Le chaton et le dobermann

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Je ne passais pas la nuit chez lui. Il eut la délicatesse de me raccompagner comme c'était prévu à la fin de la soirée, et je lui en fus très reconnaissante. Lorsque j'arrivais chez moi, le seul encore debout était Erik, encore plongé dans le bouquin qu'il ne quittait pas depuis une semaine, « La Compagnie Noire » de Cook.

Erik, avec ses tenues de jeune rebelle, ses cheveux sculptés au gel, ses oreilles percées et son petit minois bougon, avait l'air de tout sauf d'un intello. Mais ce n'était qu'une image, car il était en réalité passionné de poésie et très calé en littérature. Je savais également qu'il écrivait, mais je n'avais jamais réussi à lire une seule de ses lignes.

Lorsqu'il vit la porte s'ouvrir, il releva son nez de son bouquin, les sourcils légèrement levés au-dessus des lunettes qu'il mettait pour lire.

— Alors ? me demanda-t-il.

— Je ne sais pas si je peux considérer Lev Haakonen comme mon petit copain, mais en tout cas, on s'est embrassé. En vrai, j'ai passé une super soirée !

Erik referma son livre et retira ses lunettes de son nez.

— Surveille tes arrières quand même, fit-il en plongeant ses grands yeux bleus dans les miens. Il faut toujours se méfier des Russes. On ne sait jamais ce qu'ils pensent vraiment, comme les dobermans.

Je ris à cette comparaison colorée.

— Ne t’inquiète pas, j'ai été très prudente. Surtout après avoir découvert un sabre japonais de plus d'un mètre soixante-dix exposé dans la chambre de Lev, expliquais-je, je l'ai charrié dessus toute la soirée.

— Un sabre japonais ? fit Erik d'une voix dont la hauteur m'étonna. Tu veux dire, un katana ?

— Lui, il appelle ça un no-dachi... Mais il y avait beaucoup d'autres objets un peu bizarres chez Lev, comme un singe empaillé ou une robe de cour chinoise exposée sur un portant. Je crois que ce sont des cadeaux qu'on lui fait lors de ses voyages d'affaire en Asie.

— Il est comment, ce sabre ? insista Erik.

— C'est un sabre japonais, qu'est-ce que tu veux que je te dise de plus ? Il y a pas mal de gens riches qui collectionnent ce genre de choses.

— Sûrement, fit Erik sombrement.

— Et puis, toi qui me dit qu'il faut se méfier des Russes, tu te bases sur quelle source pour émettre une telle affirmation ?

— J'ai pas mal côtoyé les Russes à une certaine époque, répondit Erik comme s'il avait eu une longue expérience de la vie. Notamment un, qui m'a passé l'envie d'en rencontrer d'autres.

— Allons Erik, fis-je gentiment, ce n'est pas parce que tu as été traumatisé par un caïd appelé Boris à l'école que tu dois tous les mettre dans le même panier. Je suis sûre que tu t'entendrais très bien avec Lev !

— Ça m'étonnerait, murmura Erik d'un air bougon.

Je le regardai se replonger dans son livre avec son air de chaton sérieux. A bien y réfléchir, pensai-je alors, ce n'était pas sûr qu'Erik et Lev s'apprécient s'ils venaient à se rencontrer : un chaton et un Doberman ne peuvent pas être amis.

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