Rechercher un restaurant

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 Je finis de m’habiller, les tartines n’ont pas comblé le gouffre de mon estomac, je ne connais pas Venise, je ne sais pas trop où manger. Nul doute que je trouverais quelque chose, mais pour mon premier repas en ville, autant éviter les pièges à touristes hors de prix.

 Je descends les escaliers en quête de mon hôte. À mi-chemin, j’entends un bruit étrange, comme des oscillations, un bruit de tuyauteries mises sous pressions, mais en plus organique. Ce bruit m’évoque les mugissements d’un monstre venu des temps mythiques. Pas vraiment fière, mais décidée à trouver le propriétaire, je me dirige vers sa source (la source du bruit, hein, pas celle du proprio.)

 Une porte s’ouvre sur les communs du palais, ici, les peintures cèdent la place à des murs de briques nues, un couloir se poursuit devant moi. Le bruit s’amplifie, je suis sur la bonne piste.

 Une autre porte se dessine au fond, je m’approche et tends l’oreille. Le vacarme est plus fort, plus présent. Je ne vous dis pas à quoi me fait penser le bruit, de peur d’encore passer pour une geek (quoi que je ne sois plus à ça près.)

 Je frappe mollement à la porte, sans réponse. Je colle mon oreille sur le battant, entre deux bruits semblables à des vagues, j’entends des bougonnements et des jurons en italien. Au moins, si une monstruosité se cache derrière cette entrée, un humain, ou un être d’apparence humaine s’y trouve aussi. J’ouvre.

 Une vaste salle apparaît, apparemment une cuisine. Bon, qui mettrait une cuisinière et un évier dans une pièce qui ne servirait pas de cuisine ? Je vous le demande !

 Nulle trace sous cet angle de vision d’un quelconque individu, les bruits cessent et un « Merda » suivi d’un bruit de valve de cocotte-minute. J’reconnais la voix de mon logeur, je respire enfin. C’est drôle comme on retient parfois sa respiration lorsqu’on est sous tension, et qu’on ne s’en aperçoit que lorsqu’on respire à nouveau.

 J’entre, devant le Signore Valente se tient une colonne de métal chromé dont le sommet est constitué d’un dôme chromé, des tuyaux et des molettes rouges en surgissent. D’une imperfection de la machine gicle un jet de vapeur dont s’écarte hâtivement le sosie du docteur.

 Je m’approche timidement, il me tourne le dos et n’a pas remarqué ma présence, il tient un tournevis à la main, j’attends qu’il s’écarte du flux bouillant avant de me manifester.

 « Hum. »

 Dans le vacarme ambiant, ça ne suffit pas, je me concentre et retente, plus fort. Il sursaute et se retourne vivement.

 « Ah ! Gentille Hélèna, vous êtes réveillée.

 — Oui, je ne voulais pas vous déranger.

 — Oh! Mais vous ne me dérangez pas, j’ai juste un peu honte de me déclarer vaincu par ce coglione de percolateur. Vous vous y connaissez peut-être ? »

 Devant ma figure que je devine afficher un air perplexe, il se ravise. « Non, bien entendu... Que puis-je pour vous ? »

 Devant cette question, infiniment plus simple, je me sens capable de lui répondre :

 « Je venais vous prévenir que je sortais et vous demander si vous aviez une adresse de restaurant dans lequel je pourrais manger ce midi.

 — Avant de sortir, il faut que je vous donne les clefs et les plans de la ville.

 — Vous allez me donner les clefs de la ville ? »

 Et toc ! Ma question le laisse bouche bée, rapidement il sourit en comprenant la blague. « Suivez-moi dans mon bureau. » Il se tourne vers la porte dont l’âge laisse croire qu’elle cache des trésors anciens. Je le suis, timidement. Nous entrons dans une pièce donnant sur le jardin. Ici règne le même désordre que dans ma chambre, les murs sont bardés de rayonnages, visiblement pas assez grand pour accueillir tous les ouvrages de mon hôte, des colonnes de livres se dressent çà et là sur le parquet.

 Il s’assied derrière un bureau, ne se donne pas la peine de me proposer un siège et commence à fouiller dans les tiroirs d’une armoire d’archive. J’attends.

 Il finit par se retourner vers moi, après avoir sorti un ensemble de documents. « Voici le plan officiel de la ville. C’est pour vous. Cadeau de la maison. » Il pose ensuite une photocopie sur la table. « C’est le plan du quartier, en plus gros. » Une seconde feuille le rejoint. « Et là, c’est encore plus gros.»

 Je prends les deux feuilles, sur lesquelles figurent des croix tracées au stylo rouge, avec une légende dans un coin. Je repère rapidement celle correspondant à la pension sur les deux plans. Par contre, il me semble que les deux plans ne coïncident pas tout à fait. Je m’apprête à lui en faire la remarque, mais il me coupe l’herbe sous le pied.

 « C’est très difficile de faire un plan précis de Venise. Le plan officiel c’est pour les grandes distances. Le moyen, c’est pour savoir où vous êtes dans le quartier, le plus précis, pour ne pas vous perdre.

 — Ha ?

 — Pour manger ce midi, je vous conseille la Strega, c’est ici sur le plan.»

 Il prend un feutre et dessine une croix sur le plan officiel. « Je vais vous dessiner le chemin depuis ici. » Avec son feutre, il commence à dessiner des traits, au mépris des murs, je commence à me demander si j’ai raison de lui faire confiance, je m’en ouvre à lui.

 « Mais là, il n’y a pas de rue.

 — Faites confiance au Vénitien, pas aux plans. Si vous voulez un plan précis, passez à la librairie Aqua Alta, demandez un vrai plan de ma part au patron. »

 Il ajoute une croix sur le plan, à quelques pas du restaurant de la sorcière.

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