Chapitre 1 - Il faut bien commencer!

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— Crossley, c'est froid. Je ne vous cache pas que c'est la fois de trop !


J'adore écouter la voix hystérique de mon petit chef chauve et bedonnant dès le matin.
Il n'est pas encore huit heures, et mon désir de lui renverser son café dégueulasse sur la tête me chatouille déjà le bout des doigts.


— Pardon, Monsieur Crisp, il y avait la queue chez C&T ce matin...


— Ce n'est pas mon problème. Votre job est simple ! Vous livrez les cafés, les journaux et les autres sandwichs à tous les employés de cet étage... Faites un effort bon Dieu ! Je ne pensais pas qu'il fallait avoir un cerveau surentraîné pour ça, sinon je ne vous aurais pas embauchée !


Mais pour qui se prend cette barrique à merde ?!

Il est clair que je ne suis pas faite pour ce boulot, soit. Pourtant, il me faut m'en contenter, le temps de percer dans MON vrai travail.


La confection de lingerie et maillots de bain s'est révélée à moi depuis quelques années. Malheureusement, ce monde de requins est difficile à atteindre pour une jeune écervelée de vingt-sept ans avec des rêves plein la tête.


Toujours la même rengaine...

Je livre les caprices matinaux des petits chefs sans importance jusqu'à midi, ensuite je relève le courrier. C'est après que je m'éclate vraiment.


(Je vous en reparlerai plus tard.)


Un problème n'arrivant jamais seul, j'ai un connard en attente. Bip, bip...bip...


— Kira, j'avais dit sans gluten.


C'est dommage ! Jusqu'à présent John Car, était de loin le collègue que j'appréciais le plus. J'imaginais d'ailleurs qu'il en était de même pour lui vis-à-vis de moi. Après cela, je ne me ferai plus de film à son égard.

Sans ménagement, je lui octroie un œil mauvais, suivi de mon sourire diabolique.
Ce trentenaire maigrichon aux boucles trop fournies sur son crâne, n'a vraiment aucun charisme.

Sans gluten ! pff et puis quoi encore?

Je m'avance vers lui avec fureur. Pas de pitié. Il sait pourtant que Crisp me met dans tous mes états si tôt le matin.


Tant pis pour John... Il en subit aussitôt les conséquences.


Je lui arrache le sandwich des mains et le dénude du plastique l'enveloppant devant ses yeux ébahis. Le vide-poche sur son bureau fera l'affaire. Le secouant pour en extraire les trombones, épingles et autres babioles, je l'entrepose entre ses mains frêles. Un coup d'œil vers son visage et le constat est pathétique. Il gobe presque les mouches sans broncher. Alors je continue et extirpe la salade, la tomate, le concombre et la carotte de son déjeuner. Dans un mouvement exagéré, j'entasse le mini potager dans le contenant en porcelaine. Le pain bourré de "méchant gluten" finit quant à lui, directement dans la corbeille se trouvant à mes pieds.


— Satisfait ?


Je redresse mes lunettes carrées en fronçant le nez pour exagérer ma colère.
Je ne suis pas idiote, ce comportement me vaudra une sanction. Cependant, je me sens beaucoup mieux. Cela fait deux ans que je supporte ces imbéciles, mais l'avenir radieux que j'entrevois pour moi, me fait perdre toute patience, et toute peur de représaille.


Ma tournée se termine rapidement après cela. Les regards interloqués de mes collègues qui ont assisté à la scène, continuent de me coller à la peau mais je les ignore. Le patron n'est pas là aujourd'hui. J'en conclus que je passerai à la casserole assez tôt, dès demain.


La deuxième partie de mon job peut commencer, et c'est celle que je dénigre le moins.


Le courrier.


Il me faut descendre les trois étages de l'entreprise pour arriver au service administratif. Le clin d'œil de mon amie Dorothée me redonne le sourire. Cette petite blonde s'est toujours montrée compatissante et gentille à mon égard.

En plus de ça, elle m'avance quand elle le peut pour trier les lettres et paquets correspondants aux différents étages. Elle me fait gagner un temps monstre.
Cette fois, Dor me sourit et se lève rapidement de sa chaise pour venir me tendre une petite boîte à mon attention.


— Elles sont arrivées, m'acclame-t-elle plus empressée que moi.


Une sensation de bonheur m'envahit. Cela fait tellement de bien que je pourrais lui rouler un palot sur ce bureau. Je ne suis pas lesbienne, mais quand même, Dorothée est sacrément bien roulée.


Sans plus attendre, je saisis le dit paquet et déchire délicatement le scotch ridiculement posé à profusion sur un si petit carton. Un ultime regard enjoué vers Dor qui est déjà témoin du début du reste de ma vie.

Impatiente et excitée...

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