Comme tout le monde, j’attends, sans m’attendre à rien.

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La piscine de Reiner pue le chlore, mais ça reste une piscine. Immense. Je suis à la dérive, avachie sur mon flamant rose mal gonflé pendant que Lily patauge comme un petit chiot, agrippée à un arc-en-ciel de frites en mousse. Reiner est au grill. C’est un cliché que je trouve sexy.

Reiner est beau. Je crois pas qu’il s’en rende vraiment compte. Plus que beau, Reiner est une créature de film : l’homme trophée d’une comédie romantique ou l’objet humain d’une pub pour parfum tendancieuse qui joue en boucle dans ma tête. J’ai envie de lui, tout le temps.

— Vous allez vous marier ? demande Lily.

À moins qu’elle sache lire dans les pensées, je dirais que sa question sort de nulle part.

— Qui, Reiner et moi ? Non.

— Pourquoi ?

— Elle est débile, ta question.

— En quoi ?

— En tout.

Je me dis souvent que ma meilleure nièce et moi, on vit sur deux planètes différentes, aussi rarement alignées que le soleil et la lune. Ça va bientôt faire une semaine qu’on attend une éclipse. Ou un coup de fil de David.

Le problème, c’est que mon frère est sur son glaçon comme sur un petit nuage. Vingt ans que plus rien ne l’atteint. Ce type est spectateur de sa propre vie et baille au nez des pires drames de son existence. Puis Lily, dans le fond, c’est le problème d’Emma depuis sa demande de garde exclusive. Et c’est le mien depuis que j’ai accepté de l’accueillir chez moi.

— À ta place, je l’épouserais, repart Lily. Il est gentil, intelligent, et il est super riche.

— Si y a que ça pour te rendre heureuse, tente ta chance, il est célibataire.

Le rouge lui cuit les joues.

— Il est pas célibataire, vous… vous dormez ensemble.

— Je dors avec plein de gens, poussin.

— Oui mais, Reiner est pas juste quelqu’un ! s’indigne-t-elle.

— Bien sûr que si.

À ça près qu’il est patient, attentionné, doux, charismatique, drôle, adroit, vigoureux, que l’idée de l’emprisonner entre mes cuisses l’obsède… Mais aujourd’hui, Reiner à une ride gravé dans l’entre-sourcils. Quelque chose le préoccupe ; peut-être son boulot, peut-être sa famille, la limite est ténue. Il se concentre un peu trop sur la découpe de sa viande, qu’il aime en cube régulier ; mon superhéros est un peu maniaque.

Parfois, j’imite ses gestes. J’essaie de comprendre ce qui lui passe par la tête en m’appropriant ce qu’il extériorise. Comme lui, je sculpte ma nourriture, plante la fourchette en diagonale, porte la pièce à ma bouche et…

Nausée violente. J’assassine la volupté de l’après-midi en vomissant dans le bac à glaçons.

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