Tel le phénix, tu renaîtras

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Un déménagement pour suivre la mutation de ma mère, seule membre de ma famille à essayer de comprendre ce qui m'arrive et surtout qui me soutient dans les soins, qui a appris à la dure comment m'aider à poser les limites entre ce qui peut être contenu encore à la maison et ce qui nécessite une hospitalisation de gré ou de force. (De gré c'est mieux, même si parfois de force n'est pas loin et là c'est « de gré à contre-cœur » parce que faut pas tirer la queue du diable, plus jamais en secteur fermé.) Et malgré tout ce que je lui ai fait subir pendant mes crises, ma mère est toujours aussi douce et aimante envers moi, sans doute même davantage chaque jour, car elle sait mes sentiments réciproques et mon regret lancinant encore aujourd'hui de m'être mordu et d'avoir hurlé dans mes heures sombres.

Il y a des éclats d'obus qui blessent une relation jusqu'à la rupture, une famille jusqu'à l'explosion, et d'autres qui au contraire rapprochent et consolident le lien relationnel de par le pire échappé de justesse ensemble. Ma mère est une femme formidable, qui en a vu de toutes les couleurs dans sa vie aussi. Avec les petits morceaux d'obus qui brillent, elle a fabriqué un baume d'amour, un miroir sans accroc qui reflète et met en valeur tout ce qu'il y a de meilleur au fond de celui qui s'y inspecte. On ne s'arrête pas pour se recoiffer devant, on s'y arrête pour reprendre espoir, voir ce qu'il y a de beau en soi et repartir comme on est, bien coiffé ce jour-là ou pas.

S'il y a un symbole fort que j'aimerais graver sur mon blason, c'est le phénix, l'oiseau de feu. Parce qu'il brûle toute sa vie, survolant le monde de sa lueur telle une offrande bienveillante pour les jours obscurs. Il brûle, il brûle, le phénix, et puis quand il a éclairé l'âme de tous ceux qui croient en lui, il s'éteint, devient un tas de cendres à l'abri des regards, et en renaît dès que le vent souffle sur les braises de nouveau.

Je me sens un peu comme cet oiseau mythologique, brûlé vif et qui malgré la douleur continue son vol jusqu'à l'épuisement de toutes ses flammes, meurt un peu le temps de se reposer, et redéploie ses ailes ensuite pour une nouvelle vie. Oui, il y a de ça : certains croient en des vies antérieures, moi je crois en des demi-décès desquels on se ranime toute sa vie jusqu'au dernier arrêt du cœur. Je crois en la devise « ce qui ne te tue pas te rend plus fort », je crois aussi en « toujours au compteur une fois debout de plus que le nombre de fois tombé ». Je crois, non je me sens phénix.

Depuis le déménagement, pour revenir à nos moutons (mais on parlait plutôt d'oiseaux), j'ai accès à des soins d'une qualité tellement meilleure comparée à ce que j'avais dans l'autre département que quand je suis arrivé en hospitalisation la première fois je me suis cru dans une clinique de luxe. Pourtant ce n'est pas compliqué normalement pour le personnel soignant d'adopter une attitude bienveillante, un visage réconfortant et non « porte de prison ». Ça ne devrait pas être compliqué non plus de pouvoir bien manger tant d'un point de vue diététique que gustatif, même si c'est évidemment pas un quatre étoiles. Ça ne devrait pas être compliqué pour les personnes malades de pouvoir faire confiance aux infirmiers quand il y a besoin de leur demander quelque chose et ne pas avoir clairement un « pfff, je vais faire le minimum parce que je suis payé(e) pour ça mais vous me faites chier » pensé tellement fort que ça s'entend.

Pour la première fois de ma vie, un vrai espace de soin où je me sens bien, confiant envers le personnel qui sait mettre à l'aise, solidaire avec les autres patients au bout de quelques jours sans qu'un vol ou une agression ait lieu dans le service, de vraies activités de soin en complément du traitement médicamenteux, un suivi beaucoup mieux organisé et réactif, efficace et personnalisé selon les besoins de chaque malade.

J'ai été hospitalisé quelques semaines récemment et ça s'est fait dans la sérénité même si forcément pas de gaieté de cœur, sans appréhension parce que je savais que ça allait bien se passer et que j'avais des objectifs clairs pour ce temps de soins renforcés, sachant à l'avance que j'aurais à faire à des professionnels compétents, humains, et dévoués à procurer toute l'aide possible pour que j'y arrive. Un endroit à visage humain.où les cœurs battent plus fort de l'envie de s'en sortir, de continuer à vivre. Un endroit ressource pour se poser, reprendre des forces et s'occuper de ses braises avant de se ré-envoler plus haut, plus loin, plus léger et lumineux.

Je me sens renaître à chaque sortie d'hospitalisation, j'ai trouvé enfin l'envie de vivre pour moi-même et pas seulement pour ne pas encombrer mes proches d'un suicide. Un petit coin d'avenir qui brille davantage de jour en jour alors qu'auparavant la marée noire de mes souffrances ne me permettait pas de voir un quelconque futur. Je vois... un grand feu de joie avec plein de danseurs autour, je me rapproche timidement de la ronde et j'ai déjà commencer à esquisser quelques pas de ma danse du soleil.

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