I

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24 août 1270, port de La Goulette, Ifriqiya

En cette matinée du 24 août de l'an de grâce 1270, moi, Jean de Joinville, je débarquais dans le port sarrasin de La Goulette en compagnie des nombreux renforts croisés placés sous le commandement de Charles Ier d'Anjou, le frère du roi Louis IX.

Dès que j'ai appris l'incroyable nouvelle, j'ai pris un navire depuis Aigues-Mortes, renonçant à mon vœux premier de rester dans le royaume de France. De là, j'ai rejoint Charles d'Anjou en son royaume de Sicile dont il est le roi depuis maintenant quatre ans. Nous partîmes comme prévu quelques jours plus tard, les bateaux chargés des renforts pour la huitième croisade.

Fort du miracle dont l'écho s'était vite répandu en Méditerranée, le port ne résonnait pas uniquement des cris des hommes et du fracas métallique des armes et des armures de mailles. Non, le matin de notre débarquement, le port de La Goulette vibrait littéralement sous le tonnerre des vivas et l'éclat des clairons.

C'était le cœur gonflé d'allégresse que je contemplais les chevaliers croisés chanter les louanges du succès prochain de notre entreprise. Tandis qu'au même instant, les étendards multicolores, parés des blasons de cette multitude de barons aux origines diverses, se dressaient déjà vers le ciel, comme une provocation envers les sarrasins et en particulier le sultanat de Tunis.

Je n'avais qu'une hâte, celle de me diriger vers Carthage, lieu de retraite de notre première armée, pour y retrouver mon ami et seigneur le roi Louis.

Et pouvoir rencontrer son divin sauveur.

Car Louis, qui a passé sa vie à se comporter comme un roi juste et un saint homme, a trouvé grâce aux yeux de Dieu. Dans son immense miséricorde, celui-ci a envoyé un de ses anges guérir le roi, son fils et tous les soldats du Christ, jusqu'alors décimés par une épidémie de dysenterie.

En effet, à la fin juillet, les nouvelles qui nous parvenaient de l'avancée de la huitième croisade n'étaient pas bonnes. Le sultan de Tunis, rompant sa promesse, n'a pas voulu se convertir et a retranché ses forces derrière les murs de la ville, contraignant le roi à engager un siège. Mais rapidement, le typhus et la dysenterie ont commencé à ravager l'armée croisée. Appliquant une retraite de bon sens, le roi Louis a attaqué et pris la ville de Carthage, qui est tombée le soir du 24 juillet. Cependant, bien que protégés par les murs de cette cité, nos hommes ne purent lutter contre le plus insidieux des ennemis. Et les premières victimes de la maladie commencèrent à être déplorées. Le fléau n'épargnant personne, Jean Tristan, un des fils du roi, puis notre monarque lui-même souffrirent des affres de la maladie.

Un voile sombre recouvrait une nouvelle fois les espoirs de croisade de notre bon roi Louis. Après l'échec marquant de la septième croisade vingt ans plus tôt, dont les sables de l’Égypte ont scellé la défaite, voilà de nouveau qu'une route semée d'injustes embûches venait barrer l'accès à la gloire éternelle pour notre souverain.

Mais cette fois, Dieu n'avait pas abandonné ses fidèles serviteurs. Devant la détresse du roi et de son fils, le Seigneur a envoyé un de ses anges pour guérir les plaies et guider nos âmes pures sur le chemin du succès.

Le miracle qui s'était produit ne faisait aucun doute quant à la divine engeance de cet individu : rémission totale, du roi et de son fils, puis ensuite, de tous les chevaliers atteints par la maladie.

Alors comme moi, tous les nouveaux arrivants espéraient voir de leurs propres yeux l'envoyé de Dieu. La seule mention de son existence galvanisait chaque individu et nous avions tous l'espoir secret qu'il s'agissait là de l'ultime croisade.

Celle qui marquera l’avènement du christianisme dans l'ensemble du monde connu.

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