Chapitre 2

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Des pas précipités retentissaient depuis le pont. Des coups de feu retentissaient. Des corps tombaient. Les sabres s’entrechoquaient, et les hommes hurlaient. De douleur ou de rage, il ne pouvait pas le distinguer. La nausée s’empara du garçon en imaginant les corps sans vie des soldats sur le pont du navire.

Il était pris au piège.

Les combats continuèrent durant d’interminables minutes. Puis, le silence plana sur le navire. Le jeune homme se leva lentement, surpris par ce calme soudain, puis sursauta lorsque des éclats de voix résonnèrent dans le couloir.

— Vérifiez les cabines !

Cette voix rauque le fit tressaillir. Aucun soldat à bord ne pouvait avoir ce timbre de voix. Il se recula le plus possible, dos au lit. Il fixait la porte de sa chambre, la respiration irrégulière. Les battements de son cœur résonnaient jusqu’à ses tympans. Des pas s’immiscèrent dans le corridor et se rapprochaient petit à petit.

Les portes claquaient après leurs passages. Ces pirates le trouveraient pour sûr, il n’avait aucune échappatoire. Son souffle se coupa lorsque les pas s’arrêtèrent face à sa porte. Aucun son ne sortit de sa gorge lorsqu’elle s’ouvrit. Seules les larmes perlaient aux coins de ses yeux, prêtes à dévaler ses joues.

Le garçon se retrouva face à deux forbans de grande taille. Il ne réussissait pas à en détourner le regard. Celui de droite avait la peau mate, un regard de fer et des cheveux que l’on aurait cru trempés dans un pot d’encre. Il semblait surpris par la présence de l’éphèbe. Celui de gauche possédait un épiderme cuivré, des yeux bruns et une chevelure rougeâtre semblable aux coraux océaniques. Ses vêtements étaient salis par la suie et la sueur, à l’inverse de son compagnon.

Il chuchota quelques mots à son camarade puis repartit vers le fond du couloir. Le mercenaire s’approcha du jeune homme qui essaya de s’enfuir. Une prise ferme se referma sur son poignet et le fit couiner de douleur. Il n’était pas tendre.

Le garçon fut tiré d’un coup sec vers l’extérieur de la pièce. Il en perdit l’équilibre et tomba à genou. Dans le corridor, son regard s’abattit sur les deux cadavres des marins qui surveillaient sa chambre. Son corps se figea, ne sachant pas comment réagir face à cet acte barbare. Le forban le tira vers la sortie, ne lui laissant pas le temps de contempler une seconde de plus cet épouvantable spectacle. Ils montèrent sur le pont, les rayons du soleil les accueillirent violemment, le vent marin vint mordre la peau nue du garçon. On le plaqua à genou et il ferma les yeux, apeuré.

Les éclats de bois s’enfonçaient un peu plus dans sa peau, mais il serrait les dents. Il entendait vaguement des respirations saccadées autour de lui, il sentait ces regards malsains posés sur sa personne. Malgré la crainte, sa curiosité vint prendre le dessus. Il plissa les paupières, puis les écarquilla d’effroi.

Le bois était maculé de sang et de cadavres. Les brigands se trouvaient proches des bastingages, armes en main, à surveiller les quelques survivants qui se trouvaient comme lui, à genou au centre du pont. L’homme qui l’avait amené ici s’était placé à côté d’un de ses compagnons, qui semblaient avoir un grade de plus que lui. Un frisson parcourut sa nuque lorsqu’il posa son regard sur ce pirate.

C’était lui.

Celui de la longue-vue, qui l’observait. Il n’y avait aucun doute. L’attention de ce dernier parcourait les prisonniers et s’approcha d’eux d’un pas prédateur. Il en fit trembler plus d’un, sous son air amusé et les regards enthousiasmés de son équipage.

— Bien, bien, bien. Lequel d’entre vous pourrait répondre à mes questions ?

Les six survivants sursautèrent à son timbre de voix rauque. Il les fixait tour à tour, avant d’arrêter son attention sur un matelot tremblant.

— Qui est le capitaine de ce navire ?

Le marin intimidé par la présence de ces mercenaires brisa le code d’honneur de son équipage. Il pointa son supérieur, agenouillé au centre de la ligne. Du coin de l’œil, l’invité observait la scène avec attention. Le capitaine pirate s’approcha du gouverneur qui ne semblait pas impressionné face à ce barbare. Il posa un genou à terre afin d’être à sa hauteur, et s’adressa à lui.

— Alors, capitaine. Que transportez-vous pour vous battre avec autant d’ardeur, hm ?

