Campo De l'Arsenal

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 « Voilà, je sais qui les MIB recherchent et je sais où logent leurs cibles, dis-je à Antarès dès que je suis assise. »

 Il me regarde avec un air étrange, visiblement étonné. Il ne sait pas sur quel pied danser.

 « Ton amoureux t’a donc donné toutes les informations, sans contrepartie ?

 — Si je ne savais pas que tu étais un alien égaré sur terre, je discernerais une certaine jalousie dans tes paroles.

 — Qu’as-tu appris, à part comment faire du gringue à la police locale ? »

 Je lui donne tout, désirant qu’il arrête ce jeu mesquin. Il semble réfléchir intensément, alors que la serveuse revient nous servir un magnifique plat de crustacés avec des pâtes. Je décide de briser la glace qui enserre notre repas d’une banquise implacable.

 « Ça ne te fait rien qu’on serve tes cousins extra-terrestres avec des pâtes ?

 — Ce ne sont pas mes cousins, par contre ceux-là (il fait bouger une langoustine avec sa fourchette) me font penser aux Algatéens de la troisième planète d’Andromède.

 — Et ça ne te dérange pas d’en manger.

 — La chair des vrais est un poison mortel, par contre ce sont d’excellents mathématiciens. Je te remercie de m’avoir coupé l’appétit.

 — Désolée, lui réponds-je en prenant mon air le plus sincèrement contrit.

 — On va aller voir ce vieux couple de plus près, dès qu’on a fini de manger, termine-t-il en lançant un sourire à la serveuse. »

***

 Vous n’imaginez pas à quel point il peut être difficile de ne pas se perdre à Venise. J’ai les trois plans que m’a donnés le Signore Valente, mais il est presque impossible de trouver la place de l’arsenal sans les consulter l’un après l’autre. Inutile de compter sur Antarès pour m’aider. Même s’il possède un sens inné de l’orientation, il est vite déstabilisé par l’organisation anarchique des rues, il nous faut plus d’une heure pour parvenir à destination.

 Devant nous s’étend une grande étendue en pierre blanche avec un portail majestueux et des tours de brique rouge gardent les entrées d’un énorme espace de bassins. La forme industrielle des bâtiments et la présence de soldats me laissent penser qu’il s’agit d’une base militaire.

 Des touristes envahissent les terrasses de café, on trouve quand même une place assise, elle donne un point de vue sur l’ensemble de l’esplanade. Nous commandons des expressos (je ne sais pas si on dit espressi en Italien) et chacun de nous attend que l’autre propose un plan.

 Le serveur nous apporte notre commande, puis repart. Les tasses contiennent l’équivalent d’un dé à coudre d’une boisson sombre capable de réveiller un mort. J’attaque.

 « Dommage, je n’ai pas de forfait data, ici.

 — Donne-moi ton téléphone, me répond-il en me lançant un clin d’œil. »

 Il le prend et se concentre dessus, pianote, slide dans tous les sens, passe quelques minutes à exécuter de curieuses incantations informatiques et me le rend enfin. Je démarre Google et cherche les pensions ou chambres d’hôte aux alentours, je ne sais par quel miracle, mais Antarès a réussi à pirater le réseau.

 « Comment t’as fait ça ?

 — C’est une technologie très vieille par rapport aux standards de ma planète, tu sais.

 — Oui, mais quand même ! Pirater le réseau d’un opérateur téléphonique depuis un smartphone, c’est du haut vol et du vol tout court ! »

 Mon compagnon me regarde, visiblement amusé, je commence à sentir l’arnaque. Mes yeux se froncent, je lui lance ce fameux regard de l’investigatrice qui soupçonne un suspect. Bon, je n’ai pas vraiment l’habitude de ce genre de pratique, en fait, j’improvise. Comme Antarès pressent que la moutarde me monte au nez, il finit par capituler :

 « J’ai juste mis le wifi avec les codes qui figurent sur la carte, le plus difficile a été de masquer son activation sur l’écran ;

 — C’est malin ! Bon, il n’y a qu’une seule chambre d’hôte ici. Enfin, une seule acceptant les animaux.

 — Bravo !

 — Elle est juste en face de nous. »

 On se regarde en souriant, fier de nous. Il tend la main vers moi, sur la table, je l’attrape.

 « En fait, je voulais reprendre ton téléphone », me dit-il pour expliquer son geste, mais je le tiens, je le garde, ça me fait du bien de le sentir là. De l’autre je pousse mon smartphone, il le saisit de la main gauche et commence à la faire tourner discrètement, en prenant des clichés.

 « On a plus qu’à patienter jusqu’à leur sortie ou leur retour de promenade, dis-je, plus pour la conversation qu’en attente d’une réponse.

 — Ils sont encore dans la maison d’hôte, me répond Antarès, sûr de lui.

 — Comment le saurais-tu ? Un sixième sens extra terrestre, peut-être ?

 — Non, je le sais parce que les maybe sont en train de les attendre, il y en a deux sur la terrasse  et un de l’autre côté du canal. »

 Je regarde autour de nous, furtivement, comme me l’a appris Verevckine. En effet, parmi les clients de la terrasse, un couple à l’air coincé semble essayer de se faire passer pour des touristes.Sur l’autre rive, un homme flâne, ses yeux se tournant souvent dans notre direction.

 « Juste un couple qui vient de se disputer et un homme qui s’ennuie en attendant quelqu’un, tu ne serais pas un peu parano ?

 — Peut-être suis-je parano, mais ton amoureux est là aussi. Avec son grand nigaud de collègue. Quant au couple, je ne sais pas s’ils viennent de se disputer, ou si l’autre attend sa copine, par contre, ce que je sais, c’est qu’ils n’apparaissent pas sur les photos que je viens de prendre. »

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