47. Latence (partie 1)

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Quelques échanges de SMS avec Giulia. Je la rassure sur la présence de Philippe à table ce midi, puis nous rentrons tard pour ne pas titiller la curiosité des collègues.

Je ferme la porte derrière moi, alors qu’elle se dirige droit vers la cuisine. Je questionne :

— Ça a été, la journée ?

— Oui. Je fais une salade, ça vous va ?

— Très bien. Ça équilibrera avec la pizza.

— Vous aimez les anchois ?

— Non merci.

— Demain, il faudra que je fasse des courses, il faudra que je quitte le bureau plus tôt. Vous pourrez m’accompagner ?

— Tes collègues vont jaser.

— L’important c’est la vérité, pas les rumeurs. Giulia sait, c’est l’important, non ?

En repensant à Giulia, je soupire :

— Merde ! Je devais passer chercher un pyjama chez Marion.

— Ne vous inquiétez pas. Je n’aurais pas d’envie de…

— Je sais. Je me méfie de moi.

— Vous vous méfiez de vous-même ?

— Depuis mon agression je… je suis très instinctive. Je veux dire par là que j’étais du genre très cérébrale et romantique. Peut-être parce que je me suis rendue compte qu’on n’a qu’une vie. Peut-être à cause de l’alchimie des cristaux, certains de mes hormones se démultiplient. Peut-être simplement parce que j’ai enfin goûté au pêché saphique, je suis devenue accroc. J’ai enfoui mon ancienne moi ; J’ai tendance à monter dans les tours quand je suis en colère et à avoir envie de séduire en permanence. Ça me rassure aussi de plaire. Ecoute-moi, je suis en train de me psychanalyser toute seule. Bref, j’écoute beaucoup plus celle que je suis au fond de moi. Ne te coupe pas les doigts.

Clémence baisse les regards sur les tomates en m’écoutant.

— Je comprends. Et à, vous êtes tentée ? Vous avez envie de moi ?

— Je sais me tenir. Et j’ai fait une promesse à Giulia. Si je refais des trucs avec une autre fille, c’est avec elle.

— Je peux peut-être satisfaire vos instincts. Giulia peut-être présente en caméra et diriger.

Surprise, je m’assois sur une chaise, prends le melon pour le couper, puis la questionne :

— J’ai du mal à comprendre que tu sois déjà prête après ce qui t’es arrivé.

— C’est avec vous.

— Je peux poser une question indiscrète ?

— Oui.

— Je repense à la discussion à la pizzeria. Est-ce qu’il a une partie de ce qu’ils t’ont fait que t’as aimé ?

— J’aurais pu mais… Je ne les connaissais pas, je n’étais pas en confiance. C’est la peur qui a dominé. L’adrénaline, c’est bien quand ça redescend. C’était… Ce n’était que de l’humiliation, que de la méchanceté. Je n’étais pas une personne, j’étais un objet jetable.

J’opine du menton et fais signe de la main que le sujet me met mal à l’aise. Je plante le couteau dans le melon en imaginant le cœur d’Aymerick. Me rendant que mes humeurs vacillent entre haine et libido, je choisis un sujet pour réorienter mes pensées.

— Et depuis quand travailles-tu pour la boîte ?

La discussion devient neutre, complètement normale, reposante.

Le soir vient. En me déshabillant, toujours dans les mêmes sous-vêtements que la veille, je décide que dès demain matin j’irai chez Marion.

Clémence a enfilé un grand t-shirt de nuit et s’allonge de son côté. Je lui souhaite bonne nuit et reste sur le bord. Pas de câlin, pas de longs cheveux sur mon visage, pas de parfum féminin à fleur de narines. Je reste distante, malgré l’envie de laisser galoper mes doigts vers ses jambes.

Un part de moi rugit qu’il faut profiter de la vie, tenir cette promesse que je me suis faite à moi-même de ne laisser passer aucune occasion. Je pourrais commencer à me caresser et voir s’il lui prend l’envie de m’aider.

Incapable de me laisser dormir, je me lève et cherche dans l’obscurité ma veste de costume contenant ma fausse pièce. Assise au bord du lit, je la fais tinter d’un coup de pouce. Elle retombe dans le creux de ma main, mon œil droit l’éclaire furtivement. La face rayée m’interdit de céder à mes pulsions, alors je me recouche.

— Ça va ? questionne Clémence.

— Oui. J’avais un truc qui me tournait dans la tête.

Je me tourne vers elle, mon oeil brille encore et dessine son visage. Ses paupières lourdes se referment. Un part de moi maudit la pièce, l’autre la bénit. J’étouffe l’instinct animal sans mal et me retrouve sans même l’envie d’une caresse. J’ai face à moi un visage si doux que je ne vois que la petite fille qu’elle a été. Elle semble apaisée, en sécurité. Je n’ai aucun regret. Ça aurait un comble que j’agisse comme ces machos que nous traquons. Mais putain qu’elle est belle !

* * *

Elodie va relancer sa pièce chaque jour durant l'absence de Giulia. C'est à vous, public, de décider si Elodie s'aventurera avec Clémence avant le retour de Giulia. J'attends vos commentaires.

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