La bourse ou la vie !

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Dans une petite contrée loin de tout, se dressait un petit village, malgré le terrain accidenté de la région et le peu de fertilité de la terre. Le climat était rude : l'été était aride et sec, l'hiver, glacial et neigeux. Seuls le printemps et l'automne étaient propices à la culture de la terre.

Malgré ce climat capricieux, des humains s'étaient rassemblés et avaient fini par bâtir un petit rameau, petit à petit.

Aujourd'hui, les terres appartenaient toutes à une seule et même personne. Celle-ci permettait aux habitants de les exploiter, moyennent un impôt qu'ils devaient payer tous les ans. Les pauvres Hommes ne pouvaient se plaindre : ils n'avaient nulle part où aller, dans cette région hostile. Alors, ils se contentaient de survivre, travaillant la terre à la sueur de leurs fronts et priant pour que leurs récoltes ne soient décimées par une pluie torrentielle ou une soudaine sécheresse qui épuiserait les ressources d'eau.

Le propriétaire de village – ou serait-il plus correct d'appeler cela un hameau – était un vieil homme qui habitait la plus grosse maison, à l'écart des autres. Il fallait remonter un petit chemin pour y accéder. On se retrouvait alors devant de grandes grilles en fer et un mur de pierre faisait le tour de la propriété, empêchant quiconque de pouvoir jeter un coup d'œil à la bâtisse. Les seules personnes autorisées à entrer étaient les serviteurs du vieil homme qui se comptaient sur les doigts des mains.

La dernière fois que les habitants l'avaient vu remontait au printemps dernier. D'après les souvenirs des témoins, c'était un vieux monsieur voûté, comme replié sur lui-même, et rachitique. Il avait le crâne chauve et une longue barbe blanche lui mangeait le menton. Il jetait constamment autour de lui des regards mi-terrorisés, mi-soupçonneux. Toujours d'après les témoins, il n'arrêtait de se frotter ses mains, et de marmonner tout seul dans sa petite calèche, conduite par un homme.

Nul ne savait depuis quand il était devenu le propriétaire des lieux. Peut-être avait-il toujours vécu, ici. Il devait être né dans le village, et il mourrait très certainement dans ce même village. Il n'avait jamais dû quitter le clocher de son église.

Mais ce n'était par pour son physique repoussant ou ses airs mystérieux que les gens du village ne l'aimaient pas. Non, c'était à cause des impôts qu'il ne cessait de prélever toujours plus important, chaque année. Le montant devenait de plus en plus exorbitant, et les habitants commençaient à rechigner à le payer. Ils se réunissaient tard le soir, et organisaient des réunions tenues secrètes. Certains commençaient à parler de rébellion, d'autre d'indépendance vis-à-vis du vieillard car, contrairement à eux, il ne vivait pas dans la pauvreté. Avec tout l'or qu'il amassait sur leur dos, il devait avoir une vie de luxe, c'était certain.

Mais les habitants se trompaient. En effet, le vieillard possédait une certaine fortune. Mais celle-ci dépassait ce qu'ils pensaient. S'il avait amassé tant, c'était au prix de nombreuses privations.

Comme chaque soir, le vieillard quitta son siège dans la cuisine. Lorsqu'il se leva, la pauvre et unique chaise grinça de douleur. Elle ne tenait plus qu'en équilibre, et elle semblait à tout instant prête à s'écrouler.

Le vieil homme sortit d'un tiroir une bougie déjà bien entamée, et traversa un couloir, seulement illuminé par les rayons de la lune. Il ne devait pas gaspiller son éclairage. Les bougies coûtaient de plus en plus cher ces temps-ci, et il n'allait pas se ruiner pour ça. De toute façon, il y voyait très bien.

Il se dirigea alors à l’extrémité sud de la maison, traversant des salles plongées dans le noir. Mais il ne se perdait jamais et se cognait encore moins. Il connaissait le chemin par cœur et il pouvait même le faire les yeux fermés.

Il arriva enfin devant une grande porte. Il farfouilla dans la poche de sa vieille robe en tissu trouée, qui lui servait aussi bien de pyjama que de vêtements de soirée. Il se retourna brusquement, et regarda le couloir par lequel il venait d'arriver. Lorsqu'il fut sûr qu'il était seul, il inséra la clé dans la serrure, entrouvrit juste assez la porte pour que son corps maigre puisse s'y faufiler, avant de la refermer. Là, il alluma sa bougie et la posa sur le bureau, unique meuble de la pièce. Ses yeux se mirent alors à briller et une grimace, ressemblant à un vague sourire, se dessina sur ses fines lèvres. Le moment préféré de sa journée.

