Chapitre 10 : ¿ Por qué no lo hago ?

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Ryan est parti depuis quelques minutes après que je me sois lassée de protester. Il a demandé à Matthieu de rester avec moi, parce qu'il ne voulait pas que je fasse de bêtises. Bêtises ! Vraiment, il croit que je suis encore une enfant ?
Matthieu n'a pas été forcé, il a tout de suite accepté.

Je n'ai pas bougé du canapé. Les images défilent toujours devant mes yeux. Les maux de tête commencent à enfin se calmer. Mais, je me sens sale après avoir passé la soirée à boire, à danser puis à me disputer avec ceux que j'aime.
Je pense à eux. Que va-t-il se passer maintenant ? Je les ai tous les deux blessés. Je suis incapable de dire si Sarah me reparlera un jour ni si Lucas saura me pardonner.
Matthieu prend la place de Ryan. Il ne porte plus ce ridicule tablier mais un long sweat à capuche noir et un jeans blanc. Ses cheveux sont encore mouillés mais pour une fois, ils semblent coiffés. Je sais que ça ne durera pas.

En silence, il sort une feuille et un stylo de sa poche qu'il me tend. Je regarde ses biens avant de me reconcentrer sur la télévision.

- Des fois tu sais, ça peut faire du bien d'écrire ce qu'on ressent.

- T'es psy maintenant toi, je réponds sans le regarder.

Je n'ai pas envie de le voir me juger ou je ne sais quoi d'autre. J'ai eu ma dose avec Sarah hier. Une dose beaucoup trop importante pour que j'arrive à encaisser plus. Je n'ai pas envie d'exploser une fois de plus, sur les mauvaises personnes. Matthieu a déjà fait beaucoup pour moi, il ne mériterait pas que je passe ma colère sur lui.

- Je te dis juste ce que moi je fais quand ça ne va pas.

- Je n'ai pas besoin d'aide, le nouveau.

- Je sais, c'est ce que t'as dit hier à Sarah, dit-il ignorant le surnom que je lui ai donné.

- Comment tu sais ? m'exclamé-je.

- As-tu déjà oublié que j'étais présent hier, lorsque... tout ça s'est passé ?

- Bien sûr que non ! Mais, j'ai parlé en espagnol. Alors à moins que tu comprennes cette langue je...

Matthieu me sourit en riant. Ses yeux se ferment quelques microsecondes et il passe une main sur ma joue.

-T'as ta réponse, je crois.

- ¿ Por qué haces esto por mí ? (Pourquoi tu fais tout ça pour moi ?)

- ¿ Por qué no lo hago ? (Pourquoi je ne le ferai pas ?)

Sa voix sonne différent lorsqu'il parle espagnol. Elle est plus grave, plus profonde. Et une nouvelle lueur brille dans ses yeux.
Le temps semble suspendu autour de nous. Sa main est toujours à la même place, réchauffant ma joue. Ses doigts jouent avec les quelques mèches qui chatouillent mon visage.
Mes yeux se ferment, savourant l'instant mais Matthieu le brise en retirant sa main. Ses joues ont pris une teinte plus rouge.

- Je te fais couler un bain si tu veux, me propose-t-il.

- Je suis capable de le faire toute seule, mais merci.

J'enlève le drap de mes épaules, me lève du canapé. La température de mon corps semble chuter d'un seul coup de quelques degrés, comme s'il demandait à nouveau cette proximité.
Je me dirige vers la porte qu'a empruntée tout à l'heure Ryan lorsqu'il a disparu. Je suppose que j'y trouverai une salle de bain.

