40. Clémence

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Je n’ai pas reparlé depuis deux semaines à ma mère. Je loge chez Marion, dans l’attente d’avoir les clés de ma petite maison à double-caractère.

En dépit d’une certaine attirance pour Marion, d’un accord tacite, nous n’avons pas couché ensemble. La réaction de ma mère me reste en travers du cœur, et de plus nous faisons lit à part. La place dans le grand lit est maintenant réservée à Lucas le week-end.

Giulia me manque, et son absence me fait prendre conscience de combien je suis tombée amoureuse d’elle. Elle a peut-être trouvé un job sur Rennes, mais il me faut attendre ce week-end avant de la revoir. Mes menstruations battant des records de fluidité en ce lundi, je ne risque pas de sauter sur Marion par impatience.

Nous sommes mardi 16 août, et je suis plongée dans les différents rapports du laboratoire, maugréant ma mauvaise humeur. Les employés sont peu nombreux, et les couloirs sont excessivement calmes. Pour être franche, je m’ennuie, et la lecture est trop peu passionnante pour me faire oublier la douleur sourde de mon ventre.

Je jette un regard par transparence pour voir ce que fait Clémence, la comptable. C’est alors que je vois le squelette d’un homme la plaquer violemment dos à son bureau, la bâillonner d’une main et lui écarter les cuisses de l’autre. Je saisis mon cordon de câble USB en me levant, je surgis de mon bureau, m’engouffre dans celui de Clémence. L’homme dos à moi est en train de la violer tandis qu’elle se débat mollement, le visage toujours entravé pour l’empêcher de crier. J’enroule le cordon autour du cou de l’homme et d’une frappe au creux poplité, je l’emmène en arrière.

Il suffoque en essayant d’écarter l’entrave avec ses gros doigts.

— Arrêtez ! hurle Clémence. Arrêtez !

Ignorant les cris d’effroi de la comptable, je maintiens ma prise jusqu’à ce qu’il s’évanouisse. Clémence porte ses mains à sa bouche, scandalisée.

— Ne t’inquiète pas, il dort. Il se réveillera menotté.

Les larmes ruissellent sur ses joues :

— C’était un jeu !

J’écarquille les yeux. Elle reste raide, droite comme un piquet, mal à l’aise. Un peu incrédule qu’on puisse qualifier ça de jeu, je dis en désignant la bite encore à l’air de son agresseur :

— Il n’avait pas l’air de jouer.

En voyant le préservatif sur le sexe, je réalise la préméditation de l’acte. Elle secoue la tête, rouge de confusion, alors, je m’excuse gênée :

— Je… Je ne pensais pas que vous étiez amants.

— Non, nous ne sommes pas…

Elle n’ajoute rien, alors, reprenant ma position de chef, je lui dis :

— Dorénavant, vous éviterez ce genre de jeu dans mes bureaux. Si j’avais eu un autre objet sous la main, je l’aurais tué. Vous serez tous deux convoqués pour recevoir un avertissement.

Le technicien de laboratoire est en train de reprendre ses esprits. Je quitte la pièce pour la laisser se pencher sur lui. Furieuse de ma méprise, je claque la porte de mon bureau, puis m’installe en tiraillant sur chaque extrémité de mon câble USB.

— Un jeu, soupiré-je… Quel jeu con !

Il va falloir que je trouve une sanction à la hauteur de leur bêtise, pourtant, je ne suis pas certaine que les relations extraconjugales sur le site de l’entreprise soient punissables, surtout avec les heures de travail tardives qu’ils font.

Mon cœur bat fort, mon œil continue à tout observer par transparence malgré-moi. Tandis que son amant essaie de se remettre de ses émotions, le squelette de Clémence se présente à mon bureau, ajuste son tailleur, puis frappe à la porte.

— Entrez !

La comptable se glisse par un entrebâillement pour refermer la porte. Elle s’avance, tête baissée puis marmonne :

— Je suis venue vous demander de ne pas écrire d’avertissement pour Éric. Sa femme pourrait l’apprendre. C’est moi qui lui ai dit que… je voulais.

— Il est tout autant fautif que vous, non ? S’il participe, qu’il assume les conséquences sur son couple.

— S’il vous plaît. On peut trouver un arrangement.

— Vous essayer de me soudoyer ?

— Vous aimez les femmes, à ce qu’on dit ?

Je fronce le sourcil qu’il me reste.

— Les rumeurs vont vite.

— Vous avez le droit de me donner un gage par jour, je fais tout ce que vous désirez, absolument tout. Et en échange, Éric ne reçoit pas d’avertissement… enfin si je suis à votre goût.

