Fin... ouf hein ?

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Titou et Gégène libérées de leurs angoisses, mitraillent de questions Félix et la maréchaussée. On a peine à distinguer qui demande quoi :
« Alors c'était ce salopiaud de Bossano qu'a fait ça ? Comment ça, pas tout seul ? LE FOURNEAU ? Qu'est-ce qu'ils y ont fait à la p'iote ? Qu'est-ce qui lui voulaient ? Comment qu't'les a trouvés? Où c'est-y qui sont ? »

Au début, Félix tente de répondre, mais finalement, il lève les deux mains en signe de reddition et leur montre l'enfant dans les bras de sa mère.
« Ça attendra. J'vous racont'rai, mais il faut vraiment que Morgane se repose. ».

À peine Francine, sa fille et leur sauveur montés dans la jeep des gendarmes, les commères insatiables rabattent leurs questions sur Souvain qui répond en souriant.

Francine couche sa fille, l'embrasse et la câline un moment.
Elle ne fermera plus jamais la porte de sa chambre.
Les gendarmes assis dans la cuisine écoutent les explications de Félix. Il a décidé de raconter tout ce qu'il sait, y compris les bizarreries.

Les officiers le croient sans difficultés, d'une part parce qu'ils ont l'habitude des menteurs, d'autre part parce qu'ils ont vu, eux aussi, la nuée anormale d'oiseaux.
Le maire frappe à la porte, Francine le fait entrer et va s'asseoir auprès de Félix dont elle prend la main. À ce moment là, elle prend conscience qu'elle lui est profondément reconnaissante, mais pas seulement.
Le maire résume la situation :
« Vous tenez donc Bossano et pas l'Fourneau. Il a sa famille ici, mais c'est pas un bon, ch'ais pas s'il va réapparaître. Oui, c'est une bonne idée de laisser quelqu'un ici. S'il est assez bête pour revenir... »

*

Lorsqu'elle se réveille le lendemain, le soleil n'est pas levé. Morgane traverse la pièce jusqu'au couloir. Elle se glisse dans la chambre de sa maman, puis dans son lit. Francine la serre contre elle et laisse les sanglots de l'enfant monter, les secouer toutes les deux et finalement se tarir.

Morgane lui raconte en détail toute son affreuse aventure. Puis une autre vague de sanglots la submerge quand elle réalise que son Siffle n'est plus là. Sa maman lui dit doucement :
« Il est dans une boîte mon bébé, on va l'enterrer dans le jardin.
— Le père Souchin dira une messe ?
— Oui chérie, si tu veux. Et puis tant que les gendarmes n'auront pas attrapé le père de Sophie, elle ne parvient pas à dire son nom, tu restes près de moi. Après nous ne craindrons plus rien.
— Pourquoi qui m'ont emmenée ?
— Par méchanceté, par jalousie et parce que même les méchants voudraient avoir une merveilleuse petite fille comme toi près d'eux…
— L'Hervé m'a dit qu'il m'a volée pass'que tu voulais pas qu'il me voit.
— Non mon bébé, l'Hervé il est parti pass'qui voulait pas d'enfant, il est jamais venu demander après toi.
— Il a dit qui m’emmènerait loin avec le train et aussi que si ch'parle aux oiseaux, on aura plein de sous. Moi je m'en fiche des sous ! Il est méchant ! Pire que l'Fourneau, il m'a tapée, il a tué Siffle, pi y voulait que je bois du vin, y voulait pas que je sors… »

Le récit de Morgane est ponctué de larmes.
Le chagrin, la peur, il faut que ça sorte pour ne pas geler le cœur. Francine retient sa colère pour n'offrir que le réconfort de sa douceur et de sa tendresse.
Elle s’épanchera plus tard dans les bras de son amoureux. Elle sait que ses sentiments sont partagés.

