Chapitre II : Mission finale

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La réunion vient de se terminer sur cette note assez alarmiste. Je rempile mes affaires et je me dirige vers le vestiaire des femmes qui se trouve au rez-de-chaussée. La pièce est grande, plusieurs casiers sont mis à disposition pour pouvoir poser nos affaires personnelles. Les douches communes se trouvent non loin de l'emplacement. Les toilettes sont séparées et c'est plutôt agréable surtout si on aime bien passer trois heures sur son téléphone.

Je pose mes affaires sur le vieux banc marron qui est situé près de mon casier. Mon nom commence à s'effacer avec le temps. Je dissipe un sentiment de liberté à l'intérieur de moi puis me déshabille pour prendre une bonne douche chaude.

Je laisse l'eau chaude couler sous ma couche de peau infestée par les malheurs que j'ai accumulé avec le temps. J'essaye de frotter le plus fort possible pour les faire disparaitre mais je n'y arrive pas. Des plaques de rougeurs se laissent entrevoir. J'enlève la mousse sur ma longue tignasse à l'aide de mes mains et soupire. J'ai un étrange sentiment qui me parcourt avec amertume les organes.

Je finis par sortir, chagrinée par la miséricorde du monde. Je me sèche avec rapidité pour enfiler mon uniforme de combat. Il est assez lourd à porter, la chaleur là-dedans est quasiment impossible à supporter mais ça nous protège.

J'arrive enfin dans la salle où mon unité attend les ordres. Je ne sais pas quoi leur dire, je ne sais même pas s'ils sont au courant de tout le merdier qui se trame. Je salue d'un signe de main mon équipe et j'avance en tête de peloton.


—Où est le soldat Kovacic ? vociféré-je.

— Il n'a fait qu'un passage siki au régiment, répond Martin. (1)

—Il fait chier, pouffé-je. Bon, savez-vous pourquoi vous êtes là ?

—Non chef.

—Nous devons exfiltrer notre vieux camarade Alec de son labo.

—Pourquoi ?

—Un incident a eu lieu.
—Qu'est-ce qui s'est passé ? demande Smith d'un ton sec.

—Un virus a été libéré volontairement. Je n'en sais pas plus.

—Est-ce grave Lieutenant ?

—Aucune idée mais nous avons obligation de ne rien dévoiler.
—Donc nous sommes obligés de la fermer ? Et nos familles dans tout ça ? S'énerve Makarov.

—Les ordres sont les ordres. Nous ne pouvons pas les contester.

Je vois la tristesse et la consternation sur le visage de mes hommes mais je ne peux rien y faire. Je suis tout autant dépitée par la situation. Nous commençons à remballer nos affaires quand la porte s'ouvre froidement.


—Le bleu, vous étiez où ?

—J'étais occupé, désolé chef.

—Occupé à vous faire sucer la queue ?

—Je...


Soldat Kovacic...Caleçon qui dépasse du treillis, fermeture à moitié ouverte, cheveux ébouriffés. Quel abruti ce mec. Pourquoi je l'ai accepté ? Je ne le sais toujours pas mais c'est vraiment un con et dans toute sa splendeur.

— Lui, c'est propulseur réel tête inerte, ricane James. (2)

—James ! 50 pompes avec ton sac. Immédiatement, rajouté-je.

—À vos ordres Lieutenant.


L'humour est propre à chacun, les taquineries aussi mais certains n'ont pas les étages à tous les niveaux. J'hoche la tête consternée par ces idioties et indique à mes hommes de dégager d'ici.

Nous nous retrouvons dans la Jeep qui doit nous conduire au labo où mon ami de longue date s'y trouve. La route va être d'un ennui mortel.

—Tu as mis ton carnet de tir à jour Martin ? (3)

—Ouais. C'est ma femme qui va être ravie, répond-t-il d'un ton ironique.

—Le bleu, interpelle Makarov, pourquoi tu es rentré dans l'armée ?

—Pour protéger la nation, défendre les couleurs de notre pays.

—Tu aimes ce que tu fais ?

—Je suis fière de me lever le matin avec l'uniforme, répond dignement Kovacic.

—Et vous Lieutenant ? réclame le soldat Smith.

—Mon père était dans la Navy. Il a combattu les ennemis avec force et convictions. Je l'ai toujours admiré pour ça. Mon père adorait servir les autres. Il était né pour garantir la sécurité du peuple.

J'inspire profondément et relâche avec agressivité tout l'air que mes poumons ont absorbé. Je replace une mèche de cheveux qui s'est échappée de mon chignon et place mes mains dans mes poches.

—Un jour, après une mission, je suis rentrée à la maison. J'étais heureuse de retrouver ma famille mais cette euphorie fut de courte durée. J'ai vu cet homme dans mon jardin. Habillé d'une tenue d'officier. Il avait entre ses mains, la médaille et le képi de mon père. J'ai su qu'il était décédé en se battant corps et âme pour la nation. Je n'ai même pas pu lui dire un dernier mot parce que j'étais encore en mission.
—C'est pour ça que vous avez déposé votre démission ? Demande Martin.

—Oui. J'aimerai profiter de ma famille. Et peut-être fonder la mienne.

—Vous avez toutes les qualités pour en tout cas chef, annonce James.