J'enlève mes vêtements lentement, les laissant tomber sur le carrelage noir. J'aperçois sur une chaise, une serviette et des vêtements propres. Ils ne m'appartiennent pas. Ce sont sûrement ceux de Ryan.
Je me glisse dans le bain chaud et moussant. Je savoure de pouvoir enfin me laver. Je plonge ma tête sous l'eau en fermant les yeux.
Tout me semble plus simple ainsi. Le temps s'est arrêté, mon coeur semble avoir fait de même et pourtant, je sais qu'il bat encore doucement. Je pourrais rester tellement longtemps comme ça. Peut-être pour l'éternité. Mes douleurs se dilluent dans l'eau, mes pensées s'évaporent avec la chaleur. Comment un simple liquide peut-il me faire tout paraîte plus doux, plus paisible ?
Mes mains accrochées sur le rebord de la baignoire glissent jusqu'à couler.
Si je m'arrêtais de respirer, si mon coeur cessait de battre et que mes paupières se fermaient... J'arriverai peut-être à oublier que ma vie est un chantier qui n'arrivera jamais à devenir une magnifique et grande maison chaleureuse. Un chantier qui restera recouvert de cadavres.
Et pourtant, j'en suis incapable. Même en expirant tout l'air de mes poumons, en suppliant mon coeur d'arrêrer de taper contre mon torse et en obligeant mes paupières à rester scellées, je ne peux pas faire ça.
Trop de mauvais souvenirs remontent à la surface, créant une fine couche brumeuse dans ma tête. Tout s'entrechoque. Mes pensées se perdent, se noient, crient. Les démons ressurgissent, parfois même ceux que je pensais avoir enterrés depuis longtemps.
Je décevrai tellement de personnes si je laissais cette seconde de désir m'envahir trop. Max verrait en moi une personne de plus qu'il l'a lâchement abandonné. Sarah s'en voudrait de ne pas avoir plus insisté. Lucas serait seul, sans réelle famille sur qui s'appuyer. Ander ne saurait rien de mon acte, il ne pourrait pas me gronder. Je serais partie aussi vite que lui a disparu mais, il saurait au fond de lui que quelque chose a changé. Quelque chose qu'il n'a pas pu arrêter mais qu'il aurait pu prévoir.
Et puis, il reste Ryan et Matthieu. Ils m'ont défendue, protégée sans poser vraiment de questions. Ils m'ont apporté du soutien et un toit.
Je ne peux littéralement pas les remercier ainsi.

Mes yeux s'ouvrent, je sors ma tête de l'eau. L'air s'insinue dans mes poumons, me libérant d'un poids mortel. Mes mains agrippent le rebord qu'elles avaient lâchement arrêté de serrer.
La porte de la salle de bain s'ouvre dans un grand fracas. Matthieu me fixe, l'air apeuré. Sa poitrine se soulève rapidement. Il a senti ce que j'ai tenté de faire, ce que j'ai espéré qu'il arrive.

- Je croyais... Tu ne me répondais pas... Je...

- Matthieu, calme-toi. Je vais bien.

Il ferme les yeux, secoue la tête. Je vois une larme s'échapper de son oeil. Il la chasse d'un revers de main avant de poser ses yeux sur moi. Serait-il triste ?
Son regard trahit ce qu'il voit sur mon visage. L'envie d'en finir. Pourtant, ce n'était qu'une petite seconde. Juste une seule.

- Andy, dis-moi que...

- S'il-te-plaît, Matthieu. Ne dis rien.

Je me lève dans mon bain et enjambe la baignoire, oubliant que je suis nue devant lui. J'attrape la serviette et m'y enroule dedans. Je la serre fort contre moi, comme si ce simple geste pouvait chasser ces sombres pensées.

- Ryan arrive dans cinq minutes, annonce-t-il, essayant de chasser ces images qui doivent le rendre fou.

J'attrape le jogging posé sur la chaise et l'enfile. Matthieu se retourne par respect. Il croise ses mains dans le dos et baisse la tête. Ses cheveux ont fini de sécher. Combien de temps suis-je restée dans ce bain ? Maintenant que j'y pense, l'eau était froide lorsque je suis sortie.
Je laisse la serviette tomber par terre et attrape le sweat rouge avec une guitare peinte dessus.
Puis, je m'avance vers lui, posant ma main sur son épaule.