La proposition me scotche sur ma chaise. Mon corps se réveille d’une humeur emplie de curiosité, ma tête dit de la licencier tandis que mon cœur me dit de lui laisser une chance. Clémence n’ayant rien commis de grave ni d’irréparable à mes yeux, je lui dis en sortant ma pièce de ma veste :

— Une partie de moi me commande d’être incorruptible, une autre est curieuse. Puisque vous êtes joueuse, jouons. Face intacte, je lui colle un avertissement et vous un blâme pour tentative de corruption. Face rayée, j’accepte votre jeu et je vous donne un gage.

Ses doigts se crispent sur sa jupe. L’ongle de mon pouce fait tinter la pièce qui s’élance vers le plafond, puis retombe en silence. Clémence retient son souffle, jusqu’à ce que j’ouvre mes doigts pour révéler le résultat : face rayée.

— Ferme la porte à clé et déshabille-toi. Je veux te voir en sous-vêtement, et je te dirai si tu es à mon goût.

Clémence se déshabille lentement, sans aucune sensualité, presque tremblante et ça ne m’excite pas. La veste et le chemisier sur le dossier de la chaise, elle ôte la jupe.

— Tourne-toi lentement, sans jamais t’arrêter.

Habituée à être commandée, en lingerie noire et montée sur ses talons, elle me laisse admirer ses abdominaux affinés, ses fesses rebondies et fermes. Tout son corps athlétique tranche avec une harmonie bancale ses airs de binoclarde coincée. Elle n’a aucun hématome ou aucune trace de pratiques masochistes. Après qu’elle ait fait trois tours, je conclus :

— Tu es à mon goût, tu peux te r’habiller. Je ne convoquerai pas Éric.

— Merci.

Elle enfile ses fringues, puis avant qu’elle parte, je me lève puis m’adosse à mon propre bureau.

— J’ai une question.

— Oui.

— As-tu déjà fait ça avec une femme ?

Elle secoue la tête.

— Bien, alors voici ton premier gage. Enlève ta culotte et donne-la moi.

Elle s’exécute. Une fois la dentelle noire entre mes mains, je lui dis :

— Demain, ce bureau dix-huit heures, juste le temps pour moi de trouver un meilleur gage. Si tu n’es pas là, je convoque Éric à ta place.

Elle s’incline puis se retire. Je regarde la culotte qu’il me reste sans savoir quoi en faire.

Le soir tombe, je reste seule, alors j’allume ma web-cam pour parler à Giulia :

— Coucou mon Sexy Monster.

— Coucou ma belle Italienne.

Je fais tourner la culotte autour de mon index, et elle s’étonne :

— Tu veux un plan cam ?

— Non.

— Hmm. Tu as tes règles, donc je dirai que ce n’est pas la tienne.

— Bingo !

— C’est celle de ta secrétaire ?

— On peut dire ça.

— Ne me dis pas que t’a couché avec ta secrétaire !

— Non !

Un sourire de soulagement embellit son visage.

— Tu l’as eu comment ?

Je lui narre toute l’histoire avec sincérité, et lorsque je conclus, Giulia a les yeux qui pétillent d’amusement.

— Voilà. Je ne sais pas si je dois lui donner un autre gage.

— Tant mieux, je ne voudrais pas que ça dérape.

— Jalouse ?

— Tu sais bien que je suis excessivement jalouse. Et je serai très vexée si j’apprends que c’est avec une fille moins bien carénée que moi. Je te connais, Sexy Monster.

— Tu sais, tu auras les seins qui tomberont un jour.

— Les tiens avant les miens. — Elle prend une voix de fausset chevrotante. — Et si tu te tapes des petites jeunes, gare à toi.

— C’est noté, souris-je.

— J’y vais, je vais être en retard au close-combat. À demain soir !

— Je t’aime.

Elle a de la chance d’aller s’entraîner. Alors que la caméra reste figée sur sa chambre vide, la lassitude me fait soupirer. J’ai envie d’elle physiquement, la distance me ronge. Un peu déçue par sa jalousie car pour moi sentiments et jeux érotiques peuvent être séparés, je me fais une raison. J’avais beau m’être promis de ne plus tomber amoureuse et de m’amuser au gré de mes rencontres, je suis verte quand je pense qu’elle va faire du close-combat. Si j’apprenais qu’en plus elle s’amuse dans les vestiaires avec une autre fille, je pèterais une durite. Je suis jalouse aussi. Il faut me faire une raison, c’est un package qui va avec l’amour.

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