Il se dirigea vers le mur du fond et, après avoir pris une clé dans le tiroir de son bureau, il ouvrit un coffre qui s'y trouvait enchâssé. Là, il prit délicatement le contenant et le posa sur le meuble. Devant lui, étaient posé d'énormes lingots d'or qui se reflétaient à la lumière de la bougie.

Petit à petit, il ouvrit les six autres coffres-forts, et s'empara de tout l'or qu'ils renfermaient. Il prit délicatement entre ses vieux doigts les pièces, lingots et autres morceaux d'or. Il les regarda, comme subjugué par leur beauté. Il se mit à leur parler, en chuchotant, comme un Homme l'aurait fait pour s'adresser à son enfant. Alors, il se saisit d'un chiffon aussi vieux que lui et commença à les polir doucement, presque respectueusement. Au fur et à mesure, deux piles se formèrent sur le bureau. Le vieillard était en train de compter sa fortune. Bientôt, le bureau grinça sourdement comme l'avait fait la chaise, et le vieil homme continua de déposer ses trésors à même le sol poussiéreux.

Il passa une bonne partie de la nuit dans cette pièce. Lorsque tout son or fut nettoyé, il écrivit quelques gribouillis dans un vieux cahier dont les pages manquaient de s'arracher sous le stylo presque vidé d'encre. Puis, il rangea sa fortune impeccablement et équitablement répartie dans les coffres-forts. Il souffla la mèche de sa bougie, et sortit. Il s'assura que la porte soit bien verrouillée et monta se coucher.

En chemin, il pensa à la révolte qui était en train de monter chez les habitants. Il allait devoir trouver un moyen de régler ça. Il n'allait certainement pas baisser les impôts, ça non ! Il leur faisait déjà un cadeau en ne les ayant pas augmentés cette année mais il était hors de question qu'il passe une seconde en se privant. Sa fortune ne cessait de diminuer à vue d'œil et bien qu'il achetait de moins en moins de choses, cela ne faisait pas baisser ses dépenses.

Soufflant de tristesse, il se glissa sous ses draps sales. Il s'endormit, et se mit à rêver de révoltes et de pièces d'argent qui s'échappaient par ses fenêtres.

Il fut réveillé par un vacarme incroyable venu d'en bas. Immédiatement alerte, il bondit de son lit et sortit dans le couloir. On allait s'en prendre à son or, c'était certain. Il descendit les escaliers lorsqu'il aperçut de la lumière provenant du salon. Bon dieu, il n'y avait pas intérêt à ce que les voleurs utilisent ses bougies précieusement économisées !

Il étendit ses longues jambes frêles et se rendit le plus vite possible dans la seule pièce de la maison où il se sentait en sécurité. Qui plus est, il devait protéger son précieux or coûte que coûte. Enfin, en essayant tout de même de faire le moins de dépenses possibles.

Arrivé devant la porte, il l'ouvrit et s'enferma à double tour dans sa salle des coffres. Là, il vérifia que tous ses coffres étaient bien fermés. Puis, il se posta devant la porte, le gros gourdin qu'il gardait toujours caché sous le meuble en main. Il devait peser aussi lourd que lui, mais la colère décuplait ses forces. Il allait défendre son précieux or au péril de sa vie. Tant qu'il serait vivant, les voleurs ne l'auront jamais. Son visage se durcit et ses yeux ne furent plus que deux fentes. Les pas se rapprochaient. Quand la porte sortit de ses gonds, le vieillard poussa un cri et brandit son gourdin droit devant lui.

Dans la grande salle rouge où se tenaient sept trônes, celui à côté de la ravissante jeune femme se mit à briller. Un homme apparut alors. Tellement voûté qu'il semblait recroquevillé sur lui-même, il ne portait qu'un unique habit en tissu vert, à certains endroits déchiré, qui lui tombait jusqu'aux genoux. Il tenait entre ses doigts crochus un petit lingot d'or. Il avait un collier autour de son cou, où une clé pendouillait mollement. Jetant un regard suspicieux aux autres personnages dans la pièce, il cacha sa clé sous son vêtement avant de refermer un peu plus fort ses doigts autour du lingot.

Avarice était née.

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