Chapitre 49 - La débandade

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Le trente

Aujourd'hui, une certaine frénésie anime mon être tout entier. C'est la sortie du magazine auquel j'ai passé de longues heures à m'acharner pour rendre un travail plus que satisfaisant à mes yeux. Je vais enfin pouvoir le contempler avec mon nom écrit en bas de la page dix et j'avoue avoir pris goût à cela. On pourrait aisément penser que c'est une pure vantardise de ma part, mais je considère cela davantage comme une récompense de mon dur labeur.

Pourtant, je décide également de prendre celui de Just Dress juste au cas où... Comme d'accoutumer, avant de gagner dans le bâtiment de DCK, je prends mon café à quelques mètres de chez moi, et achète les deux magazines pour m'accompagner à mon bureau.

Oh mon Dieu, il a osé...

Sidérée, je constate que les couvertures sont quasiment identiques.

Encore...

Mais Carvin a fait fort cette fois-ci, car même les caractères inscrits sur la couverture illustrant une femme élégamment vêtue d'un tailleur moderne, recouvrent la première page de notre concurrent. C'est demain que je dois donner ma réponse, et le constat alarmant du contenu des deux magazines une fois de plus, me met en colère et m'inquiète fortement.

Carvin est impatient, il me fait comprendre que je n'ai pas le choix... Mais comment a-t-il fait, alors que nous avons pris soin de ne rien laisser transparaître ?

Au vu de cette nouvelle alarmante et matinale, c'est stressée que je franchis les portes de DCK.

Pourtant, en arrivant au sixième étage, je ne m'attends pas voir autant de remue-ménage. Tout le monde court dans tous les sens.

Enfin presque tous...

Riley manque à l'appel. Je parviens à traverser la zone de combat entre ceux qui courent les bras chargés de dossiers et ceux qui piétinent presque les secrétaires. Les téléphones n'arrêtent pas de sonner. J'ai l'impression d'être à Wall Street...

Alyssa est toujours fidèle au poste. Son allure d'actrice porno avec ses cheveux légèrement ébouriffés et son maquillage coulant me donne froid dans le dos, alors qu'il n'est même pas dix heures.

— Ah chérie, te voilà enfin...

Son soulagement est de courte durée, puisqu’elle se retrouve happée par une énième sonnerie affreuse provenant du téléphone noire trônant devant son nez. J'attends un instant et la secrétaire met son interlocuteur en attente devant moi.

— Un instant je vous prie, lâche-t-elle, promptement avant de m'implorer avec ses yeux de merlan frit.

— Dis-moi que tu as lu le magazine ?

— Oui, comme tout le monde apparemment. Qu'est-ce qu'il se passe ?

— Réunion de crise. Est-ce que tu as croisé Monsieur Kingsrock ce matin?

— Non, j'aurais dû ?

— Roo c'est pas vrai, fulmine-t-elle, désespérée.

— Alyssa, où se trouve Ri... Monsieur Kingsrock ?

Voyant ma pauvre amie se fermer comme une huître visiblement dépassée par les évènements, je pose délicatement ma main sur la sienne pour tenter de la consoler un peu.

— Je ne sais pas où il est... Il avait rendez-vous ce matin, j'ai dû le décommander pour lui... Il est injoignable. On essaie de faire sans lui pour le moment. Jusqu'à présent j'arrivais à gérer la situation, mais je suis à bout...Kira, cette fois-ci ça ne rigole plus, nos ventes ont dégringolé de plus de quarante-cinq pour cent... C'est une catastrophe... Je ne suis qu'une secrétaire...

— Alyssa, Alyssa, calme-toi... FRIDA !

La pauvre fille dans le même état que les autres, s'arrête juste devant le bureau alors que je l'interpelle.

— Oui !

— Lâche ce que tu es en train de faire et aide Alyssa s'il te plaît...

— Mais, ce n'est pas mon boulot...

J'arrive à sentir de l'animosité dans le regard trop maquillé de cette peste, mais je n'ai pas le temps de la convaincre et envoie ceci comme un ordre.

— Monsieur Kingsrock est absent, et Alyssa, ne peut pas gérer toute seule les appels, alors tu poses tes dossiers, là, et pose ton cul sur cette chaise pour prendre des appels en doublon avec elle !

Mon ton sec surprend la maquilleuse, puis elle jette un furtif regard à Alyssa, avant de me fixer longuement.

— Très bien, je vais chercher un autre combiné.

— Merci Frida...

La grande brune s'éloignant, Alyssa me regarde admirative avant de me sortir :

— Comment as-tu fait ?

— La persuasion. Je réfléchis rapidement à ce que je pourrais faire pour tenter de calmer ce drame qui se prépare dans tout l'étage mais la secrétaire continue de me questionner.

— Que comptes-tu faire chérie ?

— Je vais trouver Riley !

— Mais Justo...

Je l'entends d'ici, crier à tout va, contre de simples coursiers qui ne sont en rien responsable de tout ce manège, et enchaîne pour rassurer Alyssa :

— Ne fais pas attention, fais ton travail et ça se passera bien.

Visiblement très douée pour la persuasion, les yeux humides d'Alyssa recouvrent leur vigueur d'antan et elle opine avec un faible sourire.

Parfait, j'espère que cela suffira pour ce matin.

Furieuse, j'abandonne la pauvre secrétaire a son poste pour franchir la porte du bureau de Riley. Même si ce dernier est absent, j'essaie de trouver un indice qui pourrait m'indiquer l'endroit où il a bien pu se rendre de si bon matin.

Sa veste est posée sur le dossier de sa chaise. Tiens, il est déjà passé par là ?

Une montagne de papiers entassés trône sur son bureau accompagnée d'une tasse à café froide. Je feuillette rapidement les documents. Rien de très révélateur à l'horizon. Ce ne sont que les chiffres des ventes des mois passés, les projets en cours et la liste des employés.

Mais que cherchais-tu ?

Soudain, c'est le déclic.

Non, il ne s'y trouve pas ? Il n'aurait pas abandonné ses troupes ? ... Il faut que j'en ai le cœur net.

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