Je souris bêtement et ferme profondément les yeux. J'essaye de neutraliser toutes les mauvaises ondes de mon esprit. J'essaye d'effacer toute cette rage qui me dévore constamment de l'intérieur. Plus qu'une mission Lara et tu pourras retourner au bercail.

Je suis volontairement réveillée par le Soldat Kovacic. Son teint est devenu livide, son visage est apeuré. Le véhicule vient d'être stoppé par des riverains affolés.


—Mais c'est quoi ce bordel ? demandé-je hypnotisée par le paysage lugubre.

—Les gens deviennent complétement perturbés. Ils geignent comme des animaux. J'en ai vu un se faire volontairement écraser par un véhicule.

—L'anarchie mon pote, grogne Makarov.

—Descendez. Martin en tête du peloton, Kovacic à côté de moi. Restez bien sur vos gardes. N'utilisez vos balles qu'en cas de nécessité absolue.


Les bagnoles sont renversées, les cloisons sont détruites. Une odeur fétide vient à me chatouiller les narines. La rue est en hystérie totale comme si la vie n'était qu'un lointain souvenir. Je peux entendre des hurlements de peur, le brouhaha de la foule, les pleurs d'un bébé, le vrombissement du moteur des voitures, le crissement des pneus.

J'ai l'impression que le chaos règne à présent sur la ville. Je n'y vois que de la torture et du sadisme dans le regard de tous ces gens. Le laboratoire est encore loin et nous n'avons plus aucun moyen de s'y rendre. Mon unité est désemparée par la situation et je ne suis même pas capable de les remotiver face à la proportion que les évènements ont pris.


—Lieu...Lieutenant, nous avons un souci.

—Quoi soldat Smith ?

—Chouffez la dinde à neuf heures. (4)

—Qu'est-ce- qu'on fait ? surenchéri James.

—Restez ensemble, ne vous éloignez pas et évitez de vous faire déchiqueter la queue, compris ?

—Oui chef ! acquiescent-ils en cœur.

Une putain de psychopathe qui bouffe un passant. Mais c'est quoi ce délire ? J'ai l'impression d'être dans un cauchemar dans lequel je suis prise au piège. Je n'arrive pas à me libérer, détacher les lianes qui me serrent atrocement les poignets. Kovacic m'a l'air totalement démuni par la situation, il n'est pas du tout serein et je m'inquiète fortement pour son cas. Perdue dans mes pensées les plus souffrantes, je reviens à la réalité quand mon portable se met à vibrer dans ma poche.

—Tout vas bien Daryl ? demandé-je en décrochant.

—Non, c'est l'hécatombe ici. Maya et Lukas se sont enfermés dans la cave pour le moment mais je ne sais pas où aller.

—La maison de grand-mère. Elle est bien positionnée, aucuns touristes n'y mettent les pieds.

—Les infos parle d'un virus potentiellement dangereux. Ils veulent qu'on reste calme mais j'ai vu des gens se faire manger comme de la vulgaire viande. Lara, qu'est-ce qui se passe dehors ? J'ai la trouille.

—Si seulement je le savais. Le Général avait bien stipulé qu'il ne voulait aucune divulgation et là, toute la ville est au courant.

—Pourquoi ?

—Je ne suis pas sensée te le dire mais il y eu une couille au labo Exocyl. Un virus a été libéré. Ils pensent à une attaque terroriste. L'état d'urgence a été déclaré peu après mon rendez-vous.

—Tu penses que c'est grave ?

—Oui, avoué-je affolée. S'il te plait, mettez-vous à l'abri. J'essayerai de vous rejoindre quand la mission sera terminée.

—Lara, fais attention à toi. Je ne veux pas te perdre comme papa.

—Promis frangin, pareil pour vous. Je compte sur toi.

Boule à l'estomac, je raccroche. Je ne suis même pas sûre de rentrer, je ne suis même pas sûre de revoir mon frère. J'observe mes coéquipiers. Je peux avec douleur, ressentir leurs doutes au fond de moi.

—Unité Bravo, je ne sais pas ce qu'il se trame dans cette foutue ville de merde mais prévenez vos familles.

—Vous risquez de perdre tout Lieutenant, affirme Martin.

—Je m'en tape du code, je m'en tape des ordres. Mon devoir est de vous protéger et je le ferai du mieux que je peux.

Je suis tétanisée comme si une sensation de brûlure enveloppe mon corps tout entier. Pour la première fois en dix ans de carrière, je me sens fébrile et incapable de gérer la situation.

—Lieutenant, m'interpelle Kovacic. Venez voir s'il vous plait.

—Oui ?

—J'ai mis le journal télévisé sur mon téléphone, écoutez.

« Nous n'avons pour l'instant, aucune information concernant le déluge qui est en train de se passer en ville mais s'il vous plait, ne sortez en aucun cas de chez vous. Protégez-vous. Ceci n'est pas un exercice, je vous le répète, ceci n'est pas un exercice »

Une alarme vient de se mettre à retentir.

Lexique militaire :

(1) « Il n'a fait qu'un passage siki au régiment » : on ne l'a pas beaucoup vu.

(2) « Lui, c'est propulseur réel tête inerte » : il n'a pas inventé le fil à couper le beurre.

(3) « Mettre le carnet de tir à jour » : rompre une longue période d'abstinence.

(4) « Chouffez la dinde à neuf heures » : regardez la dame sur votre gauche.

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