Baguenaudage

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 « Inspecteur-chef ? Silvio Lavoretti !

 — Que me vaut d’être dérangé alors que je m’efforce de tenir les finances de ma brigade ? »

 Silvio sait que par un effet de délégation, la plupart des responsabilités administratives du commissariat échouent à l’inspecteur Scalarino, il connaît son affection pour ces tâches nécessaires, mais rébarbatives. Le jeune agent en déduit que son supérieur traverse certainement une de ces périodes de mauvaise humeur, et que présenter sa requête risque de le soumettre à un transfert d’aigreur.

 « Je suis désolé de vous déranger, inspecteur, mais de nouveaux faits sont apparus et il me semblait utile de vous en avertir.

 — Soyez plus explicite, je veux des faits !

 — Lors de notre patrouille, nous avons croisé la jeune femme…

 — Cette mission n’avait qu’un seul objectif : localiser l’endroit où elle loge, vous avez trouvé, l’affaire est close.

 — Mais, Monsieur…

 — Vous oubliez un peu vite le protocole, Lavoretti, adressez-vous à moi par mon grade, et obéissez aux ordres, ce n’est pourtant pas compliqué !

 — Inspecteur-chef, reprend Silvio en insistant sur le grade, il semblerait que la jeune femme en question soit mêlée à une affaire plus complexe qu’il n’y paraît.

 — Silvio, vous savez que j’apprécie votre travail et que je vous dois une fière chandelle, reprend Scalarino d’une voix plus douce. Mais j’attends de vous que vous respectiez les ordres. Ceux-ci sont clairs, mais je vais les reformuler de façon indiscutable : oubliez cette histoire, cessez de suivre cette jeune femme, cette mission n’a jamais existé… L’inspecteur laisse quelques instants à ses paroles pour imprégner son interlocuteur puis reprend, d’un ton plus autoritaire. Sommes-nous bien d’accord ?

 — Bien inspecteur.

 — Retournez à votre patrouille, passez un samedi soir avec vos amis et un bon dimanche de repos, termine Scalarino avant de raccrocher. »

 Déstabilisé, Silvio hésite entre la résignation et la poursuite de son enquête, il se retourne vers Agostino. Accroché à son téléphone, ce dernier ne se soucie pas de son ami. Silvio regarde son portable, un vieux modèle à clapet hérité de son grand frère, décroche et compose le numéro de la seule personne prête à le suivre dans cette affaire.

 « Allo Gabriela ? »

***

 Laissée en plan par mon Roméo d’une autre planète, je profite de ce moment pour me perdre dans les charmantes ruelles de la cité. En fait quand je dis que j’en profite, c’est plutôt que je n’ai pas le choix. De temps en temps, je teste l’efficacité du « vrai plan » et, en effet, l’ensemble des rues que je croise s’y trouvent, alors je me repère comme je peux et choisis de visiter quelques endroits touristiques à souhait. Prenons par exemple la place Saint-Marc. Elle est bordée du palais des Doges dont la façade blanche s’étend sur des dizaines de mètres avec ses fenêtres et ses colonnes monumentales. C’est une sorte de perfection architecturale, construite pour représenter le pouvoir des Doges. J’apprécierais beaucoup plus si la république de Venise n’avait pas disparu au profit d’une oligarchie aristocratique et violente.

 Comme le pont des Soupirs, cette merveille de délicatesse, conçue pour conduire les prisonniers à leur châtiment. Ou la place Saint-Marc, une mise en scène voulue par Napoléon pour asseoir son emprise sur la ville qu’il venait de conquérir. Plus je regarde le passé, plus je me dis que nous vivons sans doute une des meilleures périodes de l’histoire. On peut certes se plaindre du nombre de visiteurs ou de la misère apparente des vendeurs à la sauvette qui tentent de les arnaquer avec leurs faux sacs de marques, mais la liberté a quand même fait de grands progrès.

 Je prends le monde comme il est. J’en apprécie les bons côtés en traînant mes savates (en fait, je porte des baskets) sur les pavés, à l’ombre de Saint-Marc et du Lion ailé de Venise. J’échange des sourires avec ceux qui le veulent bien et j’aide même des touristes asiatiques à immortaliser leur couple devant la basilique qui orne la place de ses millions de mosaïques. Bon, j’exagère, mais elle se compte bien par centaines.

 Quand les ombres s’allongent un peu trop et que l’air se rafraîchit, je prends la route du retour. Je suis les longs quais, le regard planant sur l’eau de la lagune et ses bateaux qui la sillonnent sans cesse, éveillant en moi un désir de navigation et de départ vers des horizons plus cléments.

 Mon chemin me conduit sur la place de l’arsenal, je repère rapidement les MIB, en faction de part et d’autre du canal. J’en tire tout de suite deux conclusions : le vieux couple est dans sa pension, leurs poursuivants ne lâchent pas l’affaire.

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