Quelques jours plus tard, les gendarmes cueillent Marcel Fourneau dans la grande ville de Barrasse lorsqu'il se fait prendre pour avoir volé du pain.
Il sera condamné avec son complice à quinze ans de prison.
Personne de Massoy à Saint Jeuney ne les reverra plus.

Les années suivantes, chacun tente de forcer sa compassion vis-à-vis de Jeannot, mais il est intenable, enragé, frappant mère et sœur.
Le jour où il met le feu à la grange des Couvent, il est incarcéré dans un institut pour jeunes délinquants. Lui ne reviendra qu'une seule fois au village, à la mort de sa mère. C'est comme ça que l'on saura qu'il fait une carrière dans l'armée et qu'un homme l'a sauvé.

Un mal pour un bien, Marcel était si exigeant que madame Fourneau, Denise, a une foule de talent. Elle rend service autant qu'elle le peut, elle est souvent sollicitée.
Conscient de sa situation, mais heureux pour elle, les villageois font preuve de solidarité, ni elle, ni sa fille ne manqueront jamais de rien.

Sophie respire la joie de vivre et s’épanouit comme une fleur en été. Elle craindra toute sa vie que son affreux père ne revienne. Mais en épousant Charlie, plus tard, elle se rassure un peu.

Francine et Féfé se marient le printemps de l'année suivant l'enlèvement. Un bébé leur vient lorsque Morgane à neuf ans. La grande sœur voudrait qu'il s'appelle Arthur, elle a appris à l'école qu'Arthur était un roi et qu'il était le frère de Morgane la Fée.

La petite fille a bien grandit, c'est souvent ce que font les enfants, elle élève des oiseaux, surtout des rouges-gorges.
Elle ne s'imagine pas s'éloigner d'eux, même pour travailler.
Un jour, madame Évraud lui demande d'emmener ses volatiles à l'école, pour animer une séquence pédagogique les concernant.
L'expérience lui plaît tellement que Morgane décide de proposer cette activité à toutes les écoles alentours.

Le dimanche, elle donne des spectacles sur les places de marché et conte aux enfants des histoires que ses oiseaux lui chantent.
Elle reste au village, aide sa mère, continue ses excursions avec Féfé et ce petit Arthur qu'elle aime plus que sa vie et qu'elle appelle Gazouille.

Un jour, elle accepte une proposition d'un instituteur de Saint Jeuney.
La ville ne lui fait pas peur, Félix l'y avait accompagnée rapidement après son drame pour y passer une merveilleuse journée de jeux et de bonbons.
Un jour, donc, elle accepte ce travail.

Comme d'habitude, les enfants sont éblouis, mais cette fois, ils ne sont pas les seuls.
Frédéric Saget est immédiatement ensorcelé par la jolie Morgane, ses yeux gris, ses boucles et ses oiseaux.
Ils convolent aussi vite que va la vie.
Leurs enfants, mieux que personne, sauront chanter avec les mésanges, les rouges-gorges, les hirondelles, les merles, les rossignols et tous les peuples du ciel. Même si, contrairement à leur maman, ils ne comprennent pas les histoires que les petites boules de plumes racontent.

Et les grands-mères ?
Ce n'est pas éternel une grand-mère.
Titou aura à peine le temps de connaître Arthur avant de s'envoler vers le ciel.
Gégène très affligée par la mort de son amie intime n'a pas la force de vivre seule. Alors Francine qui la voit s'étioler la secoue, comme Germaine le fit jadis pour elle. Elle parvient à la convaincre de venir loger sous son toit, d'accepter un cocon d'amour pour envelopper ses dernières années.
Ainsi Arthur a-t-il eu une grand-mère.
Un vilain jour, Germaine est morte à son tour. Elle a rejoint Titou pour cancaner avec elle au sujet, peut-être, des histoires d'amours du paradis.

C'est dans sa maison, que vivent à présent Frédéric et Morgane. Vous reconnaîtrez facilement la ferme parce que, même si c'est impossible, une tribu de Rouges-gorges volent constamment tout autour.

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