Les châteaux de cartes

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Il paraît que la vie est un jeu où personne n'a jamais la même main mais qu'il faut jouer avec les cartes que l'on a. Je me dis aussi que, statistiquement du moins, plus j'en pioche qui ne correspondent pas à mes objectifs plus j'ai de chances que celles qui restent à utiliser seront plus fortes et me permettront d'avancer. Après tout, ça fonctionne bien avec le trousseau de clefs et la serrure de la porte d'entrée.

Je n'ai même pas besoin d'un jeu de tarot pour lire mon avenir, car je le trace moi-même au fur et à mesure. Et même si le tracé est tremblotant version architecte méchamment alcoolisé, même si j'ai peur quand je perds de vue où je vais et où je veux aller, j'aligne les cartes devant moi pour me construire un escalier praticable. C'est du carton mentalisé, pas une solide charpente, cependant ça suffit à rester dans la partie et à rafler quelques plis intéressants au passage.

Le score m'importe peu cependant, ce qui compte c'est d'être éveillé et attentif au moment présent, de manière à ne pas gaspiller ses atouts dans un moment de distraction. Parce que les autres personnes à l'extérieur jouent aussi même quand elles ne le savent pas, et que la solution est souvent de combiner leurs cartes avec les miennes. C'est pour ça qu'il faut rester concentré. Derrière un clavier d'ordinateur, une feuille à dessin, un chevalet de peinture, qu'importe le moyen mais rester concentré sur le jeu, celui de la vie. Dès quelques minutes hors d'une activité consolidante, une angoisse profonde me tombe dessus. Alors je m'active, je m'agite, je brasse de l'air tel Don Quichotte invectivant ses moulins, je mouline le temps au travers de mes capacités créatrices, tout est bon pour repousser l'immobilité de l'âme qui ressemble comme deux as de pique à la mort, définitive et irrémédiable éviction.

Quand les cartes sont contre moi, je m'efforce de les transformer en quelque chose de plus positif et porteur, les couvrant d'encre ou de peinture. Parfois ça fonctionne, pas toujours mais ça vaut le coup de tenter. J'ai des donneurs de confiance dans des endroits ressources comme l'hôpital pour les situations critiques où j'ai épuisé trop de bonnes cartes et que j'ai besoin d'en récupérer, de récupérer tout court en fait. Ensuite, à moi de m'aligner sur la couleur annoncée pour repartir en meilleur position.

Saviez-vous que le jeu de la vie ne comporte pas que du rouge sang ou du noir mortifère ? J'ai déjà vu passer entre mes doigts des rois de trèfle dorés et scintillants, des reines de cœur apprêtées de vert espoir, des valets bleu confiant et toute une palette de chiffres forts de leur diversité. C'est tout l'intérêt de la perception naturellement psychédélique, on repère tout de suite à leur teinte les cartes qui vont servir ou pas dans un contexte donné. Sans être techniquement de la synesthésie, ça s'en rapproche. Les biais perceptuels ne sont pas tous nos ennemis.

Il y en a qui brûlent leurs cartes comme ils flambent l'argent ou irradient une inextinguible fièvre d'autre chose. Libre à eux. Moi, les cartes qui ne me servent plus, j'en fais des châteaux que le vent souffle lorsqu'ils touchent au ciel. J'ai alors une chance, infime mais précieuse, de récolter une étoile décrochée des nues pour éclairer mes nuits et mes ennuis.

Et vous, que faites-vous de vos cartes ?

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