Il n’obtint aucune réponse. Le légat se contenta de relever son visage, un regard prétentieux posé sur son interlocuteur. Ce dernier s’impatienta et se redressa d’un bond, ce qui fit sursauter le passager qui reporta son attention sur ses mains, posé à plat sur ses cuisses.

— Vous ne semblez pas tenir à votre vie, commodore. Ou à celle de vos hommes ?

Le pirate se recula contre le bastingage et fit signe à trois de ses hommes de saisir des matelots. Le légat se redressa vivement en entendant les lames sortir de leurs étuis et glisser sous le menton de ses hommes. Néanmoins, l’invité ne subit rien, seulement surveillé par l’homme qui l’avait trouvé. Il était présent dans son dos, mains appuyées sur la poignée de son sabre.

— Nous allons jouer à un jeu gouverneur.

Le pirate sourit malicieusement en contemplant les marins tremblés d’appréhension.

— À chaque minute écoulée, l’un de vos hommes sera tué.

Il sortit un pistolet de sa ceinture et joua avec.

— Lorsque tous vos hommes auront rejoint les flots, je tirerai une balle dans chacun de vos membres. Jusqu’à ce que la douleur devienne insupportable. Ainsi, il ne vous restera que deux options : mourir ou répondre.

— Je préfère mourir plutôt que de céder à un misérable rat comme vous !

Il cracha sur la botte du pirate. Ce dernier soupira, puis son pied atteignit le visage du commodore. Il ne se releva pas, trop sonné par le coup. Cette action effraya davantage les prisonniers.

— Que de courage.

Il rabattit ses cheveux en arrière et s’adressa à trois de ses compagnons.

— Qu’avez-vous trouvé dans les cales ?

— Des vivres, des armes et des effets personnels. Rien d’intéressant.

Il se tourna ensuite vers les deux hommes qui étaient descendus dans le couloir des cabines supérieur.

— Et dans les cabines ?

— Des documents officiels, quelques objets de valeurs, mais rien d’important… Et lui.

Il désigna le jeune passager en bout de ligne. Un tremblement traversa son corps lorsqu’une grande main vint prendre son menton pour relever sa tête. Il plongea son regard dans celui du capitaine et s’étonna de respirer plus calmement. Il n’avait pas pris le temps de le détailler lorsqu’il l’avait vu à travers la lunette de la longue-vue, ou même à son retour de force sur le pont.

— Arawn, que faisons-nous ? l’interpella un de ces hommes.

Mais le concerné ne lui répondit pas. Sa peau était coloré par le soleil. Les traits de son visage étaient durs et droit, son regard brun se perdait dans le sien. Le plus éblouissant restait sa chevelure, d’un rouge flamboyant, telles des flammes dansant au grès du vent. Les rayons du jour venaient se joindre à leurs farandoles en leurs offrants un éclat plus vif.

Le mercenaire observait ce garçon à genou face à lui. Il ne devait pas appartenir au rang de noblesse malgré sa peau claire, son accoutrement le prouvait. Et pourtant, si le commodore avait mis cet enfant à l’écart, c’était pour une bonne raison.

Sa poigne se resserra inconsciemment sur le fin visage du jeune homme sous le coup du questionnement, sans s’en rendre compte. Ce n’est que lorsqu’une larme atteignit l’un de ses doigts et qu’un couinement retentit à ses oreilles qu’il sortit de ses pensées. Ses yeux s’écarquillèrent face au visage terrorisé du jeune homme, qui ne pouvait plus retenir ses larmes et ses tremblements.

Le capitaine relâcha son visage et se redressa. Il tourna sa réflexion vers les survivants, il n’y avait aucun doute. Ce garçon était un passager.

Son jeu se terminait donc ici. Quel dommage.

Il regarda ses hommes, certains se tenaient derrière les marins, sabres sous la gorge, prêt à agir. D’autres attendaient le verdict de leur supérieur. Il porta son regard sur son camarade présent dans le dos du passager apeuré, avant de hocher la tête et s’adressa à son équipage.

— Emmenez celui-là. Tuez les autres.

Il quitta le pont en compagnie d’un des mercenaires ayant visité les cabines. Le corps du jeune homme se retrouva submergé par la peur, et fut parcouru de tremblements incontrôlables. Le brigand dans son dos dut le saisir par le bras pour l’obliger à se relever. Le garçon aurait aimé lui obéir, mais toutes ces forces l’abandonnèrent. Les cris d’agonie et de terreur retentissaient dans son dos. Un autre pirate vint aider son coéquipier à le porter, et il fut emmené sur le navire ennemi. Les corps sans vie des soldats tombaient lourdement sur le bois du pont.

En cet instant, le passager aurait aimé mourir à leurs côtés plutôt que de devoir affronter seul cette peur si grande qui le dévorait, tandis qu’on l’emportait vers ce lieu inconnu.

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