- Il ne s'est rien passé, Matthieu, essayé-je de le rassurer.

- Nous ne pouvons pas réellement savoir, répond-il avant de quitter la pièce.

La porte se ferme, je pose ma main contre le mur, celle qui le touchait quelques secondes plus tôt. Je porte l'autre à mon cou. Elle l'emprisonne, le serre un peu, l'empêchant de chasser l'air de mes poumons correctement. Puis, lorsque j'entends une porte s'ouvrir, elle retombe mollement.
Que m'arrive-t-il ? Dios Mio... ¿ En que estoy pensando ? (Mon Dieu... A quoi je pense ?)

Ryan est rentré. Mon sac est posé à côté du canapé. J'entends des voix venir de la cuisine. Je me dirige à pas de loups et tends l'oreille.

- Tout à l'heure, je crois qu'elle a essayé...

- Non, Matt. Elle ne fera rien de tout ça. J'ai promis...

A qui a-t-il promis ? Sarah, Lucas ? Et promis quoi ? Que je n'essayerais pas de me faire du mal, de me suicider ? Ça arrive d'y penser pendant une seconde lorsqu'on est aussi mal que je lui suis. Il n'y rien d'anormal là-dedans. Enfin, j'espère...

- J'ai peur pour elle. Je ne crois pas que tous nos efforts vont l'aider. Ander doit revenir. Il faut tro...

- Il ne peut pas Matt, menace la voix de Ryan. Il a lui aussi promis quelque chose et même si c'est dur et dangereux, il ne peut pas. Une vie est en jeu et ce n'est pas la sienne.

Mais de quoi parle-t-il bon sang ? Lorsque Ryan parle, je comprends que les problèmes dans lesquels mon frère a fourré son nez sont bien plus graves que je ne le pensais. Je me sens tout à coup honteuse de ne pas l'avoir compris plus tôt. Peut-être que j'aurais dû écouter mes meilleurs amis dès le début. Peut-être que le dénoncer était la meilleure chose à faire, même si cela impliqué qu'on soit séparés.

- Ryan, est-ce que tu sais des cho...

A quoi bon leur dire la vérité mise à patr à plus m'enfoncer. Je n'ai pas envie de plus les décevoir.
Ryan ignore ma réponse qu'il trouve insuffisante et m'explique qu'il me laisse son lit pour quelques jours. Lui, dormira sur le canapé. Matthieu, viendra me chercher tous les matins pour partir en cours. Ryan doit régler quelques trucs qu'ils l'empêcheront de venir au lycée. Il me semble de plus en plus mystérieux. Comment je pourrais lui faire confiance alors ? Pourtant, cette question disparait aussi vite qu'elle est apparu. Quelque chose en lui me pousse à me sentir en sécurité avec lui. Je ne peux clairement pas l'expliquer.

- Qu'as-tu entendu ?

Ryan me pose la question, sa voix est dure. Il me déstabilise. Matthieu, quant à lui, a les bras croisés, la mâchoire serrée.

- Rien, je viens juste d'arriver, je me défends.

A quoi bon leur dire la vérité mise à part à plus m'enfoncer. Je n'ai pas envie de plus les décevoir.
Ryan ignore ma réponse qu'il trouve insuffisante et m'explique qu'il me laisse son lit pour quelques jours. Lui, dormira sur le canapé. Matthieu, viendra me chercher tous les matins pour partir en cours. Ryan doit régler quelques trucs qu'ils l'empêcheront de venir au lycée.

- Bien, maintenant que tout est instauré, ça vous dit que je vous joue quelques musiques ?

Ryan nous montre une bâche blanche qui recouvre un objet imposant, au fond de son salon. Je ne l'avais pas encore remarqué. Peut-être trop absorbée à oublier la cuite d'hier.
Il se déplace avec grâce et tire la bâche théâtralement. Avec le sourire il nous fait signe de prendre place. Ryan s'assoie sur le tabouret et pose ses doigts sur les touches du piano à queue noir.

KL.Phoenix

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