôt son apparition. Son sourire dans la parfumerie, ses yeux écarquillés devant les bonbons, son regard rêveur devant la vitrine de lingerie. J’entends encore sa voix dans le magasin de jouets. Je ne peux m’empêcher de sourire en repensant à ses lèvres pincées au restaurant, quand la serveuse s’est plantée devant nous. Il a dit que je le rendais fou. Là, je ris en mon for intérieur. Il est né dingue, et je n’ai rien à voir avec ça. Je sens encore ses baisers, ses mains sur ma peau…

Non, arrête ça tout de suite ! Rien à faire, les souvenirs affluent, ravivant les sensations. J’aurais tant aimé que nous restions encore enlacés quelques minutes après, à échanger de petits bisous, de légères caresses. Un petit câlin, comme les gens normaux. Arrête de rêver, ma grande ! Il ne sait même pas ce que ça veut dire. Ce mot ne fait pas partie de son vocabulaire !



Je suis trop tendue pour dormir. J’allume une dernière cigarette en attendant qu’ils soient tous couchés. Je dois régler mon problème. Immédiatement.

Je récupère nos paquets dans la voiture et effectue un tri rapide avant de frapper discrètement à la porte de Lukas où je n’attends pas son invitation à entrer.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Éclaircir un point. Pourquoi me traites-tu ainsi ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter un tel mépris ?

— Je te l’ai déjà dit, Marie-Madeleine. Tu es prévisible et facile. Et, en plus d’être bonne, je te l’accorde, tu m’amuses. Autre chose ?

— Non, c’est tout. Ah, si ; j’ai récupéré nos achats dans la voiture. Voici les tiens.

J’étais parvenue à conserver un ton calme, auquel je m’étais exhortée, mais ses injures et son indifférence me mettent dans une telle rage que je jette la nuisette sur lui, éparpille les bonbons sur le carrelage et pour finir, vaporise du parfum dans toute la pièce, sur ses draps, sur lui.

— Bonne nuit.

Je referme la porte, les mains tremblantes. Un nœud au niveau de la gorge m’étrangle. Je suis tentée de me réfugier sous ma couette sans attendre, pourtant je dois encore ranger dans ma valise les cadeaux que j’ai payés pour mes enfants et laissés sur le canapé.

Je ne me démaquille pas. Je ne me déshabille pas. Je me jette sur mon lit et laisse couler le flot de larmes qui me submerge. Je suis une fille facile ! Normal qu’il me juge ainsi, car si on y refléchis bien, je ne vaux pas mieux que lui. Je me conduis comme une adolescente en chaleur. Je pleure sur mon sort une bonne partie de la nuit. Ça fait si mal !

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