Chapitre 34 - Le vieux singe fait la grimace

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Je tombe sur la chaise qui m'est destinée avec élégance derrière l'immense bureau en acajou de Monsieur Carvin.

Étonnamment, j'y ai trouvé une décoration très colorée de minuscules statuette en forme de femme dans des positions olé olé ornant son plan de travail. Mes petits talons s'enfoncent amoureusement dans le tapis à poils longs aux couleurs de l'orient qui domine la pièce. Sur les murs on y trouve plusieurs styles de tableaux. Ma surprise en trouvant le seul signé de Birdy me fait ostensiblement hausser les sourcils. Carvin le remarque aussitôt et s'en amuse.

—Vous n'aimez pas l'art ?

—Si, bien sûr que si Monsieur Carvin. Je suis juste surprise de trouver ce tableau à cet endroit précis c'est tout.

—Et pourquoi cela ?

— Parce que l'artiste est peu connu. J'ai justement fait un vernissage récemment où cet artiste était mis à l'honneur.

— Oui, dans la grande galerie du centre, j'y étais également. Cette œuvre, fait partie de la collection que ma fille a offerte à son fiancé. Ce dernier m'en a fait cadeau à son tour, en se présentant officiellement à moi. Pour la seconde fois de la journée, mon corps vacille.

—Votre fille ? Annabelle Justo où est votre fille ?

Le sourire narquois de l'homme s'efface quelque peu, et une ride profonde s'enfonce au milieu de ses deux yeux. Pendant un instant, il semble déçu. Mais il se reprend.

— Vous n'êtes pas très renseigné de ma personne, j'avoue être un peu décontenancé.

— Pourquoi donc ?

— En général, les gens qui entre par cette porte font au moins un tour sur Wikipédia avant de se présenter devant moi.

Monsieur Carvin est très imbu de sa personne. Naturellement, je ne prête aucunement attention au statut social ou encore aux richesses des personnes que je croise. Ils ne sont pas plus immortels que moi. Aussi, je ne me suis pas plus renseigné avec cela sur lui. Juste de quoi avoir les bases. Ce qui me fallait pour pouvoir me confronter à lui aujourd'hui.

Enfin, avec ce qu'il vient de me dire, je regrette mon ignorance. Légèrement décontenancée, je me redresse sur ma chaise, mes yeux s'accrochent à la petite pancarte sur sa table avec écrit en gros caractère "Richard Josh Justo Carvin". J'inspire profondément et récupère une honce de professionnalisme.

—Monsieur Carvin, vous vouliez me rencontrer et je suis là. L'homme souffle en haussant à sourcils puis se vautre lestement sur sa chaise avant de me toiser tout en me répondant :

— Ma chère, je suis de près vos travaux depuis quelque temps maintenant, et je dois dire que je suis très intéressé par l'efficacité de votre travail.

— Vous m'en voyez honorée, mais cela ne justifie en rien ce rendez-vous.

— Certes. Je tenais à vous rencontrer pour voir le génie qui se cache derrière cette collection et ce talent pour l'édition.

— Vous devriez vous en informer auprès de votre fille, je travaille avec elle.

—Je le sais, mais nous sommes en froid. Cela est dû au fait, qu'elle ait choisi la concurrence au vu de mon refus pour le poste de rédactrice en chef chez Just Dress.

—Pourtant, je viens de vous voir avec Monsieur Kingsrock, vous m'aviez l'air en bons termes.

— Vous êtes talentueuse, mais pas perspicace. J'entretiens toujours de bonnes relations avec mon concurrent direct. J'ai un profond respect pour lui, surtout Monsieur Kingsrock père que je connais depuis des années. Autrefois, j'avais espéré m'associer avec lui par le biais d'Annabelle. Mais King junior s'est opposé à cette union.

Parle-t-il de mariage ?

— Pourtant, aujourd'hui, cela me paraît possible, puisque mon patron et votre fille se sont fiancés.

—Certes. Riley semble avoir pris du plomb dans la tête, c'est pour cela qu'il m'a offert ce tableau, mais je me méfie. J'aimerais donner du sang neuf à mon magasine. Et pour cela, j'ai besoin de quelqu'un de jeune à mes côtés. Mes collaborateurs sont formidables, mais ils s'épuisent... Je vais être bref, j'aimerais que vous travaillez pour moi.

— Qu'attendez-vous de moi exactement ?

— C'est très simple, une exclusivité complète pour mon magazine, en coupant intégralement les ponts avec DCK.

— Et pourquoi ferais-je cela ?

—Voyez-vous mademoiselle Crossley, cela fait des années que je m'intéresse à l'art...

Mais où veut-il en venir ?

— ... J'arpente des vernissages et autres galeries d'art depuis des lustres. Je me suis intéressé tout particulièrement à l'œuvre de Birdy dès ses débuts. J'ai enquêté sur elle et j'ai trouvé des choses intéressantes.

Des perles de sueurs commencent à se former sur mon front, mon corps se raidit dans le siège pourtant si confortable où je suis installée, et je ne peux m'empêcher de pincer les lèvres. Mon comportement fait rire Carvin qui pendant des années, a dû observer le les gestes et postures de tous ses concurrents face à lui.

Il sait que je sais et je sais qu'il le sait.

— Ma chère, j'aimerais faire une pierre deux coups. Ce serait pour moi tout à mon avantage d'embaucher la jeune Birdy en tant que rédactrice en chef de mon magazine tout en mettant en avant son talent inné pour la peinture qui j'en suis persuadé dans quelques années percera au grand jour.

Les mots me manquent, l'air me manque et étonnamment Riley me manque. Que faire ?

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