Chapitre 94 - Reproches

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Mon souffle se fait bruyant. Est-ce qu’il l’entend ?

J’hésite longuement avant de lui répondre. Son visage parait si dur et déçut à la fois que je cherche mes mots afin de ne pas le blesser davantage. J’aimerais qu’il comprenne mon geste, mais si je lui annonce qu’après le simple discours de son père, je serais partie de toute façon, sans même un billet vert dans les mains...

Oui. Je l’aimais déjà tant que j’aurais été prête à tout pour son bonheur, même disparaître de sa vie...

— Parce que tu es devenu celui que tu es sans moi. Un homme droit, professionnel et honnête. Je ne sais pas comment cela aurait tourné si j’étais resté, mais je pense que tu n’aurais peut-être pas suivi ton père. Je suis partie en n’imaginant pas un seul instant que tu avais le moindre sentiment pour moi. Juste une fille de plus... Et que cela te serait égal. Je pensais que tu m’oublierais vite. C’est ce que j’ai cru quand je t’ai vu dans ce magasine au bras du mannequin. Déballée-je dans un élan de courage.

Mon visage perd en assurance et je choisis de baisser la tête comme résignée à encaisser ses foudres. Mais, Riley avance d’un pas et me saisit doucement le menton pour me relever la tête et fixant intensément mes yeux. Nous nous toisons un long moment, et le gris de l’acier dans le fond de ses pupilles me fait fondre. La chaleur de ses doigts glisse à travers ma peau pour courir dans mes veines et atteindre mon cœur meurtri. Il m’a manqué. Tellement manqué.

— Tu n’as aucune idée de ce que j’ai ressenti. Tu te trompes sur moi, je n’étais pas aussi superficiel que j’en avais l’air, tout comme maintenant. Je sais que j’ai merdé... Crois-le ou non mais je compensais simplement ton absence par les autres femmes. Aucune n’a su combler ce vide en moi. Je pensais ne pas être assez bien pour toi, alors je me suis mis au football, pour essayer de t’atteindre... Quel idiot ! Je ne suis qu'un pauvre handicapé du sentiment Katherina.

Mon nom frémissant de sa divine bouche résonne en un vacarme insondable à moi. Je sens les battements de son cœur s’intensifier lorsque sa main court sur mon cou malgré lui, il se ressaisit et s’éloigne en balançant doucement la tête de gauche à droite semblable à un boxeur s'apprêtant à gagner un combat de boxe.

Que se passe-t-il dans sa tête ? Est-ce vraiment fini ?

Je suis venu à sa rencontre, convaincue que tout espoir était mort le soir du gala. Mais maintenant qu'il se tient là, devant moi, plus rien n'est clair. J'essaie de me concentrer sur ce qui est important, pourtant, les seuls mots qui me reviennent en tête sont ceux qu'il m'a dit trois minutes plus tôt...

— Tu m'aimais vraiment alors ?

Surpris par ma voix à peine perceptible, Riley fait volte face. Dans un long soupir, ses épaules s'affaissent doucement, et il fait tomber les quelques pas qui nous sépare en agrippant mes épaules pour poser fougueusement ses lèvres sur les miennes. Je me fige sans avoir eu ma réponse.

Est-ce réel ? C'est si délectable que je manque de m'effondrer de douleur. Mais mon ancien amant me soutient et perce le chemin menant à ma langue. Ce baiser est d'une caresse étrange et mystérieuse. Jamais encore je n'avais ressenti ça. Je romps la première ce petit moment de bonheur afin de reprendre mon souffle. Son regard est avide et brillant de plus.

Je le sens. Je le connais.

Mais la tristesse persistant sur lui fait ombrage à tout éventualité de fin heureuse.

— Pourquoi ne pas t'être vraiment présentée quand tu es arrivée a DCK?

Les méandres qu'engendre cette question tant redoutée résonne en une supplication qui me fend le cœur. Peu importe la raison que je lui donne, rien n'excuse cette bêtise.

— Je ne savais pas comment... J'ai pensé que tu ne saurais jamais et je me suis cachée derrière ma peur, sans me douter que tout cela prendrait un tel tournant. Tu allais te marier... J'ai cru que c'était mon châtiment pour être parti, il y a dix ans.

— Tu as eu plusieurs occasions... À la galerie, aux archives... Je pensais t'avoir tendu assez de perches ! Bon sang !

Les yeux ronds, mon corps tressaille devant son agitation. Soudain, je percute...

— Tu savais  ?

— A la minute où je t'ai vu. Mais après notre entretien dans mon bureau j'ai eu des doutes. J'ai cru que mon esprit torturé me jouait encore des tours. Tu sais, j'ai cru te voir une bonne dizaine de fois depuis le lycée, mais à chaque fois, je me fourvoyais, déçu... J'espérais tellement.

Cette fois, c'est à mon tour de jouer l'instigateur.

— Si tu savais... Si tu m'aimais, alors pourquoi être parti après le gala de bienfaisance ? Son corps se raidit, mais il répond rapidement, en fronçant les sourcils :

— J'étais en colère. Tu t'exposais au grand jour sans même avoir été sincère avec moi. Tu as préparé ton départ de l'entreprise en catimini. Comment veux-tu que je réagisse ? J'ai ressenti la même colère et frustration que le jour où tu es parti du manoir familial sans laisser de trace. Tu t'es foutu de moi !

Je reçois cette accusation en plein cœur. Il ne comprend pas. Peut-être ne veut-il pas essayer. Trop d'années sont passées. On ne se connaît pas. On ne se connaît plus...

— Alors, que faisons-nous maintenant ? Lachée-je dans un calme absolu, sans essayer de me défendre.

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